Tout a commencé dans une cafétéria d'un coin perdu de l'Ohio. Entre deux cours universitaires, Jerry Greenfield servait de la crème glacée à ses collègues de classe.

Tout a commencé dans une cafétéria d'un coin perdu de l'Ohio. Entre deux cours universitaires, Jerry Greenfield servait de la crème glacée à ses collègues de classe.

C'était il y a bien longtemps. Avant qu'il ne devienne une légende de la crème glacée. Ou plutôt, avant que son prénom ne devienne célèbre.

C'était avant Ben & Jerry's.

Trente-cinq ans et un empire de crème glacée plus tard, Jerry Greenfield se souvient de ses débuts comme serveur à la cafétéria de son université.

«On m'avait affecté par hasard à la section des desserts. Les employés servaient alors des saveurs impopulaires pour réduire leur charge de travail. J'ai préféré offrir les meilleures saveurs même si ça m'occasionnait un peu plus de travail. J'ai appris que les gens aiment des grosses boules de crème glacée. Quand vous leur donnez un gros cornet, leurs yeux changent et ils sourient. Quand vouss leur donnez un petit cornet ils sont déçus», dit-il en entrevue à La Presse Affaires dans un hôtel de Montréal, où il prononçait une conférence sur la responsabilité sociale des entreprises mardi dernier.

Une leçon qu'il n'oubliera pas quand il ouvrira sa première crémerie avec son ami d'enfance Ben Cohen à Burlington, au Vermont, en mai 1978. Mais les débuts de Ben & Jerry's ont été modestes. La formation de départ aussi : un cours par correspondance de l'Université Penn State au coût faramineux de 5 $US.

«Nous étions si fauchés que nous n'avons pris qu'un seul cours à deux, se rappelle M. Greenfield. Mais Ben et moi avons eu tellement de succès que Penn State a haussé les frais du cours à 15 $ US !»

Ben Cohen et Jerry Greenfield n'ont jamais vraiment mis leurs nouvelles connaissances à profit. Leur plan d'affaires allait plutôt à contre-courant des tendances de l'industrie: crème glacée de qualité supérieure, saveurs inhabituelles, parfois saupoudrées de biscuits et de friandises. La recette n'a pas trop mal fonctionné.

En 1985, Ben & Jerry's s'inscrit en Bourse. Son titre se vend alors 13,00 $US. Pendant 15 ans, la petite société du Vermont se bat contre les Goliath de l'alimentation. Jusqu'à ce qu'un Goliath - la société britano-néerlandaise Unilever - l'achète en août 2000, au prix de 43,60 $ US l'action.

«Nous ne voulions pas vendre mais nous n'avions pas le choix, dit M. Greenfield. Comme nous ne détenions pas la majorité des actions, nous aurions été achetés d'une façon ou d'une autre. Avec le recul, nous aurions pu trouver une autre solution que de nous inscrire en Bourse pour avoir du financement. Mais nous avons quand même trouvé le moyen de rester une entreprise indépendante pendant 15 ans.»

Jerry Greenfield n'a pas quitté complètement l'industrie de la crème glacée. Il siège toujours au conseil d'administration de la compagnie qui porte son nom - ou plutôt, son prénom. Mais son nouvel emploi du temps lui permet de se consacrer à son autre dada dans la vie: la responsabilité sociale des entreprises.

Mardi dernier, il donnait une conférence sur le sujet devant 4500 personnes au Palais des congrès de Montréal, aux côtés de l'ancien président américain Bill Clinton et des autres invités de la société The Power Within.

«Le monde des affaires est devenu une force tellement puissante dans la société, dit-il. Mais il ne veut que faire des profits, peu importe les conséquences de ses gestes. Il dit qu'il n'a pas besoin de lois et qu'il peut se discipliner lui-même, mais l'expérience démontre que les entreprises se soucient que de leurs propres intérêts.»

Malgré ses millions et sa célébrité, le cofondateur de Ben & Jerry's s'ennuie parfois du bon vieux temps, quand il vendait ses cornets un à un derrière son comptoir de Burlington.

«La majorité de nos ventes proviennent maintenant du commerce au détail, dit-il. Mais les crémeries donnent beaucoup de visibilité à l'entreprise. Et elles apportent encore beaucoup de bonheur à nos clients. Acheter un cornet de crème glacée dans une crémerie est une expérience particulière. Ce n'est pas comme s'en servir un à la maison devant la télévision.»

Ben & Jerry's

580 crémeries dans 26 pays

430 crémeries aux États-Unis

19 crémeries au Canada

8 crémeries au Québec (Montréal, Laval, Québec, Saint-Sauveur)

1 million de cornets seront servis aux États-Unis au cours de la journée du cornet de crème glacée gratuit le 17 avril prochain.

Source: Ben & Jerry's.