Un peu partout dans le monde, le Pentagone dispose de milliers de garages, hangars et terrains vagues pour y accueillir ses jets, chars d'assaut et autres jouets de guerre. Mais comme c'est le cas pour la majorité des ménages nord-américains, ces lieux d'entreposage sont encombrés de vieilles choses que l'on n'utilise plus et dont on veut se débarrasser.

Un peu partout dans le monde, le Pentagone dispose de milliers de garages, hangars et terrains vagues pour y accueillir ses jets, chars d'assaut et autres jouets de guerre. Mais comme c'est le cas pour la majorité des ménages nord-américains, ces lieux d'entreposage sont encombrés de vieilles choses que l'on n'utilise plus et dont on veut se débarrasser.

Alors, le Pentagone organise discrètement des programmes de dons et de ventes à rabais pour vider ses "greniers" et "placards" où s'est retrouvée la plus grande accumulation d'armes depuis l'ère Reagan. Le Pentagone a recours à ce qu'il appelle son Programme d'articles excédentaires de la Défense pour récompenser des gouvernements amis et alliés dans le monde.

Il y a de bonnes affaires à profusion, des biens que l'on donne au bon client ou que l'on vend à une fraction du prix original. Les chasseurs d'aubaines sont nombreux, mais l'accès se fait par invitation seulement et il est réservé aux gouvernements.

Le Pakistan et la Jordanie ont pour leur part mis la main sur un groupe de chasseurs usagés F-16 Fighting Falcon. L'Afghanistan a eu droit à un parc presque neuf de 75 véhicules blindés de transport du personnel. Les garde-côtes du Yémen disposent maintenant, grâce au Pentagone, d'une petite flotte de canots de sauvetage vieux de 30 ans alors que le Portugal s'apprête à prendre possession d'une frégate lance-missiles déclassée.

"C'est un marché aux puces", explique le responsable du programme au sein du département d'État. " C'est notre vente débarras, ajoute-t-il, et nous n'offrons aucune garantie. "

Le programme se veut une opération de bonne volonté que le gouvernement américain utilise pour se bâtir des amitiés dans le monde. Et le programme est en plein essor: l'équipement offert cette année avait un prix original d'environ 1,56 milliard US, soit le double de celui de l'an dernier. Et l'on s'attend à ce que le prix soit encore plus considérable l'an prochain.

"Il y a de tout, depuis des M-16 jusqu'à des F-16", lance Rachel J. Stohl, analyste du Center for Defense Information, un organisme à but non lucratif souvent critique des dépenses militaires américaines. "Impossible d'obtenir tout ce que vous voulez, ajoute-t-elle. Mais, Dieu, quelles aubaines!"

Entre l'an 2000 et 2005, le Pentagone a offert des joujoux évalués au départ à 8 milliards US : hélicoptères, torpilles, aéronefs, une soufflerie, un chaland de débarquement tout usage, camions, radars, missiles, munitions, uniformes, un bateau de service et autres navires.

À peu près pour 2 milliards US de cette marchandise a été donné à des pays suffisamment dans le besoin pour se qualifier. Pas moins de 800 millions US supplémentaires de biens ont été vendus à des prix radicalement réduits, jusqu'à 5 cents au dollar. Le reste n'a pas trouvé preneur.

La plupart des pays récipiendaires n'ont pas les moyens de s'offrir de l'équipement neuf et les Philippines, le Maroc et la République dominicaine ont fait partie des récents " magasineurs ". Mais des pays mieux nantis comme le Canada et l'Australie ont aussi jeté leur dévolu sur des "dépouilles" bon marché.

Toutes les armes à vendre ou à donner ne sont pas rassemblées en un seul lieu pour fins d'inspection par les acheteurs éventuels. La marchandise est plutôt offerte sur la base du "tel quel, là où elle est" et l'acheteur doit payer pour l'expédition et les réparations. Celles-ci peuvent parfois rendre l'affaire moins intéressante et c'est ce qui explique que des marchandises restent parfois sur le carreau. Toutefois, peu d'acheteurs se plaignent et ils observent souvent la remise des armes lors de cérémonies dans leur pays en présence de représentants américains.

"Nous sommes reconnaissants", soutient le sergent major Irving Estrada, adjoint de l'attaché militaire du Guatemala. Son pays a reçu des vêtements pare-balles, des bottes et des ordinateurs qui ont été présentés par l'ambassadeur des États-Unis au cours d'une cérémonie tenue à Guatemala City en avril dernier.

"C'est important pour nous, ajoute le sergent major Estrada. Tout est utile et nous utilisons tout ce que nous obtenons."

Mais le programme n'est pas sans critiques, qui soutiennent qu'il contribue à la course aux armements dans le monde et qu'il constitue une manière imprévoyante de se faire des amis.

" N'y a-t-il pas des façons plus constructives pour les États-Unis de tisser des amitiés?" demande Danielle Brian, directrice du Project on Government Oversight, un groupe de surveillance qui étudie les dépenses du Pentagone. "Nous armons des pays qui, autrement, n'auraient pas les moyens de s'armer, poursuit-elle. Si nous voulons nous faire des amis, nous devrions avoir quelque chose de mieux à offrir."

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