Dans le merveilleux monde de la finance, tout est à vendre... Une entreprise peut même vendre les pertes fiscales qu'elle a accumulées au fil des années!

Dans le merveilleux monde de la finance, tout est à vendre... Une entreprise peut même vendre les pertes fiscales qu'elle a accumulées au fil des années!

C'est le cas de deux petites sociétés québécoises de recherche et développement dans le secteur médical, qui viennent de vendre à des groupes d'investisseurs albertains des blocs de 100 millions de dollars de pertes fiscales. Il s'agit de Conjuchem et de ART Recherches et Technologies Avancées.

En retour de son bloc de 123 millions, Conjuchem a obtenu la somme de 6,4 millions de dollars de la société 1211417 Alberta. Pour sa part, ART a cédé à la société Matco Capital un bloc de quelque 100 millions de pertes fiscales, le tout pour un montant de 5,8 millions de dollars .

La question qui brûle vos lèvres: mais est-ce payant de les acheter? Oui! À la condition évidemment que vous puissiez utiliser les pertes à l'encontre de bénéfices imposables. Autrement dit, encore faut-il posséder des entreprises hautement rentables pour pouvoir "bénéficier" du bloc de pertes fiscales qu'on achète...

Pour les fins de nos calculs, arrondissons les chiffres. L'entreprise albertaine investit 6 millions de dollars pour acquérir des pertes de 100 millions. Si l'entreprise réussit à annuler l'équivalent de 100 millions de bénéfices imposables à un taux combiné de quelque 30%, elle aura ainsi économiser environ 30 millions de dollars d'impôts.

Cette stratégie lui procure donc un gain net de 24 millions de dollars, pour un rendement de 400%!

Vous allez me dire: mais pourquoi diable les entreprises déficitaires ne se montrent-elles pas plus exigeantes envers ces rusés investisseurs? Tout simplement parce qu'elles sont généralement dans une situation grandement précaire lorsqu'elles décident de réorganiser leur structure financière. Et, conséquemment, le temps joue contre elles.

Et il faut dire que les acquéreurs de blocs de pertes fiscales ne courent pas les rues. Ce type d'investissement fait partie d'une niche risquée car la déduction de telles pertes est tout de même assujettie à des conditions relativement strictes. Une parenthèse: imposer des conditions strictes à la déduction de pertes fiscales accumulées par une autre entreprise... c'est bien la moindre des choses à laquelle on peut s'attendre de la part de Revenu Canada.

Mais à la décharge des entreprises qui misent sur ces achats pour réduire la facture d'impôts d'entreprises grandement rentables, avec le fisc... rien n'est jamais acquis jusqu'au jour où le délai de prescription d'une possible recontestation est dépassé. On parle ici d'un délai de trois ans pour les sociétés privées sous contrôle canadien et de quatre ans pour les autres sociétés. Notez qu'aucun délai de prescription n'est appliqué lorsqu'une société a présenté des faits erronés par négligence, imprudence, omission volontaire ou fraude.

En ce qui concerne les petites sociétés comme Conjuchem et ART, elles ne font évidemment pas une mauvaise affaire en vendant des blocs de pertes.

Au contraire. Cela leur permet d'obtenir un financement "non dilutif" et ainsi de monnayer immédiatement des pertes fiscales qu'elles ne pourront de toute façon jamais utiliser. Pourquoi ne peuvent-elles pas les déduire? Parce que ces petites sociétés de développement et de recherche estiment ne pas être en mesure de rapporter les bénéfices imposables requis pour pouvoir utiliser les pertes fiscales accumulées. L'utilisation de pertes fiscales est assujettie à une période de report prospectif de 20 ans.

Par ailleurs, la vente de leurs blocs respectifs de pertes fiscales a nécessité de la part de ConjuChem et de ART la mise en place d'une réorganisation fort complexe de la structure corporative.

Complexe au point de nécessiter la création, par chacune des entreprises, d'une circulaire explicative de plus de 100 pages qui a été transmise aux actionnaires dans le but d'approuver le plan d'arrangement de la réorganisation.

Quoi qu'il en soit, les actionnaires de ConjuChem ont déjà approuvé la restructuration de leur entreprise tandis que ceux de ART seront appelés à se prononcer sur la leur le 22 novembre.

ConjuChem Biotechnologies (CJB: 61 cents) a développé une nouvelle génération de médicaments découlant de peptides thérapeutiques. "Appliquée aux peptides, la technologie du DAC(MC) et du PC-DAC(MC) permet d'obtenir, explique Conjuchem, de nouveaux médicaments aux propriétés thérapeutiques considérablement améliorées par rapport au peptide d'origine."

ConjuChem exploite cette technologie dans divers champs thérapeutiques tels le diabète, le sida, les déficits d'hormones de croissance et l'insuffisance cardiaque.

Pour sa part, ART Recherches et Technologies (ARA: 39 cents) se définit comme un chef de file de produits d'imagerie optique moléculaire destinés aux industries des soins de la santé et pharmaceutique. "ART a conçu des produits d'imagerie médicale, de diagnostic médical, de recherche et de développement de médicaux afin de fournir de nouveaux et de meilleurs traitements aux patients, et ce, de façon plus rapide."