Dans son discours budgétaire où il faisait aussi ses adieux à la politique active, le ministre des Finances Michel Audet a répété que la réforme de la péréquation est l'enjeu principal du déséquilibre fiscal.

Dans son discours budgétaire où il faisait aussi ses adieux à la politique active, le ministre des Finances Michel Audet a répété que la réforme de la péréquation est l'enjeu principal du déséquilibre fiscal.

La formule actuelle ne répond plus aux objectifs de la péréquation tels qu'enchâssés dans la Constitution. Résultat, la capacité fiscale du Québec ne suffit pas financer ses dépenses pour assurer les services qui sont de sa compétence. Tentons d'y voir un peu plus clair.

Les Québécois ont été appelés aux urnes avant de connaître la solution du gouvernement fédéral de Stephen Harper pour rétablir l'équilibre fiscal. L'une des pièces maîtresses pour y parvenir est la réforme de la péréquation.

Il s'agit d'une redistribution d'une partie des revenus d'Ottawa aux provinces les moins nanties pour mettre à niveau leur capacité fiscale.

M. Harper s'est engagé à présenter une formule plus équitable pour mettre fin aux distorsions répétées faites par les gouvernements de Jean Chrétien et de Paul Martin au point d'en pervertir la finalité.

L'ensemble de ces distorsions a fait quelques gagnants comme Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse et un grand perdant, le Québec.

Pour obtenir l'appui des électeurs des provinces productrices de pétrole et de gaz, Stephen Harper s'était engagé à ce que les redevances sur les richesses naturelles non renouvelables n'entrent pas dans le calcul de la péréquation. Elles le sont en partie maintenant.

Durant la même campagne au Québec, il avait promis de régler le déséquilibre fiscal.

Dans l'espoir de former un jour un gouvernement majoritaire, M. Harper aura besoin de faire élire plus de députés au Québec et en Ontario. À couteaux tirés avec le gouvernement libéral de Queen's Park, M. Harper sait aussi que les Ontariens iront aux urnes cet automne puisque les élections sont déclenchées à une date statutaire à tous les quatre ans dans cette province.

Entre temps, les distinctions entre richesses renouvelables et non renouvelables ressemblent de plus en plus au vieux débat théologique sur le sexe des anges. Allez demander aux pêcheurs si la morue est une richesse renouvelable ou aux travailleurs québécois en région ce qu'ils pensent de la pérennité de la forêt.

À l'opposé, alors qu'on a déclaré pendant des années que les réserves canadiennes de pétrole s'épuisent, la mise en exploitation des sables bitumineux indique plutôt que les Albertains vivent sur les stocks d'or noir les plus importants du monde, après ceux d'Arabie saoudite.

Divergences provinciales

Des rencontres entre les premiers ministres des provinces dans le cadre du Conseil de la Confédération ont mis à jour leurs divergences en matière de péréquation.

Elles se retrouvent divisées en trois camps.

Un premier, dans lequel on peut placer le Québec, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick, souhaite une réforme conforme à l'esprit de la péréquation tel que défini dans la constitution canadienne. Cela suppose que la capacité fiscale des 10 provinces, de même que les redevances sur les ressources naturelles soient prises en compte dans le calcul de la péréquation.

Le deuxième camp adhère aux principes du premier, mais s'oppose à l'inclusion des ressources non renouvelables qui pourraient avoir pour effet de limiter les transferts qu'elles touchent d'Ottawa. Terre-Neuve-et-Labrador, à la fois grande bénéficiaire de la péréquation et bonne productrice de pétrole, est partisane de cette option. La Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan aussi.

L'Ontario et l'Alberta enfin voient d'un mauvais oeil l'augmentation trop grande des paiements fédéraux aux provinces admissibles. La redistribution faite à travers la péréquation n'ampute pas du tout leur capacité fiscale, mais cela réduit les probabilités qu'Ottawa accumule des surplus susceptibles d'entraîner des baisses d'impôt pour leurs citoyens. Dans ce dossier, l'Ontario martèle qu'elle ne touche rien en péréquation mais qu'elle assure 42% des recettes d'impôt fédéral.

Les paiements de péréquation s'élèveront à plus de 11 milliards cette année, soit l'équivalent de moins de un pour cent du Produit intérieur brut exprimé en dollars courants.

Il y a deux semaines, les premiers ministres provinciaux ont tenu un appel-conférence, faute de pouvoir se rencontrer comme cela était initialement prévu. La péréquation était à l'ordre du jour, mais plus question de s'entendre sur une proposition. On s'en remet à Ottawa. Après tout, c'est sa loi.

Il y aura bientôt deux ans, le Conseil avait produit une vaste étude dans laquelle il formulait cinq options qui modulaient de 0 à 100% la prise en compte des richesses naturelles dans le calcul de la péréquation. Chaque province reste libre de privilégier la sienne, mais l'étude montrait qu'il fallait trouver moyen d'en tenir compte. Depuis, il y a eu élection fédérale et changement de gouvernement.

C'est dans le prochain budget du ministre James Flaherty qu'Ottawa doit faire son lit.

1940

La commission Rowell-Sirois recommande l'instauration d'un régime de répartition de la richesse entre les provinces.

1957

Ottawa crée un système de péréquation qui vise à aplanir les disparités de capacité fiscale des provinces.

1982

Le principe de péréquation est enchâssé dans la Constitution canadienne, que Québec n'a toujours pas reconnue cependant. Article 36(2) : Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

1999

Ottawa limite à 10 milliards l'enveloppe de la péréquation.

2004

Ottawa fixe à un minimum de 10 milliards l'enveloppe allouée à la péréquation pour 2004-2005 avec une indexation garantie de 3,5% par année. Le partage de l'enveloppe est désormais établi par voie législative en attendant une nouvelle entente fédérale-provinciale sur la base des recommandations d'un groupe d'experts.

2005 :

Ottawa conclut des ententes à la pièce avec cer tai nes provinces qui pervertissent l'esprit de la péréquation. Ainsi, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ne subiront aucune réduction de péréquation liée à leurs revenus pétroliers d'ici 2012.

2006

Le Groupe d'experts sur la péréquation dépose ses recommandations au mois de mai. Le rapport O'Brien, du nom de son président Al O'Brien, recommande notamment de teni r compte de 50% des revenus tirés des ressources naturelles des provinces dans la formule de calcul de la péréquation. Il propose aussi que la capacité des 10 provinces plutôt que cinq soit prise en compte dans le calcul.