Début 2002, le huard valait 63 cents américains. Aujourd'hui, il en vaut presque 94.

Début 2002, le huard valait 63 cents américains. Aujourd'hui, il en vaut presque 94.

À l'ancien taux de change, un réalisateur dont le budget était de 10 millions américains disposait de 16 millions canadiens. Cinq ans plus tard, sa cagnotte a fondu du tiers: 10.7 millions.

Les chiffres donnent des sueurs froides à Michel Trudel. Les productions américaines fournissent 40% de ses revenus.

«Si le dollar va trop haut, nous risquons d'avoir une baisse drastique dans les commandes. Des productions pourraient décider d'aller vers d'autres pays, où ils auraient une économie supplémentaire.»

Pour le moment, craint Michel Trudel, c'est le calme avant la tempête. Les tournages sont planifiés des mois, voire des années à l'avance. Les studios ne subiront les contrecoups de la hausse du dollar qu'à la fin de l'année, voire l'année prochaine.

L'an dernier, plusieurs tournages ont été annulés à la suite d'un conflit opposant deux associations représentant les travailleurs du cinéma. Résultat: les producteurs étrangers ont investi 99 millions dans les studios québécois, une chute de 62% par rapport à 2004-2005.

S'il poursuit sur sa lancée, c'est maintenant le huard qui pourrait effrayer les cinéastes. «Si le dollar atteint le même niveau que le dollar américain, c'est un avantage qu'on aura perdu, ça c'est clair», convient Hans Fraikin, commissaire du Bureau de cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).

Ailleurs au Canada, l'alarme est déjà donnée. Sept longs métrages étrangers sont en tournage à Toronto. À pareille date l'an dernier, il y en avait 14, le double. Pire, les studios de la capitale ontarienne subissent la grève de 21 000 membres de l'Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio.

«Comparée aux autres villes canadiennes, Montréal s'en tire très bien en ce moment, constate John Barrack, vice-président de l'Association canadienne de production de film et de la télévision (ACPFT). Plusieurs grosses productions étaient déjà planifiées depuis longtemps, souvent avant la montée du dollar.»

«En 2007, on a une meilleure année qu'en 2006», confirme le commissaire du Bureau du cinéma et de la télévision de Montréal, Daniel Bissonnette, qui s'attend à des retombées de 150 à 200 millions.

«Le dollar canadien, c'est un élément sur lequel on n'a aucune prise», dit-il. En revanche, la métropole possède des atouts de taille: des studios à la fine pointe de la technologie, l'architecture du Vieux-Montréal, unique en Amérique du Nord, et une main-d'oeuvre qualifiée.

Concurrence

Il n'y a pas que le taux de change qui donne la frousse aux studios canadiens. « Il y a de la compétition qui émerge partout dans le monde », fait remarquer Stéphane Bibeau, propriétaire de la compagnie Green Gate Films, à New York.

Plusieurs pays d'Europe de l'Est, le Mexique et des États américains offrent de généreuses subventions aux cinéastes étrangers. Et dans plusieurs cas, la main d'oeuvre est beaucoup moins chère.

M. Bibeau, un Québécois en exil, est en voie de conclure une entente avec le Fonds de solidarité FTQ et son partenaire, le producteur Ed Pressman, afin de tourner entre 10 et 12 longs métrages au Québec.

«La raison pour laquelle on vient ici, c'est parce que des joueurs québécois comme la FTQ sont disposés à participer au projet, dit-il. C'est fini le temps où les gens venaient seulement pour le dollar faible.»

Plan B: l'Europe

Mais avec la flambée qui continue, le BCTQ prépare un plan B : vendre l'expertise québécoise en Europe plutôt qu'à Hollywood. Le commissaire Hans Fraikin a rencontré plusieurs cinéastes lors d'un récent voyage. Plusieurs se seraient dits intéressés à tourner chez nous.

«Vis-à-vis l'euro, et surtout la livre, on est encore très compétitifs, indique-t-il. C'est pour cela que je suis allé au Festival de Cannes. On commence à regarder les marchés de l'Est.»