Mieux vaut prévenir que guérir dans la présente crise de liquidités qui secoue les marchés financiers.

Mieux vaut prévenir que guérir dans la présente crise de liquidités qui secoue les marchés financiers.

C'est la conclusion à laquelle en est arrivée au cours du week-end le conseil d'administration et la haute direction de la Banque Nationale du Canada pour sauver sa réputation et la valeur de sept fonds du marché monétaire qui portent son nom ou celui d'Altamira.

Avant l'ouverture des marchés hier matin, la Banque a fait part de sa volonté de racheter au prix d'émission, plus les intérêts courus, tout le papier commercial adossé à des actifs (PCAA), vendu au détail par elle-même ou ses filiales, et détenu par ses fonds communs, par ses clients particuliers et par sa clientèle entrepreneuriale qui en possède pour moins de deux millions de dollars.

Les entreprises, qui en détiennent davantage, devront attendre 60 jours avant de connaître le sort réservé à leur placement.

L'opération, faite sans obligation légale ou contractuelle, coûtera deux milliards en espèces à la banque puisés à même son actif de 136 milliards. De ces deux milliards en PCAA, 1,85 milliard ont été émis par des institutions non bancaires.

«Nous voulions à tout prix éviter deux scénarios: suspendre le rachat des parts de nos fonds communs du marché monétaire ou réduire leur valeur qui a toujours été de 10 dollars», a répété lundi tant aux analystes financiers qu'aux journalistes Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque au cours de deux appels conférence.

Les clients de la Nationale, de ses filiales la Financière, Courtage à escompte ou Trust Général ne subiront ainsi aucune perte, s'il avérait que les PCAA en question devaient être dévalués.

Quant à la Banque, c'est dans les résultats du dernier trimestre (terminé le 31 octobre prochain) qu'on pourra constater l'ampleur du dégât, si dégât il y a.

«Ce n'est pas la qualité des PCAA qui est en cause mais leur liquidité», a insisté M. Vachon. Si l'affirmation se confirme et que la banque conserve ces titres jusqu'à leur échéance, elle pourrait même dégager un profit.

L'agence de notation Dominion Bond Rating Service (DBRS), critiquée pour avoir noté AAA ces PCAA, a réitéré en après-midi la cote AA faible qu'elle accorde au crédit de l'institution financière.

À Toronto, l'action de la Banque Nationale a terminé en hausse de quatre cents à 54,84$ après avoir oscillé toute la journée au cours d'une séance haussière.

Sixième au pays de par la valeur de son actif, la Nationale est la seule jusqu'ici des grandes banques à devoir annoncer de telles mesures pour rassurer sa clientèle.

Les Banques Scotia, de Montréal et CIBC ont tour à tour diffusé dans la journée de brefs communiqués rassurants. Elles y affirment que leurs fonds du marché monétaire canadien ne contiennent aucune créance commerciale non parrainée par des banques.

Lundi, le Mouvement Desjardins annonçait prendre à sa charge tous les PCAA contenus dans ses fonds. En contrepartie, ils recevront du papier commercial émis par la Caisse centrale Desjardins.

L'institution lévisienne affirme que seulement 100 millions des 15 milliards administrés par ses fonds communs étaient investis dans du PCAA. «Il n'y avait pas de papier à risque (subprime), ni de titres émis par des sociétés comme Coventree», insiste son porte-parole André Chapleau.

Desjardins affirme ne pas avoir subi de fortes demandes de rachat de ses fonds. «Vendredi, on en vendait encore», ironise M. Chapleau.

C'était différent à la Nationale. M. Vachon estime à une centaine de millions la valeur des rachats la semaine dernière.

Plusieurs articles dans la presse financière ont fait ressortir ces derniers jours que l'institution de la rue De La Gauchetière avait acheté beaucoup plus que ses concurrentes des PCAA non bancaires pour bonifier le rendement de ses fonds du marché monétaire.

Citant le Morning Star, La Presse Affaires révélait samedi que certains fonds de la Nationale avaient misé jusqu'à 21% de leur actif dans des titres parrainés par Coventree, la société torontoise spécialisée dans les prêts hypothécaires à risque qui traverse une crise de liquidités.

Ces articles ont poussé la direction de la Banque à prendre le taureau par les cornes.

M. Vachon a admis hier que ses fonds du marché monétaire avaient misé de 5% à 40% dans des PCAA non bancaires. «La gamme de ces produits est très diversifiée», s'est-il défendu quand on a cherché une explication à une pondération si élevée pour un produit vendu comme étant sans risque.

Il a aussi fait valoir que la bonne gestion des finances publiques fédérales diminuait les émissions de bons du Trésor qui forment en général le gros de l'actif des fonds du marchés monétaires.