Les parieurs compulsifs ont un poids de moins sur leurs épaules: le fisc.

Les parieurs compulsifs ont un poids de moins sur leurs épaules: le fisc.

La semaine dernière, la Cour canadienne de l'impôt a donné raison à deux joueurs compulsifs d'Aylmer, en Outaouais. Grâce aux paris sportifs, les frères Terry et Brian Leblanc ont gagné 5,5 M$ entre 1996 et 1999. L'Agence du revenu du Canada leur réclamait des impôts sur cette somme.

Au Canada, les gains de paris et de jeux de hasards sont exempts d'impôts. Mais dans le cas des frères Leblanc, l'Agence du revenu du Canada considérait qu'ils exploitaient une entreprise de paris sportifs. Elle ne manquait pas d'arguments car les deux frères n'étaient pas des parieurs du dimanche. Le juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, l'honorable Donald Bowman, les a lui-même qualifiés de parieurs compulsifs dans son jugement rendu le 21 décembre dernier. Et pour cause : ils ont misé 50 millions et amassé des revenus de 55,5 millions en quatre ans, d'où leur gain en capital de 5,5 millions (2,76 millions chacun).

Originaires de Toronto, les frères Leblanc ont déménagé à Aylmer, un arrondissement de Gatineau situé à la frontière de l'Ontario, afin de jouer simultanément aux loteries sportives des deux provinces. Leur stratégie : miser sur les négligés. Ils disent avoir perdu 95 % de leurs paris, mais leurs gains ont compensé leurs pertes. En 1996, ils ont gagné deux gros lots de 1,7 million en deux mois à Mise-O-Jeu, la loterie sportive de Loto-Québec.

Les paris sportifs occupaient une grande place dans la vie des frères Leblanc, qui n'avaient pas d'emploi. Ils passaient leurs journées à regarder les émissions sportives à la télévision. Ils faisaient leurs choix de paris à l'aide d'un logiciel informatique. Ils employaient jusqu'à une quinzaine " d'amis " pour déposer leurs paris chez les détaillants autorités par Loto-Québec et l'Ontario Lottery and Gaming Commission. Chaque " ami " se voyait assigner un trajet, au même titre qu'un camelot qui distribue ses journaux.

Comme Terry et Brian Leblanc étaient de bons clients leurs mises atteignaient parfois 300 000 $ par semaine ils profitaient de rabais de 2 à 3 % chez certains détaillants.

Même si les frères Leblanc prenaient leur passe-temps au sérieux, ils n'exploitaient pas une entreprise de paris, conclut le juge Bowman. Ils comptaient davantage sur la chance que sur leurs habiletés de parieurs. Le magistrat précise que le nombre et la valeur des paris ne sont pas des éléments qui doivent être pris en considération par la Cour.

" Nous sommes très contents du jugement. Le gouvernement pense qu'il a droit à une partie de vos gains à la loterie si vous gagnez beaucoup d'argent. Ce n'est tout simplement pas juste ", dit Me William Vanveen, associé chez Gowlings Lafleur Henderson et l'un des deux avocats des frères Leblanc.

Tous les parieurs n'échappent pas aussi facilement aux tentacules du fisc, rappelle le juge Bowman, jurisprudence à l'appui. Les gains des parieurs professionnels sont imposables. Par parieurs professionnels, on entend ceux qui utilisent une stratégie afin de minimiser leurs pertes. Les parieurs sportifs sont exclus de cette définition en raison du caractère aléatoire d'un événement sportif. Les propriétaires d'un établissement (ex : casino, piste de courses de chevaux, etc.) qui parient sur ses activités et les sportifs qui font de même sur l'issue de leur match doivent aussi partager leurs profits avec le fisc.

L'Agence du revenu du Canada a jusqu'au 20 janvier prochain afin de porter le jugement de la Cour canadienne de l'impôt en appel devant la Cour d'appel fédérale.