Au début des années 1990, certains secteurs de la ville de Charlesbourg, en banlieue de Québec, avaient connu des problèmes récurrents d'eau potable, qui avaient forcé les résidants à faire bouillir leur eau durant de longs mois.

Au début des années 1990, certains secteurs de la ville de Charlesbourg, en banlieue de Québec, avaient connu des problèmes récurrents d'eau potable, qui avaient forcé les résidants à faire bouillir leur eau durant de longs mois.

La maison standard avait alors subi une baisse de valeur marchande de 4,9 %, tandis que les propriétés haut de gamme encaissaient une chute de 8 %.

Ce ne sont pas des approximations lancées en l'air: ces données sont le résultat de l'étude approfondie qu'a effectué François Des Rosiers, professeur titulaire de gestion urbaine et immobilière à la faculté des Sciences de l'administration de l'Université Laval.

C'est ce qui l'amène à penser qu'une prolifération de cyanobactéries «risque d'avoir un impact si le problème est suffisamment important pour empêcher les gens de profiter des bords de lacs. Ils ont payé cher pour y être.»

En effet, une anse transformée en crème de brocoli n'a rien de bucolique. «Des études au Vermont et au Maine ont montré que la valeur de la propriété varie avec la transparence de l'eau», rappelle Marc Simoneau, biologiste au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP).

L'impact serait probablement plus important sur les résidences haut de gamme, dont les propriétaires et acheteurs sont plus souvent plus exigeants pour la qualité de leur environnement. À l'inverse, si les acheteurs sont convaincus que les inconvénients ne sont que temporaires, l'effet sera réduit et court.

Car pour que le problème ait un impact, il doit être persistant, réel... et perçu comme tel. En fait, la perception est aussi importante que la gravité elle-même.

Pour le maire de Mont-Tremblant, Pierre Pilon, les répercussions financières à long terme dépendent notamment de la manière dont les organismes gouvernementaux gèrent les signalements de cyanobactéries. «Si, au niveau scientifique, on réussit à avoir plus de précision dans les évaluations, ça pourrait aider, fait-il valoir. À date, aussitôt qu'il y a une fleur d'eau à quelque part, c'est l'alerte générale, sans qu'on dose les toxines ni même les endotoxines...»

La réaction des acheteurs est cependant difficile à prédire. François Des Rosiers donne un autre exemple: les craintes à l'égard des champs électromagnétiques néfastes à proximité des lignes électriques à haute tension, soulevées par des études suédoises publiées au début des années 90. Ces préoccupations n'ont pas amoindries la valeur des maisons en bordure de ces lignes de transmission. Ces propriétés étaient recherchées parce qu'il n'y avait pas de voisin sur l'arrière, et que l'emprise était accessible sans taxes foncières. «Tout dépend de la perception: il faut se mettre dans la peau de l'acheteur», souligne M. Des Rosiers.

Un effet résorbé en quatre ans

Les cyanobactéries peuvent influer sur le marché immobilier. L'an dernier, la qualité de l'eau du lac Massawipi avait fait les manchettes, et «ça a causé un certain dommage parce que ça avait ralenti beaucoup la vente de propriété au bord de l'eau», rappelle Martine Chamard, agent immobilier spécialisée dans les résidences secondaires en Estrie. «Ça peut susciter un doute chez les gens, qui vont plutôt chercher ailleurs.»

L'effet de cette désaffection est cependant difficile à quantifier. Dans la baie Missisquoi du lac Champlain, dont la réputation en matière de fleurs d'eau est solidement établie, la valeur des propriétés continue d'augmenter, selon un agent immobilier de Venise-en-Québec... qui ajoute du même souffle qu'«on est à 45 minutes de Montréal et si on compare à d'autres bord de l'eau dans les Laurentides et Magog, ce n'est pas cher!

Si un problème exerce effectivement une pression à la baisse sur les prix des propriétés, les études montrent que ce retard se sera résorbé au plus tard quatre ans après que l'inconvénient ait été éliminé. «Les gens ont tendance à oublier», observe François Des Rosiers. À condition, précise-t-il, qu'on ait réglé le problème...

Les conditions d'une perte de valeur

1. Le problème est réel.

2. Il est perçu comme tel par les acheteurs.

3. Il a un impact sur la qualité de vie des acheteurs de propriétés en bordure de plan d'eau.

4. Le problème perdure suffisamment longtemps.

Vive l'eau: les prix continuent à grimper

Le prix des résidences secondaires, particulièrement celles en bordure de plans d'eau, maintient une vigoureuse croissance.

Dans les Laurentides, par exemple, le prix de vente moyen des unifamiliales bordées par l'eau a doublé entre 2001 et 2007 (transactions du 1er janvier au 30 juin). Il s'est encore accru de 12 % entre 2006 et 2007, alors que le prix moyen de l'ensemble des unifamiliales de la région a augmenté de 6 % durant la même période.

On ne peut donc pour l'instant ni isoler ni déceler d'influence néfaste des cyanobactéries. «Les variables qui influencent le prix des propriétés sont l'emploi, les taux d'intérêt et les mouvements de population», rappelle Astrid Joseph, analyste de marché à la SCHL.