Bombardier (T.BBD.B) est dans l'impasse en Russie, où le gouvernement refuse pour l'instant de laisser voler six CRJ900 achetés par le transporteur Tatarstan Airlines.

Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] est dans l'impasse en Russie, où le gouvernement refuse pour l'instant de laisser voler six CRJ900 achetés par le transporteur Tatarstan Airlines.

L'affaire est hautement politique, affirment plusieurs sources au coeur du dossier.

L'avionneur russe Sukhoi met la touche finale à son Superjet - un avion régional qui viendra se mesurer au CRJ900 -, et les autorités tenteraient de bloquer la concurrence étrangère en attendant que l'appareil soit prêt à desservir le marché local, disent-ils.

«La Russie avait une forte industrie aérospatiale dans le passé, elle essaie de la redévelopper et c'est une priorité pour le pays, alors elle bloque la concurrence», a lancé Mark S. Gilbert, directeur des ventes et du développement des affaires en Russie pour Bombardier Aéronautique, rencontré par La Presse Affaires à Moscou.

L'enjeu est de taille pour Bombardier. Le contrat avec Tatarstan Airlines, annoncé en mai dernier, est évalué à 217 M$ US. Et le groupe russe s'est gardé une option pour quatre appareils supplémentaires, ce qui porterait la commande totale à 10 avions.

Le transporteur de Kazan, au centre-ouest de la Russie, est impatient de recevoir ses CRJ900. Mais il baigne dans l'incertitude.

«Nous ne savons pas quand nous pourrons les utiliser, et personne n'a idée du moment où nous recevrons les certificats de navigabilité; c'est une question politique», a déploré Natalia Yashina, chef du département commercial de Tatarstan Airlines.

L'entreprise est visiblement déçue de la tournure des événements, d'autant plus que tous ses pilotes ont déjà été formés pour manoeuvrer les avions québécois.

«Tout ça est très triste», a dit Mme Yashina.

Au bureau de Bombardier à Moscou, le dossier de Tatarstan Airlines est l'un des plus «prioritaires», a souligné Marc Duchesne, porte-parole de la division aéronautique.

«J'étais au Maks Airshow (à Moscou il y a deux semaines), et d'après ce que je comprends, les discussions vont bon train mais il n'y a pas eu de déblocage digne de mention», a-t-il dit.

«Le dossier est toujours en train d'être joué entre Bombardier Aéronautique, Tatarstan Airlines et bien sûr les différents paliers politiques en Russie et au Canada, et le verdict n'est pas encore connu», a ajouté Marc Duchesne, joint à son bureau de Montréal.

Tatarstan Airlines a déjà pris possession de deux CRJ900. La société les loue à un transporteur des Émirats Arabes Unis en attendant de savoir si le gouvernement émettra les certificats de navigabilité qui permettraient aux appareils de voler en Russie.

Le CRJ900 est déjà en activité en Amérique du Nord et dans plusieurs pays d'Europe. Plus de 180 exemplaires du biréacteur sont présentement en commande ou en service auprès de Delta Airlines, Lufthansa CityLine, Myair.com, Northwest Airlines et SkyWest Airlines, entre autres compagnies aériennes.

Frustration

La frustration est palpable dans ce dossier, tant chez Bombardier que chez l'acheteur. Selon Mark S. Gilbert, le gouvernement russe n'a fourni aucune justification pour expliquer les problèmes de certification de l'appareil.

Le CRJ200 de Bombardier et certains avions de la série Q sont déjà certifiés en Russie et volent sans encombre. D'après M. Gilbert, le problème avec les CRJ900 est qu'il s'agit d'appareils plus gros, «qui vont entrer en compétition avec les avions présentement développés en Russie».

Du côté des avions d'affaires (qui comptent en moyenne une douzaine de places), les choses vont très bien pour Bombardier en Russie, notamment avec son Global Express.

Et elles pourraient aller encore mieux, grâce à la décision récente de Moscou de faire passer de 20% à 10% les tarifs douaniers sur les avions d'affaires de 15 à 20 tonnes métriques.

Danielle Boudreau, porte-parole de Bombardier Avions d'affaires, a pris connaissance de cette décision dans un article récent de l'agence de presse russe RIA Novosti. Elle attend de voir la suite des choses.

«C'est certain qui si le tarif est réduit, on va avoir des clients qui vont en bénéficier, ça ne peut pas nous faire de tort, a dit Mme Boudreau à La Presse Affaires. On est déjà bien établi dans le marché russe, alors c'est certain que n'importe quelle bonne nouvelle, c'est bon pour nos clients.»

Des réductions tarifaires touchant d'autres types d'appareils seraient envisagées par le gouvernement russe, selon RIA Novosti.

LE RETOUR DU GÉANT ROUGE

La Russie connaît un boom économique sans précédent, lemarché du luxe explose, l'immobilier aussi, la classe moyenne se développe à vive allure,mais les inégalités et la corruption demeurent criantes.

Un grand reportage de Maxime Bergeron à lire vendredi et samedi, dans La Presse Affaires