Vincent Lacroix n'entend pas tomber seul. Dans sa chute, le financier déchu montre du doigt d'anciens complices, un ancien enquêteur de la CVMQ et un fonctionnaire du gouvernement du Québec. Qui croire?

Vincent Lacroix n'entend pas tomber seul. Dans sa chute, le financier déchu montre du doigt d'anciens complices, un ancien enquêteur de la CVMQ et un fonctionnaire du gouvernement du Québec. Qui croire?

Pensant faciliter l'approbation des fonds mutuels Norbourg par la Commission des valeurs mobilières du Québec, Vincent Lacroix affirme avoir versé deux pots-de-vin totalisant 10 000 $ chacun en mars 2001 à un enquêteur de la CVMQ, Éric Asselin, en échange de son «support à l'interne».

M. Asselin a catégoriquement nié ces allégations mercredi, lors d'une conférence de presse à Montréal. «C'est complètement faux. Allez, qu'il en fasse la preuve. Et il n'en a pas de preuve, parce que ce n'est jamais arrivé», a ajouté M. Asselin en entrevue téléphonique à La Presse Affaires.

M. Lacroix raconte que ses premiers contacts avec M. Asselin ont eu lieu en février 2001 dans le cadre d'une enquête de la CVMQ concernant la maison de courtage Maxima, que M. Lacroix voulait acheter.

M. Lacroix dit avoir appris de M. Asselin que la CVMQ voyait avec étonnement et suspicion son intérêt pour Maxima (qui a fini par fermer plus tard en 2001 après ses démêlés avec la CVMQ).

M. Lacroix raconte s'être rendu plusieurs fois à la CVMQ, en vain, dans l'espoir de vaincre le scepticisme du grand patron des enquêtes et du contentieux, Me Jean Laurin, du chef des enquêtes, Jeannot Montminy, de même que de l'enquêteur Asselin.

À la même période, M. Lacroix tentait aussi de faire approuver par la CVMQ ses six fonds communs Norbourg. En mars 2001, M. Lacroix a croisé M. Asselin et l'a invité à manger avec lui.

«Et c'est à ce moment-là que j'ai appris vraiment la pensée de M. Laurin» (le grand patron des enquêteurs), affirme M. Lacroix. «Puis (M. Asselin) m'a confirmé que (le dossier Maxima) nuisait énormément à Norbourg pour l'approbation des fonds communs.»

«À un moment donné, M. Asselin m'a parlé, il m'a dit: Écoute, je peux t'aider du côté des fonds mutuels. Du côté de Maxima, on verra.»

Juste avant de partir pour des vacances, vers le 20 mars, M. Lacroix a rencontré M. Asselin deux fois et lui a demandé «de nous aider du côté des fonds mutuels ».

«On peut le prendre comme on veut, je vais le décrire ainsi mon ticket à l'entrée ou pour avoir un support à l'interne, M. Asselin m'a demandé 10 000 $ cash. Je lui ai dit, j'ai dit: Écoute, je pars à Cuba puis je vais te donner 5000 avant (et) 5000 après, en revenant, s'ils sont approuvés, puis en revenant, je verrai ce qu'on fait du côté Maxima.»

M. Lacroix affirme avoir versé 5000 $ à M. Asselin le jeudi soir précédant ses vacances. Les fonds ont été approuvés par la CVMQ durant les vacances cubaines de M. Lacroix. «Et lorsque je suis revenu, j'ai donné le restant du montant à M. Asselin» (en avril), qui a alors dit: Écoute, pour les fonds, ça fonctionne. Pour Maxima Capital, on peut rien y faire», affirme M. Lacroix.

L'histoire n'explique pas comment M. Asselin, un enquêteur, a pu influencer le dossier de l'approbation des fonds Norbourg, qui relevait d'un autre département.

Par ailleurs, il faut noter que M. Lacroix n'a aucune raison d'aimer M. Asselin, qui, malgré ses travers amplement documentés, demeure celui qui l'a dénoncé à la GRC. Les deux hommes admettent être des faussaires et avoir induit la CVMQ en erreur de 2002 à 2005.

Courage aux jurés qui, peut-être un jour, auront la tâche de décider qui des deux dit vrai.

«Je ne sais pas s'il a dit toute la vérité et rien que la vérité», a dit mercredi l'avocat Denis Saint-Onge du bureau Gowlings, qui a mené l'interrogatoire de Vincent Lacroix. «mais je crois qu'on en sait beaucoup plus qu'avant».

Le syndic Gilles Robillard, qui a documenté la comptabilité de Norbourg, estime pour sa part que MM. Lacroix et Asselin ont un degré de responsabilité égal: «Si ce n'était pas de la participation active de M. Asselin dans la fabrication de documents, Norbourg n'aurait pas passé à travers l'inspection que la CVMQ y a fait en 2002. M. Lacroix aurait été démasqué et les pertes auraient été de quelques dizaines de millions.»

Me Saint-Onge ajoute: «M. Lacroix est intelligent, mais il n'avait pas les connaissances intimes de la CVMQ qu'apportait M. Asselin, à titre d'enquêteur.»

Plus loin, M. Lacroix poursuit en affirmant que M. Asselin a pu l'informer environ six semaines à l'avance d'une inspection dont il a eu l'avis officiel de la CVMQ à l'automne 2002, et ce grâce à ses contacts à l'interne.

À l'Autorité des marchés financiers, qui a remplacé la CVMQ, on a indiqué qu'on ne ferait aucun commentaire pour l'instant: «Mais nous rappelons que toutes ces allégations émanent de M. Lacroix, la même personne qui est poursuivie par diverses instances.»

M. Lacroix fait l'objet d'au moins deux recours au civil et fait l'objet de 55 chefs d'accusation au pénal déposés par l'AMF.