Quinze millions de dollars. C'est l'amende maximale à laquelle risquent de s'exposer Bell, Vidéotron et toutes les entreprises canadiennes de télécoms qui voudraient abuser de leur "position dominante" dans le marché.

Quinze millions de dollars. C'est l'amende maximale à laquelle risquent de s'exposer Bell, Vidéotron et toutes les entreprises canadiennes de télécoms qui voudraient abuser de leur "position dominante" dans le marché.

Ainsi en a décidé le ministre fédéral de l'Industrie, Maxime Bernier, qui a déposé hier à Ottawa un projet de loi visant à donner plus de pouvoir au Tribunal de la concurrence.

Un geste considéré comme un pas de plus vers la déréglementation complète du secteur canadien des télécommunications.

"Permettre au Tribunal de la concurrence d'imposer des sanctions financières aura pour effet de prévenir l'adoption de pratiques anticoncurrentielles qui pourraient nuire aux consommatrices et aux consommateurs", a dit le ministre conservateur dans une déclaration.

Ces derniers mois, Maxime Bernier a clairement affiché ses couleurs quant à l'avenir de l'industrie des télécoms. La réglementation actuelle est trop lourde et les forces du marché doivent prévaloir, a-t-il répété sur plusieurs tribunes.

Il y a trois semaines, il a aussi infligé une rebuffade au CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) en le forçant à ne pas réglementer certaines formes de téléphonie Internet.

Le projet de loi déposé jeudi répond en tous points à la recommandation d'un comité d'experts, qui a pondu en mars dernier un rapport sur l'orientation que devrait prendre le cadre réglementaire des télécoms au Canada.

Dans le document, les experts conseillent notamment de "remplacer les dispositions réglementaires avant le fait (ex ante) par des approches qui comptent davantage sur l'intervention réglementaire après le fait (ex post)". Une méthode à mille lieues de ce qui se fait aujourd'hui, dans un marché très encadré au départ par les règles du CRTC.

L'Union des consommateurs a vivement réagi au projet de loi déposé hier. Selon l'organisme, l'intention du gouvernement n'annonce rien de moins que "la fin du CRTC" et devrait inquiéter les Canadiens.

"La proposition d'aujourd'hui constitue une admission par le ministre que la déréglementation qu'il tente par tous les moyens de précipiter risque d'entraîner des conséquences néfastes pour les consommateurs, pour lesquelles il essaie à l'avance de trouver des correctifs", a fait valoir l'Union dans un communiqué.

Selon Brian Sharwood, analyste en télécommunications au SeaBoard Group, le projet de loi déposé hier, s'il est accepté, viendra "donner des dents" au Tribunal de la concurrence, un organisme quasi judiciaire.

À l'heure actuelle, seuls les transporteurs aériens peuvent se voir infliger des sanctions pécuniaires par le Tribunal, a précisé Colette Downie, sous-commissaire de la concurrence, pendant un entretien. "Ce projet de loi nous donnera un autre outil pour dissuader les compagnies de télécommunication d'utiliser des pratiques anticoncurrentielles."

La pénalité de 15 millions de dollars constitue un maximum, et chaque cas sera étudié en vertu d'une foule de critères complexes, a insisté Mme Downie. Plusieurs amendes pourraient être bien plus basses.

Les anciens monopoles des télécoms Bell et Telus ont accueilli avec satisfaction le projet de loi de Maxime Bernier. "Je vois ça comme un autre pas du gouvernement dans l'implantation des recommandations du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications", s'est réjoui Lawson Hunter, vice-président à la direction de Bell Canada, pendant un entretien.

"Cela aura seulement un impact quand il y aura déréglementation", a-t-il toutefois nuancé.

Au CRTC, on s'est fait avare de commentaires. Le porte-parole Denis Carmel n'a voulu parler ni du projet de loi, ni des nombreux revers infligés à son organisme par Ottawa au cours des derniers mois.

"À l'intérieur de la loi, il y a des mécanismes qui permettent au gouvernement de donner des directions au CRTC, ils s'en sont prévalus, a-t-il dit. Nous, on n'est pas là pour avoir des opinions ou des sentiments, on opère dans un cadre juridique et c'est tout."