Presque six mois se sont écoulés depuis le mini-krach des fiducies de revenu à la Bourse de Toronto, provoqué par l'abrogation de leurs avantages fiscaux par Ottawa.

Presque six mois se sont écoulés depuis le mini-krach des fiducies de revenu à la Bourse de Toronto, provoqué par l'abrogation de leurs avantages fiscaux par Ottawa.

Pourtant, les investisseurs qui les considèrent encore moribondes pourraient rater de bonnes occasions, disent maintenant des professionnels de la Bourse.

«C'est tout de même une catégorie de titres qui pèse au moins 200 milliards à la Bourse de Toronto, avec quelque 254 fiducies. Et plusieurs d'entre elles affichent un rendement immédiat et un potentiel d'affaires aussi bons, sinon meilleurs, que bien des entreprises par actions», résume Marc Gagnon, gestionnaire de fonds de placement à l'Industrielle-Alliance.

Ces fiducies de revenu, faut-il rappeler, sont essentiellement des entreprises qui ont changé de statut afin de transférer leur fardeau fiscal vers leurs détenteurs de parts, au lieu de leurs propres bénéfices.

La formule des fiducies avait été établie par Ottawa pour les entreprises matures, avec des surplus financiers avant impôt pouvant être distribués aux investisseurs.

Mais les fiducies ont soudainement gagné en popularité parmi des entreprises régulières et de plus en plus grosses, attirées par l'avantage fiscal.

Et l'automne dernier, inquiété par d'énormes projets de conversion par Bell Canada et Telus, le gouvernement Harper a décidé de stopper toute nouvelle fiducie. Il a aussi décrété la fin pour 2011 des avantages fiscaux des fiducies existantes, à l'exception des fiducies immobilières autres qu'en hôtellerie.

Cette annonce fiscale, à la fin d'octobre, avait provoqué un recul boursier de l'ordre de 15 à 20% parmi les parts de fiducies de revenu.

Les investisseurs les plus affectés furent des caisses de retraite et des particuliers d'âge mûr, attirés par les revenus de placement plus élevés des fiducies.

Mais depuis peu, un net regain d'intérêt envers les fiducies de revenu se manifeste à la Bourse de Toronto.

Le sous-indice des fiducies s'est apprécié de 4 % depuis le début de l'année, et certain fonds d'investissement spécialisés ont fait encore mieux.

C'est une performance sectorielle au moins comparable à celle de l'indice de marché S&P/TSX, mais avec une importante exception.

Car cette comparaison des indices fait largement abstraction du rendement au comptant à court terme des titres qui les composent.

Il s'agit des dividendes parmi les entreprises par actions, et des distributions de revenus pour les parts des fiducies.

Le rendement au comptant moyen des fiducies dépassait déjà celui des entreprises à actions, avec la tornade fiscale de l'automne dernier.

Depuis, cet écart s'est accentué par la dépréciation en Bourse des parts de fiducies, qui a rehaussé d'autant leur rendement à court terme de leur distribution de revenu.

«Les fiducies sont désormais valorisées en Bourse pour ce qu'elles sont vraiment: l'équivalent de titres à dividendes élevés. Et dans un contexte de marché boursier volatil, de tels titres sont encore plus intéressants», résume Gavin Graham, vice-président et directeur de placements chez les fonds Guardian, à Toronto, affiliée au groupe financier BMO.

«Avec les parts de fiducies, les investisseurs peuvent obtenir un rendement au comptant avantageux, jusqu'à 10% par an en moyenne. C'est très intéressant pour ceux qui recherchent des revenus immédiats, plutôt que d'éventuels gains en capital.»

Quant à la fin annoncée des avantages fiscaux des fiducies de revenu?

«C'est tout de même le statu quo jusqu'en 2011, malgré l'annonce d'octobre dernier par Ottawa. Les investisseurs ont encore quatre ans pour profiter de ces titres à revenus élevés», souligne M. Graham.

«Ensuite, on sait que le traitement fiscal des distributions des fiducies sera comparable à celui des dividendes d'entreprises par action. Pour les investisseurs qui veulent des placements à revenus, ça s'annonce tout aussi avantageux.»

Cela dit, les pros de la Bourse soulignent que toute décision d'investissement en parts de fiducies de revenu doit s'effectuer selon de critères équivalents à ceux pour les entreprises par actions.

Selon Marc Gagnon, qui gère cinq fonds de revenus de l'Industrielle-Alliance qui comprennent 300 millions en parts de fiducies, [«e rendement au comptant des fiducies est un critère, certes, mais certainement pas le principal.»

«Il faut examiner la qualité des activités d'affaires d'où proviennent les flux financiers des fiducies. Et surtout, si ces flux financiers peuvent soutenir le niveau de distribution des fiducies, à moyen terme.»

«Aussi, il faut considérer le potentiel de croissance de leurs activités d'affaires et, partant, de hausse des flux financiers et des distributions.»

Quant au potentiel de gain de valeur en Bourse des parts de fiducies?

Là aussi, selon Marc Gagnon, des facteurs semblables à ceux des entreprises par actions s'appliquent pour les fiducies, surtout depuis la gifle fiscale de l'automne dernier.

«La valeur boursière des fiducies a profité ces derniers temps des rumeurs d'offres d'achat, à la suite de quelques transactions à bon prix. Ce n'est cependant qu'un facteur plus spéculatif, parmi d'autres.»

Mais pour Paul Holden, analyste des fiducies chez Marchés des capitaux CIBC, cet intérêt de capitaux privés envers des fiducies cotées en Bourse constitue un revirement avantageux, qui devrait durer.

«L'annonce fiscale d'octobre dernier a provoqué un ressac boursier des fiducies qui attire maintenant de gros investisseurs. Ils veulent acheter des fiducies qu'ils estiment trop dépréciées, par rapport à la qualité de leurs activités d'affaires, indique M. Holden dans une note à ses clients-investisseurs, vendredi.

«Par ailleurs, ce mouvement s'avère un peu ironique envers l'objectif de l'embargo fiscal annoncé par le fédéral, qui voulait endiguer des pertes de revenus d'impôt reprochées aux fiducies.

«On se retrouve dans une situation où plusieurs fiducies et leurs affaires sous-jacentes pourraient passer sous le contrôle de capitaux étrangers, ainsi que leurs revenus imposables que voulait garder Ottawa.»