La demande de transfert est adressée au "département international de transfert" de la Caisse populaire de Terrebonne. La lettre provient de Londres. Mais elle porte l'entête de Proulx & fils, une boutique de matériel de salle de bains de la couronne nord de Montréal.

La demande de transfert est adressée au "département international de transfert" de la Caisse populaire de Terrebonne. La lettre provient de Londres. Mais elle porte l'entête de Proulx & fils, une boutique de matériel de salle de bains de la couronne nord de Montréal.

On y demande le transfert de 19 900$ en des termes étranges: "Nous vous instruit par la présente à effectuer le paiement sur ma part à Shiotsu Hiroyuki (sic). Débiter de mon compte et transfère pareil à la banque du bénéficiaire et aux détails de compte comme ci-joint..."

La demande porte la signature d'une associée de Proulx & fils. Une fausse signature.

En moins d'un mois, deux autres demandes de transfert dans des banques étrangères, pour des montants de 19 900$ et 12 400$, sont parvenues à la caisse. L'une provenait de l'Ouganda, l'autre de Londres.

L'entreprise Proulx & fils est victime d'usurpation d'identité, depuis le vol d'un chèque (un vrai!) qu'elle avait envoyé à un de ses fournisseurs par la Postes.

En février 2006, des voleurs se sont emparés d'une boîte de relais de Postes Canada dans la région de Toronto. Quelque 200 articles de courrier, destinés à 18 commerces, ont ainsi été subtilisés, explique Louise Roy, porte-parole de Postes Canada.

"Ça arrive à l'occasion. Mais ce n'est pas fréquent. Le phénomène a été beaucoup plus important dans l'ouest du pays. Au Québec, il n'y a eu que 15 vols de boîtes postales au cours des 12 mois terminés en août dernier", précise Mme Roy. Elle ajoute que 5% des vols d'identité au pays résultent d'un vol de courrier.

Dès que Postes Canada prend connaissance d'un délit, elle avise ses clients dont le courrier aurait pu être dérobé. C'est ainsi que Daniel L'Heureux, associé de Proulx & fils, a reçu un coup de fil de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), pour l'avertir du vol d'un chèque de son entreprise. M. L'Heureux a vite bloqué le chèque. Le paiement n'a donc jamais été encaissé.

Mais les fraudeurs ont conservé les précieuses informations qui figurait sur le chèque: le nom et l'adresse de l'entreprise, la caisse populaire, le numéro de compte... et la signature d'une associée.

Par hasard, Proulx & fils a changé de caisse populaire, récemment. C'est ce qui l'a sauvée! Lorsque les demandes de transfert frauduleuses sont arrivées à la caisse, le compte à débiter était fermé.

"Dans le volume, c'est sûr qu'ils auraient pu l'accepter", croit M. L'Heureux qui veut mettre en garde la communauté d'affaires. Impossible d'arrêter d'envoyer des chèques par la Postes. Selon lui, le seul moyen de se prémunir contre les risques d'arnaque est de changer régulièrement de numéro de compte, au sein de la même institution financière.

Fraude d'identité par chèque

Les entreprises sont plus souvent visées par les fraudeurs qui sévissent à l'aide de faux chèques ou de transferts de fonds. "Il est plus difficile d'encaisser un chèque personnel de plusieurs milliers de dollars. Les institutions financières appellent avant. Mais pour les chèques de compagnies, elles n'appellent pas", explique le caporal Luc Bessett, porte parole de la GRC.

Il rappelle que le paiement par chèque comporte un risque. "Quand on paie avec sa carte de crédit, on peut suivre le commerçant lorsqu'il passe la carte. Mais on ne peut pas suivre le chèque", dit-il. Si un fraudeur met la main sur un chèque avec une signature, il peut ensuite le contrefaire.

D'ailleurs, les policiers voient de plus en plus de fraudes à l'aide de faux chèques. Un coup classique: Les criminels envoient un faux chèque, de plusieurs milliers de dollars, à un individu au hasard. Le particulier sait bien que personne ne lui doit une telle somme... mais le chèque est libellé à son nom. Il succombe à la tentation et l'encaisse. Peu après, les criminels le contactent et exigent une partie ou la totalité de l'argent. Le particulier qui vient lui-même de commettre un crime, est mal placé pour se défendre. Et lorsque la banque réalise que le chèque est contrefait, elle reprend le montant du compte du particulier.

L'année dernière, les policiers ontariens ont pincé un homme 32 ans, Olusoji Ayodele, qui utilisait se type de subterfuge. On a retracé une quarantaine de victimes qui ont perdu 800 000$ au total.

Cette arnaque, et bien d'autres encore, est répertoriée sur le site Internet du centre d'appels antifraude Phone Busters (https://www.phonebusters.com), qui compile les plaintes des victimes de vol d'identité.

Un conseil: "Si l'argent n'est pas à vous, n'encaissez jamais un chèque", recommande le caporal Bessett. Aussi, évitez de remplir des coupons de participation à toutes sortes de concours, où on demande votre nom, votre adresse et d'autres détails sensibles. On ne sait jamais à qui ces informations seront vendues...