Dans un geste de dernier recours, la Caisse de dépôt et placement du Québec a orchestré le sauvetage d'une série de produits financiers qui reposaient, entre autres, sur des prêts hypothécaires.

Dans un geste de dernier recours, la Caisse de dépôt et placement du Québec a orchestré le sauvetage d'une série de produits financiers qui reposaient, entre autres, sur des prêts hypothécaires.

Ces 23 produits, d'une valeur de 35 milliards de dollars, étaient victimes d'une crise de liquidités. Cela empêchait les investisseurs, des caisses de retraite et des fonds de marché monétaire pour la plupart de récupérer leur mise.

De concert avec neuf autres intervenants du marché des capitaux, la Caisse a conclu hier une entente de principe afin de restructurer 23 émissions de papier commercial adossé à des créances.

Ces produits reposent sur des fiducies, qui renferment toutes sortes de créances (hypothèques, prêts-bail auto, créances sur cartes de crédit, etc.). Pour financer leur portefeuille de prêts, les fiducies émettent du papier commercial, c'est-à-dire des obligations à court terme (30 à 90 jours).

Lorsque l'émission arrive à échéance, d'autres investisseurs rachètent d'autre papier commercial pour une autre période. Ainsi, la roue tourne. Sauf s'il n'y a plus de demande

C'est exactement ce qui s'est produit au début de la semaine. L'explosion des défauts de paiements sur les hypothèques à risque (subprime) aux États-Unis a complètement asséché la demande.

Faute de nouveaux investisseurs, la firme torontoise Coventree [[|ticker sym='T.COF'|]] a annoncé qu'elle n'était plus en mesure de racheter les émissions arrivant à échéance, forçant les détenteurs à les conserver.

Pourtant, la structure du papier commercial prévoyait que des liquidités devaient être gardées en réserve pour assurer le renouvellement des émissions, en cas de force majeure.

C'est d'ailleurs ce qui permettait aux agences d'évaluation de crédit d'accorder des cotes de crédit supérieures à ces titres d'emprunt.

Différentes grandes banques avaient ainsi accordé des facilités de trésorerie aux promoteurs indépendants de papier commercial. Mais cette semaine, elles ont refusé d'allonger les sommes, provoquant la crise de liquidités.

Pour sortir de l'impasse, la Caisse de dépôt, ABN AMRO, Barclays Capital, le Mouvement Desjardins, la Deustche Bank, HSBC, Investissement PSP, Merrill Lynch, la Banque Nationale et UBS, se sont réunis à Montréal au siège social de la Caisse de dépôt, mercredi après-midi.

Leurs discussions se sont poursuivies en soirée. Elles ont finalement abouti à une solution hier matin.

En vertu de l'entente conclue, le papier commercial sera converti en obligations à plus long terme. L'échéance de ces obligations correspondra à celle des créances des portefeuilles sous-jacents.

Les intérêts seront versés mensuellement ou aux trimestres. «Le taux d'intérêt n'est pas encore précisé. Mais il va falloir qu'il reflète le terme plus long et le risque plus élevé», a commenté Pierre Comtois, chef des placements chez Optimum gestion de placements, précisant que sa firme détient très peu de papier commercial adossé.

«C'est une bonne solution temporaire qui permettra de trouver une autre solution à plus long terme», estime M. Comtois. À son avis, les banques pourront éventuellement racheter les blocs d'hypothèques qui composent ces fiducies et remettre l'argent aux investisseurs.

Moratoire de 60 jours

Les signataires de l'entente ont décrété une période de moratoire de 60 jours, le temps de procéder à la restructuration qui sera supervisé par Pierre Laporte, de la firme Ernst & Young.

Durant cette période, les signataires s'engagent à conserver le papier commercial dans leur portefeuille. Les banques n'auront donc pas à fournir de liquidités.

Par la suite, les investisseurs pourront se départir de leurs titres sur le nouveau marché secondaire qui se mettra en place, a indiqué Mark Boutet, le porte-parole du groupe des signataires qui affirment détenir au moins les deux tiers des titres visés.

«Collectivement, ils sont prêts à être patients pour trouver une solution au problème. Ils demandent aux autres investisseurs de faire preuve de la même patience», a ajouté M. Boutet.

Jeudi, la plupart des banques canadiennes ont fait savoir qu'elles soutiendraient l'initiative.

Signe de l'ampleur des préoccupations soulevée par la crise, le ministre de Finances du Canada, Jim Flaherty, a cru bon d'appuyer la démarche, soulignant qu'il est «dans le meilleur intérêt de tous de trouver une solution pour régler de manière ordonnée ce problème de liquidités».

Au Canada, le marché du papier commercial adossé englobe des actifs d'environ 120 milliards de dollars. Les deux tiers ont été émis par les grandes banques et ne sont pas touchés par la crise de liquidité.

Seuls les produits émis par des promoteurs indépendants sont en cause. Coventree est le chef de file, avec environ 16 milliards d'actifs. La Caisse a déjà été le plus important actionnaire de Coventree. Mais elle refuse de confirmer si elle détient toujours des actions.