Il n'y a jamais eu autant d'argent disponible pour les entreprises de biotechnologies au Québec. Mais ce sont les sociétés bien établies qui se sauvent avec la grosse part du gâteau, ne laissant que des miettes aux petites boîtes en démarrage. La bonne nouvelle : ça commence à changer.

Il n'y a jamais eu autant d'argent disponible pour les entreprises de biotechnologies au Québec. Mais ce sont les sociétés bien établies qui se sauvent avec la grosse part du gâteau, ne laissant que des miettes aux petites boîtes en démarrage. La bonne nouvelle : ça commence à changer.

L'industrie biotechnologique québécoise a de quoi célébrer. L'an dernier, 35 entreprises du secteur se sont partagées 263 millions de dollars en capital-risque, un montant de 42% plus élevé que celui de l'année précédente.

En comptant aussi l'argent recueilli par l'émission d'actions en Bourse - Labopharm et ConjuChem ont récolté plus de 100 millions de dollars chacune - c'est 688 millions qui ont coulé dans les coffres des biotechs en 2006. Un record absolu.

Une belle collecte, avoue Claude Bismuth, associé principal, sciences de la vie, chez Ernst & Young. À une nuance près: ce n'est pas tout le monde qui en profite. "L'industrie est concentrée dans les mains de quelques joueurs", note-t-il.

M. Bismuth observe une "sécheresse" au niveau des fonds disponibles pour les entreprises en démarrage. Un constat partagé par le Centre québécois d'innovation en biotechnologies, un incubateur destiné à faire éclore de nouvelles entreprises.

Michel Leblanc, directeur des affaires corporatives chez Génome Québec, en convient: "Le pipeline est probablement trop resserré à cet endroit". Sauf qu'il invite à voir aussi les choses dans une perspective historique. Car si des sociétés bien établies attirent l'argent vers elle, cela veut au moins dire... qu'il y a des sociétés bien établies au Québec.

Fais-moi pousser une biotech

On peut comparer l'industrie québécoise des biotechnologies à une pépinière. Les universités font germer des idées, dont quelques-unes parviendront à pousser jusqu'à devenir des entreprises. La question à mille dollars: dans un contexte ou l'eau est limitée, lesquelles devrait-on arroser?

Au début des années 1990, la pépinière québécoise s'apparentait à un paquet de jeunes pousses dominées par un arbre plus mature: BioChem Pharma. Le capital-risque québécois, à l'époque majoritairement public, a choisi d'arroser large.

"On a presque joué un modèle où on disait: si on sort 100 entreprises, on va avoir 10 BioChem Pharma, se rappelle Michel Leblanc, de Génome Québec. On a, volontairement et collectivement, mis en place des mécanismes pour inciter les chercheurs à créer leur société dès qu'il y avait quelque chose qui s'apparentait à de la propriété intellectuelle."

La conséquence, tout le monde l'admet aujourd'hui, c'est que les entreprises québécoises se sont créées trop tôt, et que les fonds ont été un peu éparpillés - on donnait à trop de gens, et trop peu à chacun.

"On expérimentait, note M. Leblanc. Le capital-risque québécois, qui était public ou semi-public, était peu expérimenté. Il n'avait pas, en face de lui, de sociétés avancées en phase II ou en phase III. Alors il se concentrait sur ce qui se présentait à lui."

Aujourd'hui, la situation est bien différente. La pépinière est constituée d'arbres de toutes les tailles. Le capital-risque est passé graduellement de public à privé. Et le privé veut du rendement. Conséquence: les arbres qui semblent les plus forts font de l'ombre aux jeunes pousses.

S'il reconnaît le problème, Michel Leblanc croit que la situation est un peu normale. "On a créé un paquet de société à la fin des années 1990. La priorité, c'était de s'assurer que celles qui n'avaient pas disparu survivent. On ne pouvait pas massacrer les investissements passés."

Il note que de nouveaux fonds qui s'intéressent aux stades précoces, dont CTI Capital et Go Capital, viennent d'apparaître au Québec.

"On peut se flageller continuellement, dit M. Leblanc. Ou on peut décider qu'on a réglé un problème et qu'on passe au suivant. Personnellement, je suis optimiste. J'ai l'impression qu'on regarde les problèmes arriver et que, collectivement, on met en place des mécanismes pour les régler."