Venu de la mer, le brouillard de minuit envahit le terrain d'aviation Enfa, à Casablanca, où l'adieu de Rick à Ilsa, en 1942, a donné naissance à la magie cinématographique de Humphrey Bogart et de Ingrid Bergman.

Venu de la mer, le brouillard de minuit envahit le terrain d'aviation Enfa, à Casablanca, où l'adieu de Rick à Ilsa, en 1942, a donné naissance à la magie cinématographique de Humphrey Bogart et de Ingrid Bergman.

Aujourd'hui, les habitués de la Bourse de Casablanca soutiennent que ce film d'amour et de rédemption, dans un contexte de conflit mondial, contribue à attirer des investisseurs occidentaux dans le coeur financier du Maroc, à une époque où la crainte du terrorisme fait en sorte que le monde musulman cherche désespérément des moyens de drainer des capitaux étrangers.

«Pas de doute que Casablanca attire les investisseurs», soutient Touda Loutfi, directrice de la planification de la Bourse de Casablanca.

«Après le Maroc, nos plus importants clients viennent de Grande-Bretagne, des États-Unis, de France et du Japon, des pays où le film est devenu l'objet d'un culte», ajoute-t-elle.

Les bruit des cornes des navires marchands dans le port est assez puissant pour traverser les vitres teintées de bleu de l'imposant édifice de la Bourse. Un siège pour la vie sur le parquet des transactions électroniques, qui accueille 14 membres, coûte aux courtiers 670 000 $ US, comparativement à 50 000$US par année pour une licence de la Bourse de New York.

Avec une capitalisation de 47,2 milliards US représentant 69 entreprises, la Bourse de Casablanca, vieille de 77 ans, est bien modeste par rapport à la capitalisation boursière de 13,4 billions US (un billion équivaut à 1000 milliards) des entreprises qui composent l'indice S&P 500.

Il reste que les Bourses de Casablanca et du Koweït sont celles qui offrent la meilleure performance parmi les 10 Bourses du monde arabe.

«C'est un marché en plein essor qui offre beaucoup de potentiel», assure Henry Azzam, 56 ans, PDG de la division du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord de Deutsche Bank.

«Casablanca est le centre d'affaires du Maghreb», dit-il.

«Casablanca est une ville peuplée de nombreux personnages», indique M. Azzam, qui travaille à partir de Dubaï et qui visite Casablanca au moins quatre fois par année. «Et bien sûr, j'ai un trench-coat à la Bogart», précise-t-il.

Badr Alioua, responsable des transactions sur actions et sur valeurs à revenu fixe de la Banque Attijariwafa, soutient que le roi Mohammed VI, 43 ans, a fait de Casablanca l'endroit le plus «hot» pour les affaires dans le monde arabe.

L'an dernier, le produit intérieur brut du Maroc a crû de 8,1% contre 1,7% en 2005. Moody's Investors Service indique que le pays est «stable», et que ses atouts sur le plan du crédit sont sa population jeune de même que ses progrès structuraux et démocratiques.

Selon M. Alioua, l'accord donné par le roi à l'adoption du capitalisme et à la liberté d'expression, de même qu'une interprétation tolérante du Coran, font en sorte que les jeunes Marocains instruits ne quitteront pas le pays.

«Le facteur jeunesse de ce marché est d'une importance capitale pour la poursuite de nos succès», assure M. Alioua, 27 ans.

«Casablanca est, comme dans le film, un endroit où les jeunes sont prêts à courir des risques, dit-il. En outre, c'est le film Casablanca qui nous a fait connaître des Américains, et nous devons en tirer parti.»

Hors de la Bourse, le long des rues bruyantes sur front de mer, la vue des courtiers qui vivent dans un monde irréel contraste avec les islamistes radicaux, pour qui les films de Hollywood, l'alcool et les instruments financiers porteurs d'intérêts sont des sujets tabous.

En mai 2003, cinq attaques à la bombe perpétrées à Casablanca par des militants d'Al-Qaeda ont fait 45 morts, dont 12 kamikazes. Un autre attentat commis en mars dernier a fait trois blessés dans un café et causé la mort du terroriste.

Mais c'est une autre rencontre d'idéaux (le fascisme contre la liberté) qui faisait les manchettes le 26 novembre 1942, jour de la première de Casablanca au Hollywood Theatre, à New York.