Dans leur recherche effrénée pour les talents, certains employeurs ont le chic de saboter leurs propres efforts de recrutement.

Dans leur recherche effrénée pour les talents, certains employeurs ont le chic de saboter leurs propres efforts de recrutement.

Voilà une des conclusions de la dernière étude Selection Forecast, menée par Monster et la firme de consultation DDI, auprès de 628 directeurs de dotation, 1250 gestionnaires recruteurs et 3725 chercheurs d'emploi.

Outil de sélection essentiel, l'entrevue est déterminante pour convaincre le candidat choisi d'accepter le poste. Les deux tiers des chercheurs d'emploi affirment que la manière d'être de l'intervieweur influence «beaucoup» ou «modérément» leur décision.

Le hic, c'est que les recruteurs ne sont pas toujours à la hauteur.

Les irritants? Au premier titre, l'intervieweur qui agit comme si l'entrevue n'avait pas d'importance.

La majorité des chercheurs d'emploi (70%) ont dit être très agacés par les intervieweurs qui ne semblaient pas avoir le temps de leur parler.

Les recruteurs en retard ou mal préparés perdaient aussi des points.

Les candidats n'apprécient pas davantage les recruteurs qui transforment l'entrevue en contre-interrogatoire. Et ils détestent qu'on leur pose des questions personnelles ou sans rapport avec le poste.

Le siège du conducteur

«Certains intervieweurs continuent de se voir dans le siège du conducteur, constate Suzanne Gagnon, CRHA, directrice des services de consultation chez DDI Canada. Alors que les excellentes ressources se font rares, les chercheurs d'emploi tolèrent mal l'arrogance.»

Normand Pettersen, professeur en gestion des RH à l'UQTR, a co-signé L'entrevue de sélection structurée l'an dernier.

Selon lui, les recherches montrent que les candidats sont plus enclins à accepter un poste si les personnes chargées du processus de sélection font preuve de professionnalisme et de considération.

Élémentaire, dites-vous? Lui-même a déjà observé un président de CA prendre ses appels sur son portable au cours d'entrevues qui visaient à embaucher un directeur général pour l'entreprise.

Un cas extrême, mais qui illustre combien l'intervieweur peut oublier qu'il est lui-même évalué par son candidat.

Ce dernier a «les antennes sorties au maximum», signale M. Pattersen.

Or, si le candidat juge que l'équipe de sélection est irrespectueuse, mal préparée ou peu professionnelle, il pourra conclure que l'entreprise dans son ensemble est mal gérée.

«Le bouche-à-oreille peut alors être dévastateur», note M. Pettersen. Le chercheur d'emploi parlera de sa mauvaise expérience à ses amis, à l'école et dans tous ses réseaux informels.

«Les intervieweurs prennent le risque de perdre non seulement des employés précieux, mais aussi de ternir la réputation de leur entreprise et de perdre des clients», précise Suzanne Gagnon de DDI Canada.

Lise Marion est chef du Centre de recrutement chez Hydro-Québec. Comme postulante dans d'autres sociétés, elle a déjà connu des intervieweurs manquant d'éthique.

«Une fois, on m'a demandé quand je comptais avoir des enfants. J'ai su que je ne voudrais pas travailler à cet endroit», se rappelle-t-elle.

La pénurie de bons candidats se fait moins sentir chez Hydro-Québec qu'ailleurs, et ce n'est sûrement pas juste à cause des conditions, estime-t-elle.

«Notre image de marque se reflète dans notre processus de sélection, qui comprend des tests psychométriques à la fine pointe.»

Mme Marion rappelle toujours les candidats qu'elle a rencontrés, pour les informer de la décision.

«Même en cas de refus, les gens me remercient, car ils sentent qu'ils ont été respectés et que la décision a été prise de façon équitable, voire scientifique.»

L'étude de DDI a également révélé qu'une majorité de chercheurs d'emploi gardent une dent contre les intervieweurs qui glissent sur leurs questions concernant le poste ou qui négligent d'en divulguer tous les aspects.

«Les gens sont plus curieux qu'avant, explique Suzanne Gagnon. Ils veulent être renseignés, notamment sur la culture d'entreprise et sur l'équipe avec laquelle ils vont travailler.»

Lorsqu'on informe le candidat, il faut cependant résister à la tentation d'embellir la réalité, souligne Normand Pettersen de l'UQTR. Malgré ce qu'on pourrait croire, une description réaliste du poste, incluant ses inconvénients, ne rebute pas nécessairement les candidats.

«Les études indiquent que la plupart des gens décantent l'information et diminuent simplement leurs attentes face à leur futur emploi.»