En déposant son deuxième budget lundi, le gouvernement conservateur de Stephen Harper prend le taureau du déséquilibre fiscal par les cornes. Il prévoit de déverser 39 G$ sur sept ans dans les coffres des provinces, dont une grande partie revient au Québec.

En déposant son deuxième budget lundi, le gouvernement conservateur de Stephen Harper prend le taureau du déséquilibre fiscal par les cornes. Il prévoit de déverser 39 G$ sur sept ans dans les coffres des provinces, dont une grande partie revient au Québec.

Dès l'exercice 2007-08, les provinces recevront une manne d'argent neuf de 6,1 G$, le Québec s'accaparant 2,3 G$ de cette somme.

Quand il s'est levé pour prononcer son discours du budget à la Chambre des communes lundi après-midi, le ministre des Finances, Jim Flaherty, bonifiait tel qu'attendu le programme de la péréquation de 2,1 G$ sur deux ans.

Mais l'essentiel du changement ne se trouve pas seulement dans les chiffres. Il se trouve dans la formule. Le gouvernement inclut, tel qu'attendu, les 10 provinces dans le calcul de la péréquation.

Aussi, il s'assure que les provinces productrices d'énergie profiteront du calcul le plus avantageux entre la déduction de tous leurs revenus provenant de ressources naturelles ou de 50% de ces revenus. Rappelons que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse bénéficient présentement de telles exclusions.

Aussi, la réforme de la péréquation comptabilise la valeur marchande des propriétés pour déterminer la richesse foncière provinciale, une mesure déjà réclamée.

Combinés, ces changements sont supposés ne faire aucun perdant et rendre les paiements de péréquation plus prévisibles.

Le règlement du déséquilibre fiscal ne s'arrête toutefois pas là.

À cela s'ajoute un montant de 800 M$ par année pour soutenir l'enseignement postsecondaire ainsi que 250 M$ visant la création de places en garderies. D'ailleurs, les garderies atteindraient 25 000 places en 2007-08.

Le ministre Flaherty annonce aussi qu'il aligne la durée légale du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) avec celle de l'entente de 10 ans sur la santé, soit jusqu'en 2013-14.

Il s'assure que dès maintenant, une allocation unique par habitant est instaurée pour rendre ce transfert plus équitable. Le TCPS passe de 8,5 G$ en 2006-07 à 12,2 G$ en 2013-14.

Sur les sept années de prévisions pour le déséquilibre fiscal, les conservateurs prévoient que 16 G$ sont consacrés aux infrastructures. Le gouvernement prolonge l'accord sur le transfert de la taxe sur l'essence aux municipalités et prolonge le financement des programmes d'infrastructure.

Même l'environnement fait partie du portrait, avec la confirmation que l'écoFiducie de 1,5 G$ (dont 350 M$ au Québec) déjà annoncée est comptabilisée dans le rétablissement de l'équilibre entre le gouvernement central et les provinces.

En plus de cela, M. Flaherty circonscrit le pouvoir fédéral de dépenser, un irritant traditionnel majeur. Ainsi, les programmes à frais partagés doivent être approuvés par la majorité des provinces, tout retrait pour établir un programme similaire entraînant une indemnité.

Le ministre des Finances crie donc mission accomplie dans un dossier épineux qui faisait l'objet d'une promesse électorale clé.

«Il s'agit de meilleures routes et de services de transport en commun plus efficaces, dit M. Flaherty aux Communes. De meilleurs soins de santé. De meilleurs outils pour les universités. D'océans, de rivières, de lacs et d'air plus propres. D'une formation qui permet aux Canadiens de développer les compétences dont ils ont besoin. Il s'agit de bâtir un meilleur avenir pour notre pays.»

Réduction de la dette

Ottawa fait encore de la dette une priorité majeure. James Flaherty annonce qu'il a consacré 9,2 G$ en 2006-07 afin de l'éponger, après y avoir transféré le surplus de 13,2 G$ l'année précédente. En chiffres absolus, elle atteignait 472,3 G$ à la fin de l'exercice 2006-07.

Le budget prévoit que cet endettement descendra encore d'au moins 3 G$ par année lors des exercices 2007-08 et 2008-09. Cela engendrerait un ratio au PIB de 30%, avec pour objectif de l'abaisser à 25% dès 2012-13.

Avantage familial

Cela aura un impact sur fardeau fiscal des particuliers, le gouvernement ayant l'intention de se servir des économies d'intérêts liées à la dette pour alléger les impôts. Les conservateurs proposeront d'adopter une loi forçant Ottawa à aller de l'avant avec une telle mesure, consacrant aussi les surplus imprévus à la dette.

Les contribuables les plus âgés sont les premiers dans la mire du gouvernement. Ce dernier hausse de 1000 $ à 5066 $ le montant du crédit accordé en raison de l'âge. De plus, il augmente de 69 ans à 71 ans l'âge limite pour cotiser à un REER, et autorise la retraite progressive pour rendre possible le cumul de prestations de retraite et rentes partielles.

Autrement, le ministre des Finances vise avant tout les familles en rendant leurs enfants déductibles d'impôt. Il crée un crédit de 2000 $, ce qui allégerait d'un maximum de 310 $ par enfant le fardeau de 3 millions de familles.

Les personnes mariées et les conjoints de fait intéressent aussi le gouvernement, qui hausse leur déduction pour la rendre égale au montant personnel de base sur les déclarations d'impôt.

À cela s'ajoute une prestation fiscale pour le revenu gagné de 500 $ pour les célibataires et de 1000 $ pour les familles. 1,2 million de familles en profiteraient.

Au total, 230 000 Canadiens ne paieraient plus d'impôt fédéral.

Selon James Flaherty, une famille ayant deux enfants et générant un revenu unique de 37 000 $ économisera 620 $ ou 23% en impôt chaque année.

«Les familles pourront utiliser cet argent pour acheter des chaussures ou des vêtements neufs à leurs enfants, pour épargner en vue de l'achat d'un nouvel ordinateur, ou même pour acheter une nouvelle paire de patins de hockey, comme je l'ai fait moi-même hier pour mon fils John.»

Les Canadiens qui utilisent le transport en commun ne sont pas oubliés. Estimant que le crédit d'impôt pour les laissez-passer de transport en commun est un succès, Ottawa l'élargit aux cartes électroniques et aux titres hebdomadaires consécutifs.

Enfin, le ministre se veut prudent avec l'augmentation des dépenses. M. Flaherty veut ramener la croissance des dépenses à un taux comparable à la hausse connue par l'économie.

Les dépenses des programmes augmentent de 7,9% à 189 G$ cette année (2007-08), alors que les revenus augmentent de 4,5% à 232,3 G$. Toutefois, le portrait commencera à changer en 2008-09: la croissance des dépenses se limitera à 3,6% pour un total de 206,8 G$ et les revenus progresseront de 2,8% à 243,5 G$.