Ils ont longtemps été un symbole de réussite sociale. Un passage obligé dans le monde des affaires. Une société fermée. Mais les temps changent. Et les clubs de golf privés ne détiennent plus le gros bout du bâton.

Ils ont longtemps été un symbole de réussite sociale. Un passage obligé dans le monde des affaires. Une société fermée. Mais les temps changent. Et les clubs de golf privés ne détiennent plus le gros bout du bâton.

La situation n'est pas plus rose dans les clubs publics, qui doivent convaincre leurs clients de passer plus de temps sur les verts. Portrait d'une industrie qui arrive difficilement à jouer la normale au plan financier.

Au milieu des années 1990, un couple veut devenir membre du très huppé Club de golf Laval-sur-le-Lac. Malgré tous leurs millions, ils essuient un refus de la part du comité de sélection.

En 1997, Céline Dion et René Angélil ont finalement décidé d'acheter Le Mirage, un club concurrent...

Si l'anecdote est bien connue dans les hautes sphères du milieu du golf québécois, elle est aussi synonyme d'une autre époque. Celle où les clubs privés épluchaient avec soin le curriculum vitae de leurs candidats.

«Avant, il fallait passer une entrevue formelle à Laval-sur-le-Lac pour devenir membre. Ce n'est plus le cas aujourd'hui», dit Jacques Landry, directeur général de l'Association des terrains de golf du Québec (ATGQ).

«Notre processus de sélection est moins lourd administrativement mais il y a encore un système de parrainage, dit Luc Lapointe, directeur général de Laval-sur-le-Lac. Le recrutement est plus difficile pour tous les clubs privés. Il y a beaucoup plus de clubs qu'auparavant. C'est la loi de l'offre et la demande.»

Plus vieux club francophone en Amérique du Nord, Laval-sur-le-Lac n'est pas le seul club de golf à la recherche de nouveaux membres. Dans la région de Montréal, ils sont une dizaine à reluquer le marché des golfeurs haut de gamme. Une clientèle payante, mais de moins en moins fidèle.

«Les gens sont moins intéressés à payer un gros montant au début de la saison alors qu'ils ne savent même pas combien de parties ils vont jouer durant l'été», dit M. Landry.

«La fidélité n'est plus ce qu'elle était, dit Michel Archambault, directeur de la Chaire de tourisme de l'UQAM. Le modèle du club privé traditionnel est de plus en plus dépassé. Les gens veulent jouer sur plusieurs parcours différents, d'où le succès de ClubLink (un réseau de clubs de golf dont les membres ont accès à 32 terrains au Canada et cinq au Québec).»

M. Archambault l'admet sans réserve: l'industrie reste «fragile» au plan financier. «Les clubs privés ont le défi de renouveler leur clientèle et les clubs publics doivent être bien gérés tout en ayant une bonne stratégie au niveau du prix», dit-il.

Les clubs privés les plus mal en point doivent retenir leurs membres... de force! À Vallée du Richelieu, 150 des 600 membres veulent partir, mais les règlements du club leur interdisent de quitter sans avoir trouvé de remplaçant.

Le Club de golf Islesmere a vécu une situation similaire l'hiver dernier: le tiers des 375 membres a déserté le club lavallois, qui n'a eu d'autre choix que de s'associer au géant ontarien ClubLink. «Il y a eu beaucoup de transactions récemment, et il va en avoir d'autres», prévient Jacques Landry, de l'ATGQ

Pour assurer leur survie, les grands clubs privés doivent notamment miser sur les familles. «Un club de golf est une entreprise qui doit s'adapter aux demandes de ses clients, dit René Noël, directeur général du Club de golf Le Mirage. Nous avons dû modifier nos installations afin de prendre une approche plus familiale.»

Même son de cloche à Laval-sur-le-Lac. «Les habitudes des jeunes familles ont changé, dit le directeur général Luc Lapointe. D'autres activités comme le vélo entrent maintenant en ligne de compte.»

Seulement la moitié des terrains sont rentables

Au Québec, seulement la moitié des clubs de golf jouent au-dessus de la normale au plan financier.

Selon une étude réalisée par la Chaire de tourisme de l'UQAM pour le compte de l'Association des terrains de golf du Québec, 51% des 347 clubs de la province ont généré des bénéfices après amortissement en 2004.

«Et ce fut une bonne saison! En 2005 et 2006, la météo a fait perdre encore plus d'argent aux clubs de golf», dit Jacques Landry, de l'ATGQ.

La moitié des clubs ne font pas d'argent, soit. Mais beaucoup d'entre eux n'ont aucun intérêt à en faire, précise l'auteur de l'étude, Michel Archambault. «Les clubs privés et beaucoup de clubs semi-privés sont des organismes à but non lucratif, dit-il. Les profits générés par l'exploitation du club sont réinvestis dans le parcours. À l'inverse, les membres paient une cotisation spéciale si le club manque d'argent pour boucler son budget.»

Selon l'étude de la Chaire de tourisme de l'UQAM, 92% des clubs génèrent toutefois des bénéfices avant amortissement. Les clubs privés ont été les plus payants avec un bénéfice annuel d'environ 460 000 $, soit 16,9% de leurs revenus.

Les clubs publics se sont contentés d'un bénéfice annuel d'environ 277 000 $, soit 28,7% de leurs revenus.

Plusieurs facteurs influencent les résultats financiers des clubs de golf: l'offre, la demande... et les humeurs de Dame Nature.

«Tout le monde doit s'attendre à perdre entre 40 et 50 jours d'affaires sur 180 en raison de la pluie, dit Jacques Landry. Ils espèrent seulement que ce soit en début de semaine. Un samedi est deux fois plus payant qu'un mardi. Et quand il pleut, on perd souvent le lendemain en raison de l'état du terrain.»

L'industrie du golf admet ses torts: elle a vu trop grand en prévision de la retraite des baby boomers, qu'on voyait fréquenter les terrains de golf à tous les jours.

«Les propriétaires de terrains de golf pensaient que les retraités joueraient soudainement 75 rondes par année au lieu de 30 rondes, dit Charles Lorimer, directeur des ventes et du marketing de ClubLink. Or, les retraités ont trouvé d'autres façons d'occuper leur temps et de dépenser leur argent. Ils voyagent plus, ils passent une partie de l'été en Europe, etc.»

Un million de golfeurs au Québec

Les amateurs de golf qui s'expatrient en Floride et en Arizona avec leurs bâtons durant l'hiver seront surpris d'apprendre que le Québec compte plus de terrains de golf par personne que les États-Unis (un terrain par 21 000 Québécois contre un terrain par 25 000 Américains).

Selon l'Association des terrains de golf du Québec, le Québec ne manque pas non plus de golfeurs. Ils seraient plus d'un million, mais la moitié d'entre eux jouent moins de cinq parties par année.

Le même problème d'assiduité se pose aux États-Unis, où le nombre de mordus (au moins huit parties par année) s'est stabilisé entre 12 et 13 millions depuis plusieurs années. Ils sont responsables de 87% des revenus générés par les 28 millions de golfeurs américains.

«Le manque de temps est l'une des principales raisons qui font que les gens jouent moins au golf, dit Jim Klass, directeur de la recherche de la National Golf Fondation. C'est pourquoi on assiste à une hausse de la popularité des parcours de neuf trous comparativement aux parcours de 18 trous.»

Selon le Wall Street Journal, il y a eu davantage de fermetures que d'ouvertures de terrains de golf aux États-Unis l'an dernier, une première en 60 ans. Le bilan n'est guère plus reluisant dans la région de Montréal, qui a perdu trois parcours au cours des deux dernières années.