Pour les salariés, même les plus petits vols peuvent entraîner de lourdes peines, y compris le congédiement. Examen de deux décisions récentes de tribunaux du travail dans des affaires de oints bonis et de frais de service.

Pour les salariés, même les plus petits vols peuvent entraîner de lourdes peines, y compris le congédiement. Examen de deux décisions récentes de tribunaux du travail dans des affaires de oints bonis et de frais de service.

En 2005, deux caissières ont été congédiées pour vol et perte de lien de confiance. Autre similarité: les sommes en cause étaient minimes.

Les deux femmes ont fait appel de cette décision. Les verdicts viennent de tomber.

La première, employée chez Zellers depuis 18 ans, avait enregistré à son compte personnel des points-primes HBC non réclamés par des clients.

Son congédiement a été confirmé le 8 mai dernier par la Commission des relations du travail (CRT), l'organisme chargé d'entendre les contestations des salariés non syndiqués.

La seconde, caissière chez Desjardins depuis 28 ans, avait évité des frais de service à certains clients, dont son conjoint. En avril dernier, un arbitre du travail a transformé son renvoi en suspension de six mois. Elle était représentée par un syndicat.

En novembre 2005, la direction d'un magasin Zellers découvre qu'une de ses caissières a enregistré à son compte personnel des points-primes HBC sur des achats faits par des clients.

L'enquête fait la preuve que la salariée a fait ce geste à quelques reprises en octobre et au moins quatre fois le mois suivant.

Lors d'une rencontre avec la directrice des ressources humaines et l'enquêteur, la caissière reconnaît sa faute. Elle invoque toutefois des circonstances atténuantes.

Elle dit avoir transféré les points ainsi obtenus à une fondation de lutte contre le cancer pendant le mois d'octobre.

Zellers menait alors une campagne incitant les membres de son programme de fidélité à verser leurs points à cet organisme.

«Se sentant très interpellée par cette campagne en raison du décès de son frère des suites de cette maladie, la plaignante suggérait aux clients qui n'avaient pas en main leur numéro de membre de porter leurs points à sa propre carte. Elle soutient qu'à chaque occasion, elle a obtenu le consentement préalable du client», écrit la commissaire Lise Lanteigne dans sa décision.

L'enquêteur de Zellers confirme que les points d'octobre ont été versés à la fondation alors qu'elle a gardé dans son compte les points de novembre.

Lors des audiences devant la CRT, la salariée plaide que les transactions qui lui sont reprochées ne peuvent être considérées comme de la fraude. Elle rappelle qu'elle n'a volé aucun bien tangible à l'employeur, les points n'ayant aucune valeur s'ils ne sont pas échangés.

La caissière ajoute que les points crédités sur sa carte représentent une somme insignifiante qui ne lui permet d'acquérir aucun des articles offerts dans le catalogue de primes HBC".

Il faut, par exemple, 90 000 points pour obtenir une carte-cadeau de 10$ de Blockbuster. Ces points nécessitent des achats de 1800$.

Ces arguments n'ont pas ébranlé la commissaire Lanteigne. «Même si à première vue, la valeur subtilisée peut paraître modeste, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un comportement malhonnête. En agissant comme elle le fait (...) elle rompt le lien de confiance nécessaire à la relation employeur-employé», écrit-elle dans sa décision.

«La plaignante a abusé de la confiance essentielle à l'exercice de sa fonction. Dans les circonstances, la décision de l'employeur de rompre définitivement le lien d'emploi est justifiée», conclut-elle.

Frais de service

Les vols reprochés à la caissière de Desjardins portent également sur des sommes minimes.

Pendant plusieurs mois, la salariée a évité à des clients, dont son conjoint, le paiement de frais de services de 2,25$ sur des transactions réalisées au comptoir.

Elle y parvenait en attribuant leurs chèques à encaisser ou leurs paiements de factures à un folio de dépannage qui servait, par exemple, à échanger sans frais la monnaie d'un particulier pour une somme inférieure à 100$.

Son employeur l'a congédiée en 2005 après avoir découvert et prouvé le stratagème. En avril, l'arbitre du travail Jean-Guy Ménard a réduit la sanction à une suspension de six mois.

Dans sa décision, Me Ménard rappelle l'existence d'un courant de jurisprudence voulant que le congédiement d'un employé coupable de vol ou de fraude n'est pas la sanction automatique.

Me Ménard explique ainsi ce courant: «Dans des circonstances atténuantes particulières, telles que l'absence de préméditation, le caractère isolé de l'acte, la faible valeur de l'objet en cause, l'attitude générale du salarié et son dossier antérieur, le congédiement n'est pas maintenu en arbitrage.»

Me Ménard a jugé que la caissière, au service de Desjardins depuis 28 ans, pouvait bénéficier de circonstances atténuantes. Il a donc annulé son congédiement. Par ailleurs, il a tenu à sanctionner sévèrement la rupture du lien de confiance en lui imposant une suspension de six mois.