Le monde canadien des affaires se trompe en s'enlignant sur les normes de comptabilité internationales plutôt qu'américaines, croit un grand patron du CN, à l'heure où d'autres entreprises hésitent sur la meilleure manière de se mondialiser.

Le monde canadien des affaires se trompe en s'enlignant sur les normes de comptabilité internationales plutôt qu'américaines, croit un grand patron du CN, à l'heure où d'autres entreprises hésitent sur la meilleure manière de se mondialiser.

«Personnellement, j'aurais préféré qu'on adopte les règles américaines», indique Serge Pharand, vice-président et contrôleur du Canadien National, qui fait valoir l'importance des échanges des compagnies canadiennes avec les États-Unis et la qualité du système comptable américain.

Il a défendu son point de vue au début février lors d'une conférence de HEC Montréal sur le passage amorcé des entreprises à la comptabilité internationale, un ensemble de normes développé par l'Europe.

Décidé au début de l'an dernier par le Conseil des normes comptables du Canada, pour répondre à la mondialisation, le changement s'étalera jusqu'en 2011. Les normes canadiennes disparaîtront cette année-là.

«Une entreprise qui grandit va regarder d'abord vers les États-Unis» souligne M. Pharand, selon qui des normes différentes peuvent nuire à une expansion américaine.

Actif au sud de la frontière et inscrit à la Bourse de New York, le CN utilise la comptabilité américaine et la maintiendra après 2011. Le Conseil prévoit en effet que des compagnies pourront déroger aux nouvelles normes.

«Si on ne suivait pas les règles américaines, les investisseurs américains nous comprendraient mal et seraient plus prudents», explique M. Pharand.

Le Conseil des normes comptables a opté pour les normes internationales après trois ans de consultation du monde des affaires. Un choix motivé par la simplicité de l'approche internationale, récente et axée sur les principes, comparativement à un système américain lourd de règles et de détails.

La ressemblance des normes canadiennes et internationales, et la perspective de voir les États-Unis rejoindre un jour la communauté mondiale, sont aussi entrées en ligne de compte. L'Australie a déjà adopté les normes internationales, et la Chine a annoncé qu'elle ferait de même cette année.

Les Américains ont convenu de rédiger des normes conjointes dans un certain nombre de secteurs d'ici 2008.

Mais M. Pharand doute que le système international puisse jamais faire le poids et prendre le dessus sur son homologue américain, qu'il juge beaucoup plus complet et développé.

«Le budget des normes américaines est bien plus important, ce qui fait qu'elles prévoient beaucoup de choses, dit-il. Plus le monde des affaires se complexifie, plus les règles doivent être précises. Il faut être réaliste.»

Le président du Conseil des normes comptables, Paul Cherry, convient que certaines entreprises proches des États-Unis forment une «poche de résistance» à la transition en cours.

«Celles qui le veulent pourront opter pour les règles américaines», souligne-il.

À la firme Ernst & Young, le comptable Michel Bergeron fait aussi état d'un débat sur la voie à prendre.

«Certaines compagnies trouvent les normes internationales très avantageuses, mais d'autres se demandent si elles vont nuire à l'accès au marché américain. Est-ce que la SEC va accepter ces normes ? On ne le sait pas encore.»

Chez CGI, société inscrite à la Bourse de New York mais utilisant les normes canadiennes, on hésite encore.

«Pour l'instant, on penche vers l'international, dit le vice-président et contrôleur François Boulanger. Mais on a jusqu'en 2011. Si les Américains ne suivent pas, on va regarder ça.»

CGI tient à permettre à ses investisseurs une comparaison facile de son bilan avec celui de ses compétiteurs. «On a des concurrents aux États-Unis, mais aussi en Europe et en Inde», soupèse M. Boulanger.

De son côté, la multinationale Alcan a déjà décidé de garder les normes américaines, qu'elle a adoptées en 2004.

«Ce sont les plus pertinentes pour nous, dit le chef de la comptabilité d'Alcan, Glenn Rioux. Notre principal compétiteur et nos gros actionnaires sont aux États-Unis.»

Mais il ne va pas jusqu'à soutenir, comme Serge Pharand, que le système américain vaut mieux pour tous.

«C'est une bonne chose qu'il y ait une convergence des normes à travers le monde. Tout dépend de la situation de chaque compagnie.»