La liquidation de Ioukos, ex-fleuron de l'industrie pétrolière russe, est censée mettre un point final à "l'affaire Ioukos", perçue comme une opération politique contre le trop ambitieux Mikhaïl Khodorkovski mais qui était devenue encombrante pour le Kremlin.

La liquidation de Ioukos, ex-fleuron de l'industrie pétrolière russe, est censée mettre un point final à "l'affaire Ioukos", perçue comme une opération politique contre le trop ambitieux Mikhaïl Khodorkovski mais qui était devenue encombrante pour le Kremlin.

"Ils en ont fini avec Ioukos", titrait mercredi le quotidien Izvestia, au lendemain de la mise en liquidation judiciaire de l'ancien numéro un du pétrole russe, dernier acte d'une saga de trois ans.

Celle-ci avait débuté avec l'arrestation en octobre 2003 du PDG de Ioukos, MiKhaïl Khodorkovski, qui purge depuis une peine de huit ans de camp en Sibérie, officiellement pour fraude fiscale à grande échelle.

Pour Macha Lipman, politologue au Centre Carnegie de Moscou, comme pour de nombreux analystes, la liquidation ne se justifiait pas économiquement, Ioukos s'étant montré en mesure de rembourser ses dettes.

"Cela ne peut s'expliquer que par la volonté du Kremlin de clore enfin cette affaire, afin que le mot même de Ioukos n'existe plus", explique-t-elle à l'AFP.

"Depuis le début, c'est une affaire politique. Khodorkovski était considéré comme un opposant, un ennemi d'Etat, du fait qu'il proposait une autre vision de développement du pays", "ouverte aux valeurs occidentales", selon Mme Lipman.

Il a notamment été le premier en Russie à opter, dès 1999, pour un mode de gestion à l'occidentale, transparent, pour son entreprise.

Il a développé une organisation philanthropique, auteur de programmes de sensibilisation à la démocratie auprès des jeunes Russes.

Il finançait l'opposition et était en discussions directes avec les majors américaines ExxonMobil et Chevron.

Autant de faux pas trahissant des ambitions politiques selon le Kremlin, qui aurait ainsi décidé de faire d'une pierre deux coups : punir l'ambitieux et faire revenir ses juteux actifs pétroliers dans le giron de l'Etat.

Une politique qui s'est concrétisée depuis avec l'acquisition controversée fin 2004 de la principale filiale de Ioukos par le géant semi-public Rosneft.

Formellement, la suppression de Ioukos a été menée à bien, mais l'opération n'aura pas été sans désagréments pour Vladimir Poutine, dont l'image sur la scène internationale a pâti de l'affaire.

Des procédures judiciaires lancées par les actionnaires de Ioukos restent en cours, des Etats-Unis aux Pays-Bas, ainsi que devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

Si la télévision a fait l'impasse sur la liquidation, la presse ne s'est pas privée de souligner les contradictions du président Poutine, qui avait assuré en juin 2004 que la faillite de Ioukos n'était pas "dans l'intérêt des autorités russes, du gouvernement et de l'économie du pays".

"La Cour d'arbitrage de Moscou a (donc) agi hier contre les intérêts du pouvoir, du gouvernement et de l'économie de la Russie", conclut le quotidien Vremia Novosteï, ironisant sur une justice russe habituellement aux ordres.

"L'affaire Ioukos est évidemment très symbolique du développement politique actuel de la Russie", analyse Timofeï Bordatchev, rédacteur en chef adjoint de la revue "La Russie dans la politique globale", interrogé par l'AFP.

"Cela montre que l'Etat et la société russes sont encore dans une phase de transition. Dans des systèmes plus stables comme la France, les forces politiques ayant des positions divergentes ne sont pas obligées d'en venir à de telles méthodes extrêmes, d'élimination de l'adversaire. En Russie, les règles du jeu du dialogue politique ne sont pas encore établies", dit-il.

IOUKOS

dth/vl/az