Attribuer à la Bourse de Toronto de mauvaises intentions envers la place financière de Montréal est «complètement erroné et ridicule», selon son porte-parole.

Attribuer à la Bourse de Toronto de mauvaises intentions envers la place financière de Montréal est «complètement erroné et ridicule», selon son porte-parole.

«Prétendre que les dirigeants du Groupe TSX (qui gère la Bourse) ont un biais contre le Québec, ou ne veuille pas collaborer avec Montréal et le Québec, ce sont des allégations ridicules», selon Steve Kee, directeur des communications au TSX.

M. Kee a réagi jeudi aux propos de la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, qui affirme depuis deux jours dans les médias québécois qu'une entente sur la fusion des Bourses de Montréal et de Toronto, conclue au cours de l'été, aurait déraillé au conseil d'administration de TSX parce que certains de ses membres s'opposent à la venue de Montréalais à la haute direction des places boursières fusionnées.

Dans un reportage à Radio-Canada, la ministre Jérôme-Forget identifiait même le président du conseil de TSX, Wayne Fox, financier influent à Bay Street et un ex-vice-président du conseil de la Banque CIBC, comme l'un des principaux opposants à l'ascension de dirigeants de la Bourse de Montréal, dont son président Luc Bertrand, parmi les hauts dirigeants du TSX.

Selon une source montréalaise proche des négociations, les dirigeants de la Bourse de Montréal pensent que l'opposition torontoise à l'entente n'est pas venue en premier lieu de Wayne Fox, président du conseil d'administration du Groupe TSX.

«Au moins un des membres québécois du conseil d'administration du TSX était contre le deal», a dit la source.

Les trois Québécois au C.A. de la Bourse de Toronto sont Me Jean Martel, ancien président de la Commission des valeurs mobilières du Québec, Raymond Garneau, ancien ministre des Finances du Québec et ancien patron de l'Industrielle-Alliance (qui siège aussi au conseil de la Bourse de Montréal), et Tullio Cedraschi, PDG de la division des Investissements du Canadien National.

Selon cette source, MM. Fox et Bertrand s'étaient entendus durant l'été sur les contours généraux d'une fusion, qui a ensuite été raffinée et mise au niveau d'une entente de principe par Luc Bertrand et Richard Nesbitt, chef de la direction de Groupe TSX. M. Bertrand a tout de suite obtenu le feu vert de son conseil. Mais pas M. Nesbitt.

«Je pense que les Torontois craignaient que la fusion ait l'air d'un reverse take-over (prise de contrôle inversée) et ils sont revenus avec une contre-proposition stipulant que Nesbitt et Bertrand étaient cochefs de la direction. Et c'est là que tout le conseil d'administration de Montréal a dit non.»

Selon cette source, la perception, à Montréal, est que la fusion n'a pas achoppé sur des considérations financières ou opérationnelles.

«Il y avait des synergies considérables. Entre autres, Toronto magasine actuellement une plate-forme technologique parce qu'elle juge que celle de son parquet n'est pas à la hauteur. Avec celle de Montréal, à la fine pointe, la Bourse des actions torontoise aurait pu rouler sur les ordinateurs de Montréal.Il y a des égos, des perceptions et des personnalités qui ont fait dérailler le deal.»

Une telle fusion, faut-il rappeler, regrouperait dans une même entreprise boursière le marché des actions et celui des produits dérivés, au lieu de maintenir leur division actuelle entre Toronto et Montréal.

Selon la source montréalaise, le projet de fusion entre TSX et MX n'est pas nécessairement mort, mais les choses ont été compliquées par la sortie, très médiatisée dans les deux villes, de Mme Jérôme-Forget. Un feu que tentait d'éteindre hier le porte-parole de la Bourse de Toronto.

«Des sentiments négatifs envers le Québec de la part des dirigeants de TSX ne sauraient être plus éloignés de la réalité. Nous avons le plus grand respect pour les financiers de Montréal et du Québec», a soutenu Steve Kee, de TSX.

«De fait, notre vice-président des marchés boursiers (Richard Nadeau) est basé à Montréal. Nous y avons aussi notre centre d'appels national, ainsi que tous les services requis pour les entreprises québécoises cotées chez nous, au marché principal ou à celui de croissance.»

À Montréal, Luc Bertrand n'a pas voulu épiloguer sur les raisons qui ont mené à la rupture des pourparlers entre les deux Bourses. «Ce n'est pas nous qui avons suspendu les discussions», s'est-il borné à dire.

Parmi les financiers de Bay Street qui surveillent de près la situation entre TSX et la Bourse de Montréal, on déplorait hier la tournure du débat, ainsi que les propos de la ministre Jérôme-Forget.

«Ce débat boursier semble se politiser de plus en plus au Québec. Et que la ministre des Finances allègue des sentiments anti-Québec à Toronto, ce n'est pas vraiment constructif à ce moment-ci», a commenté Thomas Caldwell, président-fondateur de Caldwell Financial.

Cette société gère des fonds d'investissement qui détiennent des dizaines de millions de dollars en actions d'entreprises boursières, dont Montréal et TSX.

«L'avenir des Bourses canadiennes, ce n'est plus une question de concurrence entre Montréal et Toronto. Désormais, c'est le Canada face au reste de la planète boursière, en particulier nos voisins américains», a souligné M. Caldwell.

Jeudi, le titre du Groupe TSX a perdu 15 cents, à 47,63$. Celui de la Bourse de Montréal a pris 20 cents, à 34,19$.