La question a été succinctement soulevée lors du récent congrès de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, à la fin avril.

La question a été succinctement soulevée lors du récent congrès de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, à la fin avril.

Yvon Poirier, agent immobilier connu et président du Regroupement des courtiers immobiliers indépendants du Québec, veut revenir sur le sujet pour «crever l'abcès plutôt que de traiter le sujet superficiellement».

Il reconnaît sans peine que dans le contexte de la flambée des prix dans l'immobilier, «un taux de commission oscillant entre 6 et 7 % puisse paraître exorbitant aux yeux de plusieurs».

Mais il fait valoir que les pressions du marché ont abaissé ce taux, qui s'approche maintenant davantage de 5 %.

M. Poirier rappelle par ailleurs que l'agent doit avancer temps et argent dans l'espoir que la vente de la maison de son client le remboursera de son investissement.

Si aucune vente ne se concrétise, ces nombreuses heures et ces quelques milliers de dollars en publicité s'évaporeront dans le mirage immobilier.

«En outre — et on se garde bien de le souligner publiquement —, l'infidélité de certains consommateurs, vendeurs ou acheteurs, coûte également très cher aux agents immobiliers, qui sont bien plus souvent floués par le consommateur que le contraire», écrit-il.

Le marché immobilier québécois est partagé — inégalement — entre plus de 16 000 agents immobiliers, dont plusieurs vivent de dures désillusions.

«Le mythe entretenu par les franchiseurs à l'effet qu'on fait de l'argent comme de l'eau en immobilier est à dénoncer au plus vite», expose Yvon Poirier.

En fait, soutient-il, malgré l'effervescence récente du marché, les agents ne réussissent à conclure en moyenne que quatre à cinq transactions par année. En supposant un partage pour moitié avec l'autre agent impliqué dans la transaction, ce volume d'affaires procure un revenu annuel de 35 000 $, duquel il faut déduire les frais de bureau, de publicité et autres, estime-t-il.

«On est loin de l'Eldorado promis par les franchiseurs, déplore M. Poirier. Dans les circonstances, on peut comprendre facilement que les agents présents aient déclaré d'un seul souffle qu'ils n'étaient pas trop payés pour leurs services. Au fait de tous ces éléments, les franchiseurs, bien représentés à cette assemblée générale, ont maintenu une indifférence totale.»

Ils sont davantage intéressés à recruter de nouveaux agents qui leur verseront des redevances, explique-t-il.

«Tout service professionnel de qualité a son prix, conclut M. Poirier. Lorsqu'on sait que la propriété constitue parfois l'essentiel du patrimoine familial, il est primordial de le protéger. C'est le rôle de l'agent immobilier professionnel.»

Le salaire du propriétaire

Chaque professionnel mène sa bataille.

Le notaire Jocelyn Langlois a pour sa part fait quelques calculs pour évaluer le salaire horaire que dégagerait le propriétaire qui déciderait de vendre sa maison sans agent.

Dans son exemple, il va de soi, ledit propriétaire ne lésine pas sur la consultation d'experts de la gent notariale. Avec ce soutien et celui d'autres spécialistes — évaluateur, par exemple —, il pourra compenser en partie son déficit de connaissances.

Suivons le raisonnement de Me Langlois.

Première semaine

«Vous êtes informé que le temps moyen requis pour vendre votre maison est d'environ 90 jours, mais vous décidez humblement qu'il vous faudra plutôt considérer un délai de 120 jours pour réaliser la vente de votre maison», énonce-t-il d'entrée.

Vous consacrez 20 heures à la préparation de votre dossier. Vous réunissez les documents et les photos de votre propriété et vous en prenez les mesures. Vous préparez et photocopiez des fiches d'information à l'intention des visiteurs (50 $), faites l'acquisition d'une pancarte de bon goût (150 $), et inscrivez, pour 500 $, votre propriété sur un site internet spécialisé.

Vous faites établir la valeur marchande de votre propriété par un évaluateur agréé, au prix de 550 $. Enfin, bien sûr, Me Langlois prévoit que vous investirez 850 $ dans les judicieux conseils et le soutien d'un notaire.

«Le rapport de l'évaluateur, écrit et argumenté, établit à 250 000 $ la valeur de votre propriété et vous décidez, comme tout bon vendeur, d'annoncer un prix de 275 000 $», poursuit-il.

Quinze semaines suivantes

Durant chacune des quinze semaines suivantes, vous poursuivez sans faillir votre quête d'un acheteur, à raison d'un investissement de six heures par semaine.

Vous recevez les appels téléphoniques, transmettez l'information par télécopieur et courriel, et organisez les visites libres du dimanche après-midi. Celles-ci auront été annoncées dans l'édition du samedi d'un quotidien connu, au tarif de 60 $ par semaine, calcule Me Langlois.

17e et 18e semaines

Vos efforts trouvent leur juste récompense dans la 17e semaine de votre épreuve, alors que vous recevez — dans l'allégresse — une offre d'achat.

Avec l'aide d'un conseiller — « en l'occurrence votre notaire », précise notre notaire —, dont les honoraires s'élèvent à 300 $, vous rédigez une contre-offre. Par bonheur, elle est négociée et acceptée précisément à la valeur marchande établie pour votre propriété, soit 250 000 $.

Votre certificat de localisation étant trop vieux, vous devez en produire un nouveau, qu'un arpenteur géomètre prépare pour 700 $.

Vous avez consacré 20 heures à ces démarches.

Les frais et les honoraires que vous avez encourus totalisent 4000 $. La commission d'un agent immobilier (6 %) et les taxes qui s'y appliquent se seraient élevées à 17 092 $. Si on en déduit les honoraires et les frais que vous avez engagés, vous économisez un peu plus de 13 000 $, pour 130 heures de travail.

«Un tarif horaire pas trop banal de 100 $ / heure... non imposable », conclut Me Langlois. « Bref, bien conseillé et assisté, on n'est jamais mieux servi que par soi-même.»

Bien sûr, il faut être prêt à y mettre le temps. On pose dans ce calcul l'hypothèse qu'on obtient pour sa maison le même prix que si on était conseillé par un agent compétent. Et on suppose enfin que la commission serait bien de 6 % — certains agents demandent moins.

Mais il demeure que le principe est évocateur...