R: Nous payons entre 85 et 90$US par mois. Normalement, ils travaillent de huit à neuf heures par jour.

Vous ne connaissez pas son nom. Mais, si vous baissez la tête et regardez vos pieds, il y a de fortes chances que les espadrilles que vous portez aient été fabriqués par elle.

Son nom: Yue Yuen.

Ses clients: Nike, Adidas, Reebok et quelques autres.

Nombre de paires de chaussures fabriquées: 200 millions par année, ce qui en fait le plus important fabricant de chaussures de sport au monde.

Yue Yuen emploie 100 000 personnes au Vietnam. Mais son siège social est à Hong Kong.

C'est là que le directeur des relations avec les investisseurs de Yue Yuen International Holdings, Terry Ip, a reçu La Presse Affaires pour discuter de ses installations vietnamiennes. Voici un condensé de cet entretien.

Q: La Presse Affaires: Yue Yuen a été une des premières entreprises étrangères à débarquer au Vietnam en 1985. Qu'est-ce qui vous y a poussé?

R: Terry Ip: Tout d'abord, nous voulions diversifier notre risque par pays. Si vous regardez nos clients, Nike ou Adidas, ils ne mettent pas habituellement toutes leurs usines de fabrication dans le même pays. Aussi, il y avait la question des coûts de main-d'oeuvre. Au Vietnam, ils sont beaucoup plus bas qu'ailleurs.

Q: Plus bas... de combien?

R: Je ne sais pas quelle était la différence en 1985. Mais maintenant, on parle d'un écart d'environ 30% avec la Chine pour la main-d'oeuvre. Mais il y a d'autres coûts qui sont plus élevés qu'en Chine, comme le matériel qui nous sert à fabriquer les espadrilles. Les infrastructures - comme les routes et les ports - sont aussi moins bonnes, ce qui hausse nos coûts.

Q: En termes clairs, combien gagne un travail d'usine vietnamien qui travaille pour vous?

R: Nous payons entre 85 et 90$US par mois. Normalement, ils travaillent de huit à neuf heures par jour.

Nous sentons une pression à la hausse sur les salaires. L'an dernier, le gouvernement a augmenté le salaire minimum de 35%. Comme on paie plus que le minimum, on a eu une augmentation d'environ 10%.

Q: Comment cette pression se manifeste-t-elle?

R: De temps à autre, il y a des grèves. Dans la plupart des usines, il y a des troubles (labor unrest). Donc, on n'est pas seul. Mais ce n'est pas comme au Canada. Les grèves durent habituellement une couple de jours et les travailleurs rentrent.

Q: Ces grèves ne vous empêchent pas d'y augmenter votre production...

R: Chaque année, nous l'augmentons de 10% à 15% au Vietnam. Et la raison, bien... vous êtes allé au Vietnam, vous avez vu que l'économie boomait. Aussi, en Chine (où Yue Yuen emploie 170 000 personnes contre 100 000 au Vietnam), les coûts augmentent. Au Vietnam, c'est encore raisonnable.

Q: Après 22 ans au Vietnam, quel pays surveillez-vous actuellement?

R: L'an dernier, une de nos équipes est allée faire des recherches dans le sous-continent indien. Au Bangladesh, les coûts de main-d'oeuvre ont beau être très bas, c'est politiquement instable. Le Pakistan ne fait pas partie de notre stratégie non plus. L'Inde pourrait être un bon choix, mais nous ne sommes pas pressés de prendre une décision. On croit pouvoir agrandir nos installations au Vietnam, en Chine et en Indonésie avant d'aller en Inde.

Une chose est très importante pour nous: le travail des femmes. En Inde, pour une femme qui travaille, il y a encore des barrières culturelles dans certaines villes. Au Vietnam, environ 70% de nos travailleurs sont des femmes.

La trinité au pouvoirLa structure politique du Vietnam a ceci de particulier: ils sont trois hauts dirigeants à partager le pouvoir. Il y a le président, Nguyen Minh Triet; le premier ministre, Nguyen Tan Dung, et le secrétaire général du Parti communiste, Nong Duc Manh. Il est difficile de dire exactement qui fait quoi. Comme le fait remarquer un observateur politique, on ne peut que spéculer, la structure étant assez opaque.

Des dissidents en prisonLe Parti communiste vietnamien n'aime pas les dissidents. Ces derniers mois, des arrestations et condamnations de dissidents, accusés de diffamation et de propagande contre le régime communiste, ont suscité de nombreuses critiques des États-Unis et de l'Union européenne. Combien d'arrestations? "Les procès dont on entend parler, ce n'est pas plus d'une vingtaine, de dire l'ambassadeur canadien à Hanoi, Gabriel-M. Lessard. Ce n'est pas un grand nombre, mais c'est un nombre qui fait beaucoup parler."

Robuste, le caféOubliez le cueilleur de café colombien Juan Valdez. Il faut maintenant parler de Tuan Nguyen. Le Vietnam est devenu, sans tambour ni trompette, le plus grand producteur de café Robusta au monde et le deuxième, toutes catégories confondues, après le Brésil. Pour les sept premiers mois de l'année, le Vietnam a exporté quelque 893 000 tonnes de café, d'une valeur de 1,3 milliards US.