En l'ouvrant, le lecteur a l'heureuse surprise de découvrir que 80 arbres ont été sauvés et 218 000 litres d'eau économisés pour son tirage à 4000 exemplaires aux éditions du Boréal.

En l'ouvrant, le lecteur a l'heureuse surprise de découvrir que 80 arbres ont été sauvés et 218 000 litres d'eau économisés pour son tirage à 4000 exemplaires aux éditions du Boréal.

Un miracle? Plutôt le résultat d'une impression sur du papier recyclé et l'illustration de l'engagement de la maison d'édition auprès de l'organisme ÉcoInitiatives.

ÉcoInitiatives presse les éditeurs, les fabricants de papier et les imprimeurs de passer au papier à haute teneur de fibres recyclées ou certifiées par le Forest Stewardship Council (FSC). «Notre objectif principal est de diminuer la pression sur la forêt. On estime que 65 % de ce qui est retiré de la forêt boréale est transformé en papier», explique Josée Breton, coordonnatrice chez ÉcoInitiatives.

Autre bonne nouvelle, Quebecor World annoncera demain son virage vert. Une étape importante, selon ÉcoInitiatives, car les grands acteurs doivent tirer l'industrie vers le papier écologique.

ÉcoInitiatives s'est implanté à l'été 2005 au Québec où sont imprimés 40 % des livres canadiens, précise-t-elle. À ce jour, 20 éditeurs et deux imprimeurs québécois se sont engagés à modifier leurs pratiques.

Un virage progressif et coûteux, particulièrement pour les grandes maisons d'édition. «En 2005, imprimer sur du papier recyclé coûtait jusqu'à 15 à 18 % de plus, dit-elle. Depuis, la différence a diminué pour le papier recyclé non couché ou mat.»

Boréal a ainsi pu dépasser son objectif du printemps dernier. Il s'agissait d'augmenter le nombre de livres publiés sur papier recyclé de 5 à 10 % chaque année, indique Mathieu de Lajartre, responsable de la fabrication. Or, sur les 11 livres qui sont sortis chez Boréal depuis le début de l'année, six ont été imprimés sur du papier 100 % recyclé.

Les prix baissent, la demande croît

La baisse du prix du papier écologique sur le marché nord-américain a joué un rôle indéniable. «L'écart des prix s'est beaucoup resserré à cause de l'importance que prennent les papiers à valeur écologique avec certifications FSC ou les papiers recyclés», confirme Patrice Léger-Bourgoin, porte-parole de Domtar au Québec.

Mais attention, nuance Normand Lecours, VP, ventes et commercialisation du Groupe Papiers Fins chez Cascades, la parité n'est pas encore de mise. Selon lui, la baisse des prix relève surtout d'une stratégie de vente de la part de Cascades.

«On a travaillé très fort la dernière année pour essayer de ramener le prix le plus près possible de celui du papier vierge, explique-t-il. Mais on est comme tous les fabricants de papier recyclé, ça reste artisanal par rapport aux grosses papetières. Il y a des coûts additionnels de fabrication.»

Pour Cascades, la demande en papier recyclé a considérablement augmenté, particulièrement au Québec et à New York. «Depuis 2005, on a une croissance de plus de 10 % par année pour notre gamme de papier Enviro100», dit M. Lecours.

Même s'il s'agit du seul fabricant québécois de papier 100 % de fibres recyclées postconsommation, Cascades n'a pas le monopole auprès des maisons d'édition. La compétition provient essentiellement des États-Unis mais aussi des papetières qui, comme Domtar, ont une approche différente, résume M. Lecours.

La gamme Earthchoice de Domtar offre des papiers écologiques certifiés FSC, non recyclés. «Nous préconisons davantage une gestion responsable des forêts, indique Patrice Léger-Bourgoin. On prend le pari qu'il faut avoir de la fibre vierge dans le papier et qu'il vaut mieux s'assurer que la fibre vierge provienne de forêts répondant à des critères extrêmement rigoureux de développement durable.»

Les imprimeurs s'organisent

Certification ou non, satisfaire les besoins des éditeurs n'est pas chose facile pour les fabricants de papier et les imprimeurs. «Pour un éditeur de romans ou de sciences humaines, il n'y a plus aucun problème à imprimer sur du papier recyclé», confirme Mathieu de Lajartre chez Boréal.

La demande croissante de papier recyclé de la part des éditeurs force ainsi les imprimeurs à réagir. Transcontinental, chez qui Boréal imprime ses livres à gros tirages, a conclu une entente avec Cascades afin de rester compétitif face aux imprimeurs Marquis et Gauvin, tous deux signataires de la lettre d'engagement d'ÉcoInitiatives.

Du côté des petits imprimeurs, l'avenir passe par cette spécialisation, affirme André Gauvin, qui dirige l'imprimerie familiale Gauvin de Gatineau. «Les imprimeurs n'ont pas le choix car les clients commencent à l'exiger, estime-t-il. En favorisant l'achat de papier recyclé, on commence à établir notre propre survie.»

Le défi des livres couleur

La diversité de papier recyclé pour les livres couleur reste l'étape ultime. «Du papier couché, pour l'impression couleur, 100 % recyclé, il n'y en a pas au Canada», dit Normand Lecours de Cascades, qui espère pouvoir un jour proposer du papier couché recyclé à 30 %.

Et selon ÉcoInitiatives, la concurrence asiatique, qui imprime 95 % des titres couleurs nord-américains, est dure à battre. La maison d'édition Québec Amérique en sait quelque chose.

«Nous travaillons beaucoup à l'étranger, explique Luc Roberge, directeur général de Québec Amérique. Nous vendons des ouvrages de référence en couleur à d'autres éditeurs comme Oxford University Press ou Merriam Webster. Ces ouvrages sont imprimés à 100 % en Asie, à Singapour.»

Un choix forcé pour l'éditeur québécois qui réalise plus de 50 % de son chiffre d'affaires à l'international. «Il y a 10 ans, nos ouvrages étaient imprimés au Québec, raconte Luc Roberge. Au fil du temps, nos parts de marché se sont érodées, les clients nous désertaient. Devant une différence de prix d'impression de 59 %, il fallait soit mettre 65 personnes à pied soit s'adapter et imprimer en Asie.»

Difficile dans de telles conditions de montrer l'exemple. «Actuellement, on ne sent pas chez nos clients beaucoup de conscience là-dessus, regrette-t-il. La seule donnée qui importe, c'est le prix. Ça va être difficile pour nous de leur imposer des coûts additionnels.»

Les éditeurs engagés

Au Canada : 99 éditeurs canadiens, soit 60 % des éditeurs canadiens. Notamment McClelland&Stewart, Ramdom House Canada, Douglas&McIntyre, Raincoast Books

- 20 éditeurs au Québec : notamment Fides, Hurtubise HMH, Boréal, Presses de l'Université Laval, Les Intouchables, Septentrion.

- États-Unis : 131 éditeurs de livres dont Random House

- Grande-Bretagne : 40 % du marché du livre. Notamment Harper Collins UK, Random House UK, Pearson UK

Source: Rapport sur les tendances 2007, ÉcoInitiatives