Reportons-nous au début de 2006.

Reportons-nous au début de 2006.

Qui s'imaginait que des étrangers paieraient des milliards pour s'emparer de Inco et Falconbridge, deux piliers de l'industrie minière au Canada?

Qui pensait que les consommateurs américains, déjà très étirés, continueraient d'acheter, en rognant leurs épargnes ou en s'endettant?

Qui prévoyait que la Bourse canadienne s'en tirerait haut la main avec une quatrième année consécutive de gain?

Bien peu d'investisseurs!

Quelles surprises nous réserve 2007? Par définition, une surprise est impossible à prévoir. Pourquoi s'amuser à prédire l'imprévisible? L'exercice a le mérite de faire ressortir des idées négligées de la majorité, sans être carrément farfelues. Et c'est souvent en sortant des sentiers battus qu'on découvre les meilleures pistes d'investissement.

Des stratèges et des gestionnaires de portefeuille ont accepté de se prêter au jeu des prédictions. Voici leurs idées:

Surprise #1: les fiducies de l'énergie n'avalent pas leur bonbon fiscal

Le 31 octobre dernier, jour de l'Halloween, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il retirerait aux fiducies leur avantage fiscal. Pour une surprise, c'en était toute une! Mais les fiducies ont eu droit a un dernier bonbon : une période de grâce de quatre ans... et les investisseurs s'imaginent qu'elles vont en profiter jusqu'au bout.

Or, des fiducies de l'énergie pourraient se convertir en corporations dès cette année, estime Norman Rashkowan, chef de la direction des placements pour les Investissements Standard Life.

La raison? À cause de la baisse du prix du gaz naturel, les fiducies devront sabrer leurs distributions. Elles auront moins de mal à se justifier auprès des investisseurs, si la débâcle se produit en même temps que leur conversion en corporation.

Que faire? Vendre immédiatement ces fiducies. Ou encore investir dans de petites corporations qui rachèteront à prix d'aubaine les fiducies à genoux. Mais ces corporations sont risquées, prévient M. Rashkowan. Pour un investisseur individuel, il est plus sage de miser sur un fonds communs spécialisé, que sélectionner des titres individuels.

Surprise #2: les banques canadiennes piquent du nez

Aux yeux des investisseurs, les banques sont des titres parfaits, toujours à la hausse. Pas si sûr! Les banques pourraient fondre de 10 à 20 % d'ici un an ou deux, estime François Rochon, président de Giverny Capital.

«Les banques opèrent dans le meilleur des mondes depuis trois ans. C'est la belle vie! Mais tout est étiré», considère-t-il. Leurs mauvaises créances sont extrêmement faibles... mais cela ne durera pas si l'économie s'encrasse. Les banques ont fait de l'argent comme de l'eau avec la vague de financement des fiducies de revenus... mais le ressac est inévitable avec la décision du gouvernement fédéral.

Que faire? « C'est le temps d'encaisser des profits », dit M. Rochon. Les investisseurs pourraient aiguiller une partie de leurs gains vers les banques américaines. Avec quelque 5000 banques, il faut être très sélectif. Pour sa part, M. Rochon est actionnaire de Wells Fargo, la mieux gérée parmi les grandes banques américaines.

Surprise #3: le prix du pétrole rejaillit à 70 $ US

«Les conducteurs n'ont pas tous vendu leur 4X4! La demande pour le pétrole est encore forte. Il ne faudrait qu'un ou deux événements politiques fortuits pour qu'il rebondisse à 70 $ US », lance Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky Fraser.

Après avoir touché un sommet de 77 $ US l'été dernier, le pétrole vient de retomber à 51 $ US, en raison du temps doux et de la décision de l'OPEP de ne pas réduire davantage sa production.

Que faire? Le pétrole pourrait descendre encore plus bas en février, pense M. Durand.

Ce sera le temps de profiter du repli. Nexen, Talisman et aussi EnCana sont de belles occasions, selon lui. Elles ont une certaine taille, une production qui augmentera d'ici deux ans... et aucun actionnaire de contrôle. Elles sont donc des cibles d'acquisition plus faciles. Oui, il pourrait y avoir d'autres méga acquisitions en 2007. Mais ce n'est plus vraiment une surprise!

Surprise #4: pour affaiblir l'Iran, les Américains coulent le prix du pétrole

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, n'est pas du même avis que M. Durand. «La géopolitique pourrait jouer contre le pétrole», dit-il.

Sa logique est la suivante: l'Iran est au centre des tensions au Moyen-Orient. Mais si les États-Unis intervenaient là-bas, le prix du pétrole grimperait, l'Iran s'enrichirait et deviendrait encore plus menaçante.

Les États-Unis et leurs alliés (Arabie Saoudite, Koweït) préféreront peut-être l'option inverse: hausser leur production pour inonder le marché, couler le prix de pétrole et affaiblir financièrement l'Iran.

Que faire? M. Delisle propose deux solutions. Les investisseurs plus modérés peuvent, d'une part, réduire leurs placements dans le secteur pétrolier, et d'autre part, faire le plein du QQQ, le fonds coté en Bourse qui reflète la performance du Nasdaq, la Bourse américaine à forte saveur technologique.

Notez que lorsque le pétrole baisse, la techno sort gagnante en Bourse. Les investisseurs plus osés peuvent acheter des options d'achat sur l'indice du Nasdaq, et en parallèle, acheter des options de vente sur l'indice canadien du pétrole (XEG).

Surprise #5: les récoltes poussent de travers. Les épiciers y goûtent!

Il gèle en Californie. Le gouverneur Schwarzenegger a décrété l'état d'urgence. « Une grande partie des récoltes ne sera pas là au printemps », dit M. Durand. Cela fera croître le prix de nos fruits et légumes.

Pas mauvais pour les agriculteurs d'ici qui vendront leur production à meilleur prix... à moins que la météo leur joue aussi des tours. Comme le couvert de neige est mince, ils pourraient faire face à une sécheresse, si la pluie est rare au printemps.

Que faire? Difficile de réagir pour les investisseurs : le secteur de l'agriculture n'est pas présent à la Bourse canadienne. Les investisseurs devraient toutefois surveiller les titres des épiciers. S'ils ne parviennent pas à refiler la hausse des prix aux consommateurs, leur marge de profit y goûtera.

Surprise #6: la Bourse canadienne affiche une cinquième année au-dessus de 10 %

La Bourse canadienne a déjà quatre années consécutives de gain en arrière de la cravate. Cela ne l'empêchera pas de grimper de plus de 10 % encore en 2007, mais avec plus de volatilité, estime Pierre Bernard, vice-président et gestionnaire d'actions canadiennes à l'Industrielle-Alliance.

Pour lui, la Bourse canadienne traverse un «super cycle», une période de hausses ininterrompues de plusieurs années, comme cela s'est déjà produit de 1975 à 1980 (six ans), puis de 1985 à 1989 (cinq ans).

Cette fois, les raisons sont différentes: «Avec la mondialisation, les barrières de la planète terre s'ouvrent», dit M. Bernard. L'essor de l'Asie créé un nouveau rapport de force.

Que faire? Privilégier les sociétés pétrolières et les banques. Surveiller les mal-aimés qui pourraient se relever. M. Bernard pense au Groupe CGI (très mal perçu, mais doté d'un potentiel de revirement), à BCE et Bombardier (le carnet de commandes dans l'aérospatial pourrait se regarnir)

Surprise #7: les Bourses mondiales dérapent

Premier scénario : en 2007, l'économie américaine ralentit, la Réserve fédérale (Fed) baisse les taux d'intérêt pour repartir la machine. L'économie redémarre... et personne n'est surpris. Tout le monde s'attend à ce l'intervention de la Fed remette tout en bon état. C'est le consensus.

Deuxième scénario: «L'économie ne repart pas. Les profits des entreprises ne sont pas au rendez-vous. Les marchés boursiers baissent de 10 %, contrairement à ce que pensent les douze stratèges des plus grandes firmes de courtage américaines, tous optimistes pour la première fois depuis 2001», souligne Vital Proulx, président d'Hexavest.

Les gens ne craignent plus rien. Il y a un excès de liquidités, une bulle dans les profits des entreprises, dit-il.

Que faire? Viser les titres défensifs, les entreprises qui résistent même quand l'économie tourne au vinaigre: Pfizer et Novatis dans le secteur pharmaceutique; le géant des cigarettes Altria, dans le secteur de la consommation de base; Deutsche Telekom et Vodafone, moins chères que les autres sociétés de télécommunication ailleurs dans le monde.

Surprise #8: les entreprises américaines haussent leurs profits de plus de 10 %

M. Rashkowan n'est pas de ceux qui pensent que les profits des sociétés américaines sont gonflés à l'hélium. «Le consensus prévoit une hausse de 6 % en 2007. Nous pensons que ce sera bien meilleur: Au-delà de 10 %», dit-il.

Comme l'inflation reste faible, les coûts de production seront sous contrôle (sauf peut-être les salaires... c'est le danger). La baisse du dollar américain soutiendra les ventes des multinationales américaines qui ont une large part de leurs activités outremer.

Que faire? Préférer les Blue Chips américains qui sont très impliqués à l'extérieur des États-Unis, comme IBM, Procter & Gamble et General Electric.