Quand Jean-Luc Brassard a franchi le fil d'arrivée lors des Jeux d'hiver de Lillehamer, il savait déjà que sa performance lui vaudrait l'or. Ses premières pensées n'ont pas été pour la médaille.

Quand Jean-Luc Brassard a franchi le fil d'arrivée lors des Jeux d'hiver de Lillehamer, il savait déjà que sa performance lui vaudrait l'or. Ses premières pensées n'ont pas été pour la médaille.

«J'ai surtout éprouvé une immense satisfaction personnelle pour avoir réussi à affronter et à relever le défi le plus difficile de ma vie, en travaillant très fort», raconte le porte-parole du Massif de la Petite-Rivière-Saint-François.

Dans ce rôle, comme dans celui d'animateur de «Comment c'est fait ?», diffusée au Canal Z, et lorsqu'il était «le Boss des bosses», Jean-Luc Brassard dit avoir toujours choisi de faire ce qu'il aimait. Il dit avoir toujours eu du plaisir, même lors de ses entraînements loin des projecteurs.

«C'est la satisfaction du travail bien fait qui procure du plaisir. On a beau avoir du talent, si on ne s'applique pas et qu'on se compare constamment aux autres, on n'aura pas de plaisir», analyse-t-il.

Certains l'ont traité d'orgueilleux quand il a déclaré ne jamais regarder les descentes de ses adversaires. «Je considérais que j'étais mon principal adversaire. C'est à moi que je devais d'abord me mesurer en compétition», précise-t-il.

Après sa retraite sportive, il a dû faire de nouveaux apprentissages dans l'univers des communications. «Le défi, ça garde en vie», dit-il.

Au sein de l'équipe du Massif, son engagement déborde largement la communication des attraits de la montagne. Il siège au conseil d'administration du Groupe et a participé au comité d'idéation de son projet de développement.

«Je suis encore dans le giron du ski mais j'apprends, en plus, à intégrer des préoccupations écologiques et le respect de la communauté à un projet de développement économique», dit-il.

Il se réjouit d'être, au quotidien, en contact avec des passionnés recrutés par Daniel Gauthier mais également avec des citoyens de Charlevoix, tout aussi passionnés. «Il n'y a rien de plus stimulant que des passionnés. Il y en a dans tous les métiers et professions et à toutes les échelles de revenu», dit-il.

Il y a plaisirs et plaisir

Les constats de Jean-Luc Brassard sont partagés par Jacques Forest. Ce chercheur en psychologie organisationnelle a consacré sa thèse de doctorat au plaisir et à la passion au travail. Il poursuit des recherches post-doctorales sur ces sujets à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia.

«Le plaisir au travail ne vient pas uniquement des blagues des collègues ou de la participation à un lunch comique. Le plaisir durable exige un effort et la mise à contribution de ses valeurs et convictions dans l'accomplissement de ses tâches», explique-t-il.

La recherche indique que le plaisir durable est plus souvent atteint par ceux qui ont le sentiment d'aider les autres et de faire quelque chose d'utile.

Jacques Forest a découvert, chez ces individus, une meilleure concentration à la tâche, un sentiment de contrôle accru ainsi qu'une énergie et un engagement affectif plus grands.

La passion harmonieuse est un autre moteur du plaisir, selon M. Forest. Ceux qui la vivent aiment et valorisent leur travail. Ils y investissent librement temps et énergie, sans pour autant fonder leur identité uniquement sur le boulot.

Par contre, ceux qui éprouvent une passion obsessive se définissent uniquement par leur travail. Ils ont à la fois moins de plaisir et plus de stress.

Selon Jacques Forest, on peut se rapprocher de la passion harmonieuse, donc du plaisir, en se donnant comme objectif de bien maîtriser ses tâches en s'y consacrant entièrement. Cette concentration entraîne du plaisir au travail.

À l'inverse, la recherche de la performance guidée par le seul désir de battre les autres diminue la concentration à la tâche, et donc le plaisir.

Certains reprochent à Jacques Forest de s'intéresser au plaisir alors que la détresse dans les organisations n'a jamais été aussi élevée. «Il faut travailler sur les deux tableaux. Enlever la détresse ne suffit pas si on veut développer des milieux de travail sains. Pour y arriver, l faut aussi réunir les conditions du plaisir», plaide-t-il.

Plaisir et performance

Jean-Luc Tremblay, ancien gestionnaire dans le secteur de la santé, se consacre à plein temps à faire connaître, dans ses conférences, les conditions du plaisir en milieu de travail. Pour lui, le plaisir est une condition sine qua non de la performance des individus et des organisations.

Selon M. Tremblay, l'écoute, la reconnaissance, la présence, l'amabilité et la rigueur des gestionnaires font notamment partie des pratiques qui favorisent le plaisir et la performance. «Les gestionnaires doivent également faire partager leurs rêves et leurs objectifs à leurs employés», dit-il.

M. Tremblay espère que ses efforts viendront contrecarrer la hausse fulgurante de la détresse en milieu de travail. Son message suscite l'intérêt. Ainsi, son livre La performance par le plaisir est de plus l'un des meilleurs vendeurs des Éditions Transcontinental ces jours-ci.

«Nous n'avons jamais autant su comment rendre les gens heureux dans les organisations. Il faut simplement mettre ces principes en action», conclut-il.