Les initiatives de microcrédit, sur le modèle de la Grameen Bank au Bangladesh qui a reçu vendredi le Prix Nobel de la Paix, se multiplient dans le monde, avec en filigrane la promotion d'un nouveau modèle de développement durable.

Les initiatives de microcrédit, sur le modèle de la Grameen Bank au Bangladesh qui a reçu vendredi le Prix Nobel de la Paix, se multiplient dans le monde, avec en filigrane la promotion d'un nouveau modèle de développement durable.

En une décennie, les "banquiers aux pieds nus" ou les "banquiers des pauvres", comme ils sont surnommés, se sont imposés auprès des organisations internationales - Onu ou Banque Mondiale notamment -, des organisations non gouvernementales et des pouvoirs publics, comme une des solutions à l'extrême pauvreté du sud, mais aussi dans les pays industrialisés.

La microfinance fait référence à tous les programmes de services financiers qui offrent des crédits aux personnes en situation d'extrême pauvreté pour leur permettre un travail autonome.

Selon le rapport 2005 de "l'Etat de la campagne du sommet du microcrédit" soutenu par plusieurs organisations internationales, gouvernements et ONG, au 31 décembre 2004, 3.164 institutions de microcrédit desservaient près de 100 millions de clients dans le monde, dont 66,6 millions faisaient partie des plus pauvres lorsqu'ils ont souscrit leur premier emprunt. Un prêt peut être de 15 euros seulement.

Par extension, en estimant qu'il y a en moyenne cinq personnes par famille, ces clients ont permis de soutenir plus de 300 millions de personnes dans le monde, soit l'équivalent de la population de la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suisse et la Norvège réunis, souligne le rapport.

De sa création en 1976 à juillet 2005, la Grameen Bank a déboursé 4,95 millions de dollars pour 5 millions d'emprunteurs, parmi lesquels 95% étaient des femmes.

Derrière les statistiques se cachent des visages et des histoires individuelles, comme celle de Janet Deval, cliente de Fonkoze (institution de microcrédit en Haïti), citée dans le rapport.

"Je travaille dur au marché pour pouvoir rembourser mes emprunts, me rendre à l'école et permettre à mes enfants d'avoir aussi cette opportunité", explique Mme Deval qui a reçu plusieurs crédits lui permettant d'apprendre à lire et écrire et ainsi mieux gagner sa vie sur le marché où elle travaille.

Certains remettent néanmoins en cause aujourd'hui l'efficacité du modèle, en faisant valoir, comme l'ancien PDG de Microsoft et mécène Bill Gates, que les pays du sud doivent d'abord résoudre leurs problèmes d'infrastructures lourdes, portant notamment sur l'accès à l'eau et à la santé.

Par ailleurs, le niveau de remboursement des prêts se révèle meilleur que pour des prêts conventionnels, malgré parfois des taux d'intérêts relativement élevés.

Selon Jean-Michel Servet, professeur d'économie du développement à Genève, et auteur de l'ouvrage "Banquiers aux pieds nus" paru en 2006, le microcrédit peut être une solution aux problèmes de gaspillage de l'aide internationale, voire à son détournement, mais il est encore trop tôt pour attribuer aux seules vertus de la microfinance l'amélioration des conditions de vies constatées ici et là, ainsi que son rôle dans l'émancipation des femmes.

Il constitue néanmoins un outil efficace dans la lutte contre l'exclusion bancaire, la création de nouvelles solidarités et le développement local.

im/vdr/ale