Encore dans la jeune vingtaine, la génération Y véhicule déjà son lot de préjugés. Instable, capricieuse, elle veut tout, tout de suite.

Encore dans la jeune vingtaine, la génération Y véhicule déjà son lot de préjugés. Instable, capricieuse, elle veut tout, tout de suite.

Attention, prévient Michel Audet, professeur titulaire au département des relations industrielles à l'Université Laval, le choc des générations est d'abord dans nos têtes.

Autant dire qu'en matière de conflit intergénérationnel, les mythes ont la vie dure. " Beaucoup de choses se disent sur les générations mais peu s'avèrent. On est surtout dans l'anecdotique ", précise le professeur devant une assemblée de professionnels en ressources humaines réunis, jusqu'à vendredi, en congrès à Montréal.

Un des clichés les plus tenaces est la façon dont cette génération se démarque des précédentes. " En quoi se distingue-t-elle des autres? s'interroge Michel Audet. Elle a soif d'indépendance et d'autonomie. Elle prône la liberté d'expression et le travail d'équipe. "

" Et les jeunes courent après les nouveaux réseaux et les nouvelles idées. Étions-nous vraiment différents? " ajoute celui qui s'affirme comme un boomer et fier de l'être.

Autre préjugé, les jeunes butinent d'un job à l'autre et ils ne sont pas carriéristes. Pourtant, faire carrière a encore un sens pour la Net generation, révèlent une enquête Léger Marketing en 2004 et un sondage CROP réalisé pour l'ORHRI (voir texte ci-bas), publié hier.

Parmi les critères recherchés chez un futur employeur par les finissants universitaires, se plaçaient en tête les perspectives de carrière intéressantes, les défis à relever, la reconnaissance des compétences individuelles, et l'équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. " Pour eux, le plus important, c'est la possibilité de s'éclater au travail, de pouvoir se réaliser et se dépasser ", analyse Michel Audet.

Certes, la génération Y est techno jusqu'au bout des touches du clavier et vit dans l'instant. " Tout doit se faire en trois clics, et si les choses ne vont pas assez vite dans une entreprise, les jeunes en changent, explique-t-il. Ils veulent capitaliser rapidement sur l'expérience et ils sont moins patients que les générations précédentes. "

Mais au jeu des différences, c'est sur l'équilibre vie privée-travail que cette génération s'affirme véritablement. " Ils préfèrent se dire Nous, on ne veut pas rater notre vie et s'il le faut, on est prêt à être payé moins et à travailler moins. Cette génération est très jalouse de son bonheur ", se réjouit le professeur.

Mais là encore, ne nous méprenons pas, avertit M. Audet. Croire que les jeunes sont responsables et outillés pour affronter le marché du travail est une erreur. " Ils sont souvent des adulescents, un mélange entre adultes et adolescents, peu capables de prendre la critique et de supporter les contraintes. "

Passage obligé

Une génération qui fait moins de concessions demande aux entreprises de s'adapter et de se recentrer sur les grands défis qui les attendent: la pénurie de main-d'oeuvre et la relève.

" La gestion des enjeux démographiques est un rendez-vous qu'il faut réussir ", dit Michel Audet. Et au premier chef, anticiper l'impact des départs à la retraite des baby-boomers et encourager le partage intergénérationnel des connaissances.

Ce qui ne semble pas encore figurer au programme de beaucoup de hauts dirigeants, regrette le professeur qui cite une étude du Conference Board de 2006. Ainsi, même si 80 % des 137 hauts dirigeants interrogés indiquent que le vieillissement cause déjà des problèmes pour leur entreprise, seulement la moitié le considère comme une priorité. Pis encore, 33 % avancent qu'ils n'ont ni le temps ni l'argent de s'en occuper.

Pour attirer les jeunes et réussir leur intégration, les entreprises n'auront pas le choix de repenser l'organisation du travail et d'accroître la flexibilité. " Les jeunes veulent du télétravail mais dans les entreprises québécoises, on est encore en pleine culture de présence ", constate Michel Audet.

Il ne suffit pas de cibler les jeunes. Les entreprises doivent aussi investir sur la génération qui part, celle des vétérans. " On ne les séduit pas pour rester, on les pousse dehors avec les retraites anticipées, regrette-t-il. Les entreprises devraient avoir une stratégie intégrée de grande séduction pour les plus âgés aussi. "

QUI EST QUI ?LES Y :

Nés entre 1977 et 1997

26,7% de la population québécoise

LES X

Nés entre 1965 et 1976

18,4 % de la population québécoise

LES BOOMERS

Nés entre 1947 et 1964

27,4 % de la population québécoise

LES VÉTÉRANS

Nés avant 1946

22,2% de la population québécoise

Source : Institut Technologies de l'information et sociétés (ITIS), Université Laval

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