Ceux qui connaissent Daniel Gauthier le décrivent à la fois comme un «homme d'affaires aguerri » et un «rêveur visionnaire».

Ceux qui connaissent Daniel Gauthier le décrivent à la fois comme un «homme d'affaires aguerri » et un «rêveur visionnaire».

Mais le 1er février dernier, M. Gauthier - cofondateur du Cirque du Soleil, amoureux de Charlevoix et propriétaire de la station de ski du Massif de Petite-Rivière-Saint-François - avoue bien humblement avoir eu «ben de la misère à se concentrer sur quoi que ce soit».

Ce soir-là, les employés syndiqués du Groupe Le Massif votaient sur une convention collective qui les embarquerait pour au moins six ans dans la réalisation des rêves de leur patron. Leur adhésion était la dernière condition que Daniel Gauthier s'était fixé pour aller de l'avant.

Les employés il faut dire que la pression était forte ont donné leur appui à 86 %. Après plus de trois ans de discussions, avec un an de retard sur l'échéancier initial, Territoire Le Massif passait du mode conception au mode réalisation.

Daniel Gauthier avait énoncé six conditions pour investir son argent et ses énergies dans son projet. C'était en janvier 2005.

«On pensait régler ça en six mois, 12 au pire», confie-t-il. Il lui aura fallu plus de deux ans assez pour lui faire manquer de belles occasions d'affaires autour des célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec, en 2008.

Ses exigences:

1. L'adhésion de la communauté

Pas question d'imposer un projet aux élus, aux commerçants et aux citoyens de Charlevoix. À l'automne 2003, Daniel Gauthier a réuni les intervenants pour leur demander ce qu'ils aimeraient voir autour de la station du ski du Massif de Petite-Rivière-Saint-François et ce qu'ils ne voulaient pas voir.

«Tremblant, entre autres, est sorti, raconte M. Gauthier. Les gens ont dit : on ne veut pas une grosse affaire, on veut quelque chose qui tienne compte des sensibilités de la région.»

Il a construit son projet autour de leurs préoccupations, et a réussi à rallier la grande majorité de la communauté. Reste-t-il des inquiétudes?

«Oui, il y en a, on ne s'en cachera pas, dit Jean Fortin, le maire de Baie-Saint-Paul. Les évaluations, par exemple, ont déjà commencé à grimper. C'est sûr que les comptes de taxes risquent de bouger. Certains commerçants ont peur que le centre-ville soit drainé au profit des équipements de M. Gauthier.»

Mais pour lui, comme pour plusieurs, les promesses de retombées du projet l'ont emporté sur les inquiétudes. Le principal intéressé, toutefois, sait bien qu'il a peut-être gagné la bataille, mais pas la guerre.

«Le consensus, une fois qu'on l'a obtenu, ça ne veut dire qu'une chose : qu'il faut continuer à travailler pour le garder.»

2. Tout ou rien

Une fois le projet défini, M. Gauthier et son équipe ont dû se battre pour en conserver tous les morceaux. Pour eux, Territoire Le Massif était un tout impossible à concevoir s'il n'était pris dans son ensemble.

Pendant les négociations avec les gouvernements, par exemple, l'idée de laisser tomber le train entre Québec et La Malbaie a été mise sur la table.

«J'ai dit: on coupe là-dedans, et il n'y a plus de projet, dit M. Gauthier. Mon discours, depuis le début, ça a été: on le fait où on ne le fait pas. Mais on ne le fait pas qu'à moitié.»

3. Convaincre les gouvernements

M. Gauthier est allé cogner à la porte des gouvernements provincial et fédéral avec un objectif en tête : obtenir 75 millions de dollars de fonds publics. Il a fallu négocier fort, réaligner les choses, rebrasser les chiffres. Il a obtenu 60 millions - 26 d'Ottawa, 34 de Québec.

4. La participation des municipalités

La contribution des gouvernements servira en grande partie à construire les infrastructures nécessaires à l'implantation du projet : les routes, les égouts, les aqueducs.

«On a dit aux municipalités: on va payer pour ça et on va travailler avec vous, mais après, vous ramassez les équipements et vous les gérez. «Baie-Saint-Paul et Petite-Rivière-Saint-François ont dit oui.

5. La protection du territoire

En investissant dans Charlevoix, le Groupe Le Massif voulait à tout prix éviter une chose: être l'étincelle qui déclencherait un développement effréné de la région et la défigurerait à jamais. Il a donc demandé aux deux municipalités concernées de se doter de plans d'aménagement et de règlements pour encadrer les développements futurs.

«On sait très bien qu'un projet de cette taille va attirer plein de monde. On était convaincu de la qualité de ce qu'on faisait, et on voulait s'assurer que ça se fasse dans un environnement de qualité ne serait-ce que pour s'assurer que nos investissements gardent leur valeur», explique M. Gauthier.

6. L'adhésion du personnel

Daniel Gauthier voulait éviter de se retrouver sous la tension d'une négociation pendant la durée des travaux.

Il a donc demandé aux quelque 300 employés du Massif de rouvrir la leur qui n'était pas échue pour en signer une nouvelle.

Ce ne fut pas facile. Le promoteur avait plusieurs exigences que les employés puissent cumuler plusieurs tâches différentes, par exemple, ou qu'ils suivent des formations pour servir la clientèle en anglais.

Les négociations se sont prolongées au point où les cinq autres conditions ont été remplies avant la signature d'une convention. La direction a fixé une date butoir en demandant à ses employés de choisir. Ils se sont retrouvés avec toute la pression du projet sur les épaules et on finalement donné leur appui à 86 %.

Jean Lortie, président de la Fédération du commerce de la CSN, s'est toutefois montré satisfait de l'issue des négociations. Malgré la pression du milieu, les augmentations de salaires de 20 % sur six ans montrent que les employés n'ont pas accepté une «entente au rabais», soutient-il.

Le projet en bref

Quoi?

- 230 millions d'investissements,

- 170 millions (74 %) de la poche de Daniel Gauthier

- 34 millions (15 %) du gouvernement provincial

- 26 millions (11 %) du fédéral

- 400 unités d'hébergement

- 125 activités offertes

Quand?

Échéance: 2013, avec ouverture partielle dès l'hiver 2007-2008.

Qui?

Daniel Gauthier, cofondateur du Cirque du Soleil, entouré d'une équipe tricotée serré de quatre autres complices.

Impacts?

Création prévue de 600 emplois permanents d'ici 2013 dans la région de Charlevoix, en plus de 350 par année pendant les quatre ans de construction.