La population du Québec vieillit. Faut-il s'en inquiéter ? Au cours des prochaines semaines, nos collaborateurs de HEC Montréal analyseront les effets de ce phénomène sur la gestion des organisations publiques set privées.

La population du Québec vieillit. Faut-il s'en inquiéter ? Au cours des prochaines semaines, nos collaborateurs de HEC Montréal analyseront les effets de ce phénomène sur la gestion des organisations publiques set privées.

Selon l'OCDE, la proportion d'individus âgés de 65 ans et plus par rapport au groupe âgé entre 20 et 64 ans passera de 25 % en 2004 à 45 % en 2050.

Donc nul besoin d'une boule de cristal pour aventurer la prédiction suivante : dans les prochaines années au Canada, la proportion grandissante de retraités dans la population risque de causer bien des problèmes aux décideurs politiques.

Le problème le plus appréhendé est celui d'une contraction de la marge de manoeuvre des gouvernements.

Ceux-ci devront trouver des moyens alternatifs de financer les services publics à la suite de cette diminution du nombre de travailleurs productifs, mais aussi inciter les travailleurs à prolonger leur vie active.

Certaines mesures fiscales pénalisant indûment les travailleurs qui désireraient demeurer sur le marché du travail après 60 ans devraient aussi être éliminées.

Par exemple, il faudrait relâcher les règles qui interdisent aux individus de travailler et de retirer une rente en même temps.

Il faudrait aussi faire de même avec les restrictions qui empêchent de continuer à contribuer à un régime de retraite tout en retirant une rente.

Il est d'autant plus urgent d'agir à ce niveau puisque certaines études montrent que la désincitation au travail est plus forte chez les Canadiens âgés à faible revenu. Ces derniers profiteraient probablement le plus de telles mesures en prolongeant leur vie active et en accroissant leurs revenus de retraite.

Compétences et productivité

Il est souvent moins reconnu que le vieillissement de la population soit associé à une baisse de la productivité de l'économie canadienne. Cette baisse toucherait négativement la croissance économique et notre niveau de vie.

En effet, bien que certaines compétences s'améliorent avec l'âge, il est généralement admis que la productivité des travailleurs décroît dépassé un certain seuil.

C'est évidemment le cas pour les capacités physiques mais également pour les tâches requérant des aptitudes pour la résolution de problème, l'apprentissage continu ou la vitesse. Pour d'autres tâches nécessitant plutôt des habiletés verbales ou un stock de connaissances accumulées, la productivité des travailleurs diminue à peine sinon beaucoup moins rapidement.

La productivité des travailleurs âgés de plus de 50 ans est donc en moyenne plus faible que celle de leurs collègues plus jeunes, et ce même si on prend en considération la productivité indirecte des travailleurs plus âgés tel le mentorat auprès des collègues plus jeunes.

Cela explique en partie pourquoi plusieurs travailleurs âgés qui perdent leur emploi éprouvent beaucoup de difficultés à réintégrer le marché du travail.

En effet, ces derniers sont en concurrence avec des travailleurs plus jeunes qui sont aussi plus éduqués et qui ont des connaissances mieux appariées au nouveau monde du travail, notamment au niveau de leurs habiletés informatiques.

Formation de base et continue

Plusieurs politiques sont recommandées pour mieux faire face à ce vieillissement. Il faut entre autres augmenter l'employabilité des travailleurs plus âgés. Il s'agit ici de s'assurer que leurs compétences sont mises à jour, notamment en encourageant la formation parrainée par l'employeur et en facilitant les retours temporaires aux études pour une mise à niveau des compétences.

Présentement, l'incidence de la formation en entreprise est beaucoup plus basse pour les travailleurs âgés de 55 ans et plus par rapport à celle donnée aux travailleurs âgés entre 35 et 44 ans. On note en effet une diminution de 39 % à 34 % pour la formation en classe et de 31 % à 25 % pour la formation en cours d'emploi.

Les baisses sont encore plus notables si on s'attarde aux autres types de formation.

Il importe donc de trouver les incitatifs nécessaires pour convaincre d'abord les entreprises d'améliorer leur offre de formation auprès de leurs travailleurs plus âgés et ensuite les travailleurs qu'il est rentable d'investir dans leurs compétences, même dépassé un certain âge.

En se basant sur le vieil adage qui dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir, il est important aussi de s'assurer que la formation de base acquise sur les bancs d'écoles soit la plus complète possible.

Pour clore sur une note plus réconfortante, réjouissons-nous que la prochaine cohorte de travailleurs âgés soit la plus éduquée et la plus compétente que le marché du travail ait jamais connue.

On peut donc espérer que les baisses de productivité liées au vieillissement observées dans le passé soient moins sévères à l'avenir.

L'auteur est professeur adjoint à l'Institut d'économie appliquée, HEC Montréal et chercheur CIRANO