La montée de la droite, lors des dernières élections provinciales, est le reflet de la mondialisation de l'économie.

La montée de la droite, lors des dernières élections provinciales, est le reflet de la mondialisation de l'économie.

«Avec la mondialisation, il faut maintenant tenir compte de ce qui se passe ailleurs. On ne peut plus avoir un environnement politique qui applique une taxation différente et qui fait ses propres règles», soutient Réal Raymond, au cours d'une entrevue pour marquer son départ de la direction de la Banque Nationale le 31 mai prochain.

«La nécessité d'être compétitif amène le balancier vers la droite, dit-il. Par contre, si ce mouvement va trop loin des forces de résistance feront contrepoids, comme on commence à le voir aux États-Unis.»

Il rappelle que la situation du Québec n'est pas unique. Les conservateurs sont au pouvoir à Ottawa et la France vient d'élire un président qui promet d'alléger la réglementation et donner plus de flexibilité aux entreprises.

Le banquier pense que la transformation de l'échiquier politique au Québec est une bonne chose pour la démocratie.

«Avant, il fallait choisir entre les libéraux et les souverainistes, rappelle M. Raymond. C'est sain qu'il y ait un troisième parti (ADQ).»

Selon lui, le Québec a «tout ce qu'il faut» pour être prospère. C'est aux leaders de se lever et de prendre les décisions qui s'imposent pour s'adapter à la nouvelle donne.

«On ne peux plus jouer à l'autruche, dit-il. Il faut dépoussiérer le modèle des années 60 devenu sclérosé et contraignant.»

À son avis, plusieurs choses peuvent être faites pour «s'ajuster aux autres pays».

Tout d'abord, on doit réduire l'impôt des Québécois et la taxe sur le capital des entreprises.

Il faut aussi faire une place au privé dans le secteur de la santé (comme en Suède) pour abaisser les temps d'attente, hausser la compétitivité dans les institutions et augmenter la qualité des services.

Par ailleurs, M. Raymond pense qu'il faut profiter de nos ressources hydroélectriques en augmentant graduellement les tarifs et en exportant davantage aux États-Unis.

Il estime également que les droits de scolarité ne sont toujours pas assez élevés, malgré les hausses annoncées par le gouvernement Charest.

«Il ne faut pas avoir peur de faire les choses autrement», lance celui qui a commencé sa carrière à la Banque comme simple caissier en 1970 à l'âge de 20 ans.

En 1983, il fait le pari audacieux de quitter un poste mieux rémunéré à Québec pour aller à Montréal dans le créneau des services aux grandes entreprises.

«J'ai senti l'émergence du Québec inc. avec la naissance des Quebecor, Coutu et Transcontinental, dit-il. J'ai compris qu'il allait se passer quelque chose.»

Deux autres moments charnières ont enrichi son parcours: son travail dans les marchés financiers et dans le financement des entreprises (au moment de l'acquisition de First Marathon et de la création de la Financière Banque Nationale.)

Aux jeunes, qui se demandent si un tel cheminement est encore possible à faire, il leur recommande d'aller jusqu'au bout.

«Les organisations offrent les occasions, la formation et les défis, dit-il. Pour le reste, chacun est responsable de sa carrière.»

Une mise en garde toutefois: on ne devient pas président d'entreprise en faisant des semaines de 38 heures et en passant le reste du temps en famille ou en voyage d'agrément.

«On n'est pas obligé d'être président pour se réaliser, précise M. Raymond. Mais si on veut l'être, il faut être prêt à se retrousser les manches et à faire des sacrifices.»

Le 1er juin prochain, Louis Vachon prendra les rênes de la Nationale.

M. Raymond profitera de l'été pour se reposer.

«Par la suite, je verrai, dit-il. J'ai 57 ans, je suis encore en forme et je n'ai pas l'intention de me bercer.»

Il a reçu des offres pour siéger à des conseils d'administration. Et il pourrait aussi investir dans de jeunes entreprises qui ont commencé à faire leurs preuves.

À ne pas en douter, Réal Raymond a été le meilleur président qu'a connu la Banque Nationale. Sous son règne, l'institution a vogué de record en record en termes de profits et de rendements sur l'avoir des actionnaires.

Cela dit, il a été bien payé pour son travail. Au cours de ses cinq années à la barre, sa rémunération globale a été de 28,7 millions, soit environ 22 000 $ pour chaque journée qu'il s'est présenté au bureau.