La chaîne américaine de cafés Starbucks (SBUX), qui semble traverser une crise existentielle après un mémo très médiatisé de son fondateur, a tenté cette semaine de rassurer ses actionnaires en défendant une stratégie de croissance agressive.

La chaîne américaine de cafés Starbucks [[|ticker sym='SBUX'|]], qui semble traverser une crise existentielle après un mémo très médiatisé de son fondateur, a tenté cette semaine de rassurer ses actionnaires en défendant une stratégie de croissance agressive.

Howard Schultz, emblématique patron de la marque au logo de sirène, l'a répété mercredi lors de l'assemblée générale annuelle du groupe: Starbucks vise l'ouverture d'au moins 10 000 magasins dans le monde d'ici quatre ans, et de 40 000 cafés à long terme. Soit plus que McDonald's actuellement.

C'est le même homme qui avait pourtant fait naître les spéculations autour d'un possible ralentissement de la croissance du groupe, inquiété Wall Street, et contribué à faire reculer l'action de 8% en dix jours.

Les doutes sont partis d'un mémo rédigé à la mi-février, dans lequel il prévenait que pour avoir grossi trop vite, Starbucks pourrait avoir perdu son âme.

Risque de «dilution» de l'expérience Starbucks, de la «banalisation de la marque», d'une perte de «la romance et du théâtre»: Howard Schultz semblait mesurer dans ce mémo interne la rançon de son propre succès.

Car en moins de vingt ans, c'est lui qui a érigé la petite chaîne de Seattle, qui comptait six cafés en 1987, en leader mondial du secteur, avec aujourd'hui 13 000 magasins répartis dans 38 pays.

Ce qui semble inquiéter M. Schultz, c'est la direction prise par son entreprise au nom du besoin de croissance.

Pour gagner en productivité, les machines à café automatiques sont devenues légion, ôtant au consommateur le «message visuel» du serveur confectionnant l'espresso à la main, regrette le PDG dans texte.

De même, les boutiques se sont uniformisées, et «n'ont plus l'âme du passé». Le café est vendu déjà emballé et non plus torréfié sur place, d'où «la perte de l'arôme, qui était peut-être le signe non verbal le plus puissant que nous avions dans nos magasins», avait déploré le patron du groupe.

Starbucks est ainsi régulièrement comparé au symbole de la mondialisation McDonald's, et déchaîne les critiques des altermondialistes sur le site www.ihatestarbucks.com.

Il a même récemment endossé l'image d'un géant, spolieur de l'intérêt des petits producteurs, le gouvernement éthiopien l'accusant de refuser à ses agriculteurs un accord sur la propriété de certaines marques de café.

Mais il est aussi confronté à la concurrence de chaînes de restauration rapide comme McDonald's ou Dunkin' Donuts, qui empiètent sur son terrain en se mettant à vendre du café «haut de gamme».

Se recentrer sur ses «valeurs» et sur l'atmosphère artisanale de ses débuts pour conserver ses clients, ou miser sur une croissance au pas de charge pour attirer les investisseurs ? Starbucks semble aujourd'hui confronté à un cruel dilemme.

«Ses décisions sont aussi rendues difficiles par le fait qu'il a pénétré un marché de masse», analyse Bryant Simon, professeur d'histoire à l'université Temple de Philadelphie, qui est en train d'écrire un livre sur le groupe, Consuming Starbucks (Consommer Starbucks).

«Certains clients veulent juste une bonne tasse de café qui leur soit servie rapidement, tandis que d'autres sont d'abord attirés par le confort du lieu. Tous les intérêts ne sont pas forcément conciliables», poursuit-il.

«Les marchés se sont émus de voir M. Schultz très préoccupé par l'idée de protéger la marque Starbucks, mais c'est l'inverse qui serait inquiétant, s'il semblait ne pas y prêter attention», relativise de son côté John Owens, analyste de Morningstar.

Lors de l'assemblée générale du groupe, Howard Schultz a jugé bon de s'excuser auprès de ses actionnaires, parce que pour la première fois de son histoire, le cours de l'action n'avait pas progressé par rapport à l'année précédente.

En quatorze ans, l'action Starbucks a tout de même pris quelque 6000%, soit «l'un des plus beaux parcours boursiers de la cote», selon M. Owens.