Au début du mois, le gouvernement du Québec a dévoilé son plan de soutien à l'industrie du vêtement et de la mode.

Au début du mois, le gouvernement du Québec a dévoilé son plan de soutien à l'industrie du vêtement et de la mode.

De l'argent -82 millions sur trois ans, dont 29 millions d'argent frais. Des objectifs précis et audacieux. Moins de bureaucratie.

La réaction de l'industrie? Discrète. Non pas que les entreprises de vêtements n'apprécient pas la stratégie du gouvernement Charest. Elles sont simplement trop occupées à suivre la montée du dollar canadien.

«C'est une bonne nouvelle que le gouvernement ait enfin compris et qu'il ait ciblé les bons critères, dit Agar Grinberg, directrice générale de Vêtement Québec, une association de 200 fabricants. Mais notre plus grand problème reste la force du dollar canadien.»

«La flambée du huard a annulé notre seul grand avantage: notre proximité du marché américain. Actuellement, une partie de nos entreprises vendent même à perte sur le marché américain en raison du taux de change.»

Les entreprises apprécient néanmoins le coup de pouce de Québec en ces temps difficiles.

«Le programme a l'air intéressant, dit Normand Rossi, président d'Arianne, fabricant de lingerie et de prêts-à-porter féminins situé à Montréal. Nous dépensons beaucoup d'argent pour faire la promotion de nos produits à l'étranger. Chaque salon de ventes coûte entre 25 000$ et 50 000$. Nous en faisons 10 par année, et nous aimerions en faire plus si le gouvernement pouvait nous aider un peu.»

Dans sa nouvelle politique, Québec prévoit justement 15 millions pour encourager les exportations et 3 millions pour faire la promotion de Montréal comme ville de mode.

«C'est nouveau et ça risque de surprendre un peu, prévient Raymond Bachand, ministre québécois du Développement économique. Mais dans l'industrie de la mode, les villes sont le branding des entreprises. Pensez à New York, Paris et Milan. C'est pourquoi nous avons voulu mettre de l'argent pour améliorer la notoriété des designers à Montréal.»

Le ministre Bachand ne s'en cache pas: sa stratégie ne ramènera pas les 24 900 emplois perdus dans l'industrie du vêtement au Québec depuis 2000. Elle vise plutôt à sauver les emplois qui restent.

«Il y a eu une hémorragie au sein de l'industrie et nous avons perdu la partie sans valeur ajoutée», dit-il.

«Maintenant, il faut développer des niches dans les secteurs à valeur ajoutée. Nous ne fabriquerons pas de t-shirts à 1$ à Montréal, mais nous pouvons en faire le design. Si nous sommes capables d'avoir des milliers d'emplois de designers, de créateurs, dans le marketing et la commercialisation même si nous n'avons pas 100% des emplois en manufacture, je vais être content car ce sera de bons emplois pour nos jeunes. De toute façon, nous ne pouvons pas soutenir un modèle d'affaires où 100% de la fabrication est faite au Québec. C'est un modèle d'affaires pour mourir», affirme le ministre.

Les entreprises québécoises ont une autre raison de se réjouir de l'annonce de Québec: l'aide du gouvernement fédéral est beaucoup plus modeste. Depuis 2004, Ottawa a investi 40 millions afin d'aider l'industrie du vêtement.

La majorité des fonds a permis aux entreprises d'acquérir de machinerie. Le programme fédéral est jugé nettement insuffisant par l'industrie.

«Ottawa nous a dit de profiter de la hausse du dollar pour acheter de la machinerie, mais avec quel argent? C'est une réponse à la va-vite parce que le gouvernement n'a pas de véritable réponse», dit Agar Grinberg, de Vêtement Québec.

Le plan de soutien du gouvernement Charest soulève aussi quelques critiques. Le milieu syndicat aurait préféré des mesures d'aide directes aux travailleurs.

«Ce sont des mesures intéressantes pour les entreprises, pas pour les travailleurs, dit Thao Dao, directrice des communications du Conseil du Québec, un syndicat représentant 5000 travailleurs. Ça n'empêchera pas les importations de la Chine. Nous voulons que le gouvernement instaure de nouveau des mesures qui permettent aux travailleurs âgés de recevoir des prestations entre la date de leur licenciement et le début de leur retraite. À 55 ans, ce n'est pas facile de se replacer quand on a travaillé toute notre vie dans le vêtement.»

Le professeur d'économie Christopher Ragan est aussi sceptique.

«Tant mieux si l'argent sert à transformer l'industrie et lui permet de se concentrer sur les produits à valeur ajoutée, mais ces programmes gouvernementaux sont souvent plus politiques qu'économiques», dit le professeur de l'Université McGill.

La remarque agace le ministre Bachand. «Moi, je fais de l'économie, dit-il. Le vêtement est une industrie difficile mais il y a moyen de garder une base manufacturière spécialisée au Québec. Il reste quand même 28 100 emplois au Québec. Nous allons nous battre en compagnie des gens de l'industrie. Nous n'allons certainement pas lancer la serviette!»