Il ne mettra personne dehors demain matin, mais ne fait de promesses à personne. Claude Lamoureux, président de Teachers, vient d'orchestrer la plus grosse transaction de l'histoire du pays.

Il ne mettra personne dehors demain matin, mais ne fait de promesses à personne. Claude Lamoureux, président de Teachers, vient d'orchestrer la plus grosse transaction de l'histoire du pays.

Et se trouve en tête de la course pour BCE. En entrevue mardi avec La Presse Affaires, M. Lamoureux admet que le processus d'évaluation des offres mené par BCE a connu des ratés. Son vice-président, Jim Leech, avait promis qu'il n'y aurait pas de changements à 180 degrés chez BCE. «Mais on peut se rendre à 179 degrés...» affirme aujourd'hui M. Lamoureux. Entretien avec un homme qui vient de miser gros.

Q Les derniers jours ont été très mouvementés. Comment les avez-vous vécus ?

R Aucun problème ! Et vous ? Sérieusement, on savait ce qu'on misait, et on a eu l'entreprise pour un prix avec lequel nous sommes très confortables.

Q Avez-vous l'impression d'avoir gagné la course ?

R Ce qu'on vient d'obtenir, c'est que le conseil recommande aux actionnaires d'approuver notre offre. Ça ne veut pas dire que la course est nécessairement finie. C'est le processus, et il faut continuer de le vivre. On a un break-up fee assez élevé, mais si quelqu'un veut donner plus que nous, on verra ce qu'on fera à ce moment.

Q Pourquoi vouloir acquérir BCE ?

R On croit que la compagnie a un avenir et qu'il y a un moyen de l'accélérer. C'est pour ça que Bell a été mise en jeu, et pas par nous - par nos amis de KKR et du Régime de pension du Canada. En tant qu'actionnaire le plus important, on a été obligés de répondre. Avec nos partenaires, on va maintenant essayer de faire mieux avec la compagnie.

Q Comment allez-vous procéder ?

R Je ne pense pas qu'on va publier nos plans stratégiques pour que tout le monde les lise dans La Presse demain matin...

Q Teachers a par contre déjà annoncé qu'il n'y aura pas de changement à 180 degrés chez BCE et qu'aucune division ne serait vendue.

R On n'a pas dit qu'il n'y aurait pas de vente de division, on n'a pas dit qu'il n'y aurait pas de changement. Il va y avoir des changements. Ça ne veut pas dire qu'ils vont être à 180 degrés. Mais on peut se rendre à 179... Tout est sur la table, on va tout regarder. On a des partenaires qui connaissent très bien le domaine de la téléphonie, on a un plan. Il s'agit maintenant de le vérifier et de le mettre en pratique.

Q Allez-vous investir davantage dans BCE ?

R On peut avoir des investissements à faire et on s'attend à ça. Dans la plupart des compagnies qu'on achète, l'une des choses que l'on fait est justement d'accélérer les investissements en capital.

Q La direction actuelle restera-t-elle en place ?

R On ne mettra personne dehors demain matin, mais on ne fait aucune promesse à personne. On va parler aux gestionnaires en place et à partir de ça, on va faire un plan et décider quelle sera l'équipe de gestion.

Q BCE va quitter la Bourse. Qu'est-ce que cela va changer ?

R Un des problèmes des compagnies en Bourse, aujourd'hui, est que tout le monde en vérifie les profits à tous les trimestres. Dans une compagnie à capital fermé, on peut regarder à long terme et investir rapidement pour améliorer la compagnie.

Q Le processus d'évaluation des offres de BCE a été contesté par plusieurs dont Teachers. Comment voyez-vous les choses avec le recul ?

R De mon point de vue, je trouve que le conseil aurait dû être en charge plus rapidement. Ce qu'on nous a dit, c'est qu'au début, ce sont les gestionnaires qui semblaient être en charge. Ça a changé, mais ça aurait pu être fait plus tôt. Je ne pense pas que c'est au management d'approcher des gens pour les inviter dans la course.

Q C'est ce qui s'est passé ?

R C'est ce qu'on nous dit qu'il s'est passé. On l'a senti, on l'a vécu.

Q Et avez-vous l'impression qu'au bout du compte, le processus a été équitable ?

R Disons qu'il s'est amélioré, mais que le processus initial était loin d'être à notre goût. Au début, on n'a pas eu accès aux données pendant que d'autres y avaient accès, et on a mentionné qu'on était loin d'être contents.

Q Teachers vient de faire le plus important investissement de son histoire, et dans une entreprise que plusieurs jugent mal en point face à la compétition. Êtes-vous inquiet ?

R Quand on gagne une enchère comme celle là, il faut toujours s'inquiéter et se demander si on n'a pas trop payé. Mais je crois qu'on a une entreprise qui est solide, avec beaucoup de clients. On croit que c'est un risque qui vaut la peine d'être pris et qui va nous amener un rendement intéressant. On a gagné, mais c'est évident que le vrai travail commencera le jour où l'on prendra possession de la compagnie.