Des maisons flottantes. Une piste de luge panoramique de 10 kilomètres. Un train, des gares, un marché public, des bateaux taxis.

Des maisons flottantes. Une piste de luge panoramique de 10 kilomètres. Un train, des gares, un marché public, des bateaux taxis.

Daniel Gauthier, l'ancien du Cirque du Soleil, a mis deux ans pour embarquer tout le monde dans son bateau. À coups de millions, il s'apprête maintenant à transformer Charlevoix.

Au début des années 1980, pendant trois étés consécutifs, la petite ville de Baie-Saint-Paul a vibré au rythme d'un festival devenu aujourd'hui presque mythique: la fête foraine.

Daniel Gauthier s'en souvient avec nostalgie. C'est là, dans Charlevoix, qu'il a rencontré celle qui deviendrait sa femme. Et c'est là, avec un certain Guy Laliberté, qu'il a jeté les bases d'une troupe qui allait finir par conquérir la planète: le Cirque du Soleil.

Plus de vingt ans plus tard, c'est un peu l'inverse que M. Gauthier s'est mis en tête d'accomplir: amener les gens du monde entier dans son coin de pays préféré.

Pendant deux ans, il a patiemment convaincu les élus, la communauté et ses employés de le suivre dans ce projet teinté de la folie du cirque, mais aussi de la lucidité du développement durable.

C'est 230 millions de dollars qu'il s'apprête maintenant à injecter pour transformer 20 kilomètres de littoral et 120 kilomètres carrés de montagne en vaste terrain de jeu quatre saisons.

Nom de travail: Territoire Le Massif.

Selon Michel Archambault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l'UQAM, il s'agit tout simplement du «plus important projet touristique actuellement planifié au Canada», si on exclut les préparatifs entourant la venue des jeux olympiques à Vancouver en 2010.

Entre le village de Petite-Rivière-Saint-François et la ville de Baie-Saint-Paul, les choses risquent donc de bouger beaucoup au cours des prochaines années. Il y aura d'abord la réhabilitation de la voie ferrée qui relie Québec à La Malbaie.

Des trains y transportent actuellement des marchandises; les rails seront refaits pour pouvoir y véhiculer des visiteurs qu'on espère venus de partout sur un parcours de 137 kilomètres parsemé de «panoramas imprenables».

Le centre de ski du Massif, plus haut dénivelé canadien à l'est des Rocheuses et pièce centrale du projet, sera revu et amélioré. On dessinera de nouvelles pistes à même le Mont à Liguori, situé à l'est des pistes actuelles, pour augmenter le domaine skiable de 30%.

Le ski hors-piste y occupera une place d'honneur. Et ceux qui hésitent à chausser les planches pourront se lancer sur une piste de luge familiale de 10 kilomètres qui serpentera sur les hauteurs pour faire admirer de près la marque commerce de Charlevoix – ces montagnes qui plongent dans un fleuve devenu large comme la mer.

À 20 kilomètres de là, la ville de Baie-Saint-Paul verra aussi pousser les chantiers. Un domaine agricole jadis exploité par la communauté religieuse des Petites Franciscaines de Marie sera transformé en «haut lieu de gastronomie, de formation et de diffusion».

Un hôtel 4 étoiles de 150 chambres intégré à la ferme; une salle multifonctionnelle de 400 places; une gare, un spa, un marché public, des jardins: Daniel Gauthier rêve d'un lieu où les ateliers de cirque et les cours de cuisine succéderont aux «soupers progressifs» et aux congrès d'affaires.

Ajoutez au portrait général des «maisons-marées» où le plancher montera et descendra au gré du niveau du fleuve; d'autres, baptisées «maisons-vent», perchés sur les parois rocheuses où le vent culmine à 100 km/heure; des bains scandinaves, du «tourisme scientifique», des cafés, des bars, des terrasses.

«Il a travaillé au Cirque pendant 17 ans, alors ne vous attendez à rien d'ordinaire de sa part, avait averti Marc Gagnon, vice-président exécutif aux services corporatifs au Cirque du Soleil. C'est lui-même, d'ailleurs, un homme hors de l'ordinaire.»

Territoire Le Massif s'est donné tout un défi: offrir plus de 125 activités à des visiteurs du monde entier – du kayak de mer au ski en passant par le vélo et le traîneau à chien – sans défigurer la région, et en respectant les principes les plus stricts du développement durable.

Avec à peine 400 d'unités d'habitation, Daniel Gauthier insiste: «ce projet n'est aucunement basé sur l'immobilier».

Utopique? Digne, en tout cas, des acrobaties des meilleurs artisans de cirque. «Tu peux sortir le gars du show-business, mais tu ne peux pas sortir le show-business du gars, lance M. Gauthier. C'est un show qu'on s'en va faire au Massif. C'est une mise en scène. Là, on en est à remettre la machine en marche. Et l'atmosphère est super bonne sur la montagne.»