Offre insuffisante des pays exportateurs par rapport à une demande mondiale toujours en croissance ou spéculation effrénée: producteurs et consommateurs se renvoient la faute de la flambée des prix de l'or noir.

Offre insuffisante des pays exportateurs par rapport à une demande mondiale toujours en croissance ou spéculation effrénée: producteurs et consommateurs se renvoient la faute de la flambée des prix de l'or noir.

L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui défend les intérêts énergétiques des pays consommateurs, accuse l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) d'attiser les tensions du marché en ne produisant pas assez de brut pour faire face à la demande hivernale.

Elle rend donc le cartel indirectement responsable de la flambée des cours, qui s'approchent des 100$ le baril, et lui demande de pomper 1,8 million de barils supplémentaires par jour.

La ministre française de l'Économie, Christine Lagarde, affirmait lors du G7 Finance il y a 10 jours que les sept pays les plus industrialisés de la planète souhaitaient aussi que l'OPEP augmente sa production pour «faire face à une demande pétrolière dont on n'a pas de raison de penser qu'elle aille en diminuant».

Même message au Centre for Global Energy Studies (CGES), un «think tank» londonien: «Pour faire se replier les prix, il faut que les membres de l'OPEP mettent plus de pétrole sur le marché pour permettre aux stocks commerciaux de se reconstituer.»

Mais l'OPEP, si elle se dit «inquiète» du niveau des prix, assure que le marché est bien approvisionné et que les stocks de brut des pays industrialisés sont supérieurs à leur moyenne des cinq dernières années.

Elle renvoie la responsabilité de l'envolée du prix du baril aux spéculateurs, aux capacités insuffisantes de raffinage, aux problèmes géopolitiques au Proche-Orient et aux fluctuations du dollar.

Un discours relayé par un certain nombre d'experts: «Si l'OPEP augmentait sa production, les prix ne baisseraient pas forcément», affirme Thierry Lefrançois, économiste spécialisé dans les matières premières chez Natixis.

«Nous avons un marché qui est dans la surenchère, qui parie sur le moment où on va franchir les 100$, mais il n'y a pas de changements fondamentaux par rapport à il y a quelques mois, quand on était à 70$ le baril», ajoute-t-il.

En août, le baril oscillait encore autour de 70$. Il a dépassé 96$ pour la première fois mercredi.

«Quel meilleur investissement aujourd'hui que le pétrole?», interroge M. Lefrançois.

«Les Bourses ont baissé, les taux d'intérêt aussi, donc les obligations deviennent moins intéressantes, et si la Réserve fédérale américaine a baissé ses taux, c'est qu'on est sur une tendance baissière de croissance américaine. Parallèlement, il y a beaucoup de liquidités sur le marché», qui se retrouvent placées sur relativement peu d'actifs, explique-t-il.

La chute de près de 10$ du brut au mois d'août, au début de la crise financière, illustre selon lui le poids des spéculateurs: «Les fonds d'investissement se sont retirés» à ce moment-là, craignant une récession, avant de revenir massivement sur le marché.

D'autant qu'en période d'incertitude économique, l'or noir est devenu une valeur refuge, à l'instar de l'or, et surtout le moyen de se couvrir face à la baisse du dollar.

Un avis partagé par Pierre Terzian, de la revue Pétrostratégies, pour qui «le marché est totalement dominé par les financiers».

Le risque de pénurie ne peut justifier les prix actuels, selon lui, car la capacité de production non utilisée de l'OPEP était en 2005 de seulement 0,5 million de barils par jour (mbj), et qu'elle est aujourd'hui de 3,5 mbj, «soit sept fois plus alors que les prix ont doublé».

L'offre, la géopolitique et la spéculation jouent tous dans le sens d'une hausse, résume David Kirsch, du cabinet PFC Energy, même si pour lui l'approvisionnement du marché «ne justifie pas un baril à 100$».