Les vents légendaires de Chicago, judiciaires cette fois, auront-ils raison de la prestance de Conrad Black, l'ex-magnat de presse d'origine canadienne?

Les vents légendaires de Chicago, judiciaires cette fois, auront-ils raison de la prestance de Conrad Black, l'ex-magnat de presse d'origine canadienne?

En tout cas, c'est ce matin qu'il prend place au tribunal, avec son équipe d'avocats de Toronto et de Chicago, pour le début de son procès au criminel devant une juge de la Cour fédérale du district de l'Illinois.

À 62 ans, Conrad Black fait face à une longue série d'accusations criminelles relativement à sa présidence de l'ex-groupe de presse Hollinger International, dont le siège social était à Chicago.

Fraude, détournement de fonds et d'actifs, évasion fiscale, entrave à la justice : les accusations portées par la justice américaine, qui découlent d'une révolte d'actionnaires de Hollinger amorcée il y a cinq ans, pourraient mener Conrad Black en prison pour le reste de ses jours.

Il s'agirait évidemment du pire dénouement possible d'un procès qui, selon des observateurs judiciaires à Chicago, pourrait durer au moins trois mois, peut-être quatre.

Mais dans l'immédiat, la première étape majeure de ce procès a lieu aujourd'hui et, peut-être, demain. Il s'agit du choix des 12 jurés qui entendront toute l'affaire, et décideront du verdict sur les diverses accusations.

«Ça peut paraître n'être qu'une étape préliminaire au procès. Mais dans la justice criminelle, ici, c'est une étape cruciale, surtout pour les avocats de la défense qui représentent Conrad Black», indique Andrew Stoltmann, avocat et analyste en droit des affaires à Chicago.

«En fait, grâce à leur participation à la sélection finale des 12 jurés, les avocats de M. Black tenteront sûrement d'avoir des gens de classe sociale et professionnelle la plus élevée possible, au lieu des jurés traditionnels de type cols bleus, ici à Chicago.»

«Car avec son style personnel hautain et intellectuel, parfois même arrogant, Conrad Black risquerait très gros s'il se retrouve devant un jury composé de gens très ordinaires, qui n'apprécient guère les styles de vie fortunés.»

D'ailleurs, le financement du train de vie de Conrad Black fait parti des principaux arguments attendus des procureurs fédéraux, dirigés par Patrick Fitzgerald, 46 ans, une vedette de la justice criminelle à Chicago.

«Une bonne partie des accusations contre Conrad Black allèguent qu'il aurait carrément pillé des fonds et des actifs de Hollinger International, lorsqu'il en était président du conseil, pour soutenir son train de vie luxueux à Londres, New York et divers endroits de villégiature», a souligné M. Stoltmann, lors d'un entretien avec La Presse Affaires, au centre-ville de Chicago.

Cela dit, l'intérêt des résidants de la métropole riveraine du lac Michigan pour le procès de Conrad Black demeure plutôt mince, à en juger par les questions posées furtivement à des passants devant le palais de justice au centre-ville, par une journée radieuse de printemps.

Et ce, même si Conrad Black et son ex-associé de longue date, David Radler, qui a changé de camp pour collaborer avec la justice, ont été pendant plusieurs années à la tête de Sun-Times, l'un des principaux groupes de presse de Chicago. C'était la principale filiale américaine de Hollinger International.

«L'intérêt pour le procès de Conrad Black demeure limité dans les milieux d'affaires et judiciaires de Chicago», estime Andrew Stoltmann.

«Néanmoins, c'est le procès d'un homme d'affaires qui s'annonce du plus haut niveau ici, depuis longtemps. Peut-être l'équivalent à Chicago de ce que fut l'affaire d'Enron à Houston, au Texas. Mais heureusement, sans les pertes massives d'emplois et de fonds investis dans la région», selon M. Stoltmann.

Chose certaine, Conrad Black et ses avocats ne veulent rien entendre de pareille comparaison avec les gros procès de gens d'affaires corrompus aux États-Unis, qui ont fait les manchettes.

Et pendant les prochaines semaines à Chicago, ils feront tout en leur pouvoir pour en convaincre aussi les 12 jurés de la cour fédérale de l'Illinois.