Que les employeurs ne soient pas surpris: les futurs candidats à l'embauche sont appelés à ne plus se présenter avec un simple curriculum vitae tenant sur deux pages, mais bien un portfolio professionnel.

Que les employeurs ne soient pas surpris: les futurs candidats à l'embauche sont appelés à ne plus se présenter avec un simple curriculum vitae tenant sur deux pages, mais bien un portfolio professionnel.

Présenté surtout sous la forme de page Web, le portfolio est un dossier contenant la biographie et le C.V. du travailleur, ainsi que ses principales réalisations.

On peut également y retrouver des réflexions sur sa pratique, ses activités de formation continue, ses objectifs de carrière et ses défis.

Le but du portfolio est de démontrer l'évolution constante de ses compétences et sa démarche professionnelle. C'est en quelque sorte «l'âme du travailleur», comme l'affirment certains spécialistes.

«On pourrait ainsi dire que le CV est le squelette et que le portfolio est la chair qui l'entoure», illustre Alain Legault.

Ce professeur à la faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal a participé à l'implantation du portfolio au sein de son programme.

Il collabore actuellement avec le CHUM pour développer un portfolio de «développement professionnel» pour les infirmières cliniciennes.

Elles y noteront de façon régulière leurs études, leurs cours, conférences ou ateliers de formation continue et leurs expériences de travail, en réfléchissant sur leurs compétences.

«Dans quelques années, ce sera obligatoire», affirme-t-il.

Longtemps réservé aux artistes, le portfolio gagne des adeptes dans les différents milieux de l'éducation depuis 1985.

En Europe et aux États-Unis, il est surtout exploité par les programmes de formation professionnelle de santé.

Au tournant des années 2000, les universités québécoises sont entrées dans la danse, suivies timidement par le marché du travail.

Le titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les technologies de l'information et de la communication et l'éducation, Thierry Karsenti, a poussé plus loin le concept du portfolio en créant l'Édu-portfolio, un outil accessible gratuitement sur le web où l'on peut déposer de multiples fichiers textes, audio et vidéo sur ses réalisations professionnelles.

Plus de 10 000 personnes provenant d'une cinquantaine de pays l'utilisent actuellement.

Claire Bélanger explique cet engouement par la force évocatrice du portfolio.

«Il contient les preuves de ce que j'avance dans mon C.V., ce qui est un avantage important pour un employeur», déclare la conseillère pédagogique au Centre d'études et de formation en enseignement supérieur de l'Université de Montréal, qui étudie depuis plusieurs années l'impact du portfolio.

Selon Thierry Karsenti, une vidéo de quelques minutes qui témoigne de la capacité à bien communiquer, par exemple, peut être plus intéressante que si elle est inscrite noir sur blanc dans un C.V.

Mais les employeurs, habitués aux C.V. succincts, prendront-ils vraiment le temps de consulter les nombreuses réalisations contenues dans le portfolio?

Oui, croit France Lacourse, professeur au département de pédagogie de l'Université de Sherbrooke.

«Quelques directeurs d'école ont été étonnés de voir de jeunes enseignants arriver avec leur portfolio sous le bras, mais après coup, ils ont trouvé ça très stimulant, relate-t-elle. Selon eux, cela leur permet de mieux connaître leurs futurs employés et, en conséquence, de mieux orienter la formation continue qu'ils leur offrent.»

Émilie Viau tient un portfolio professionnel numérique depuis 2004. Diplômée du baccalauréat en communication, rédaction et multimédia de l'Université de Sherbrooke, la jeune femme a été engagée immédiatement par deux employeurs après leur avoir montré son portfolio.

«Ils ont pu juger tout de suite de la qualité de mon travail en informatique et en graphisme, déclare-t-elle. Pour moi, c'est une méthode non invasive de se vendre: j'envoie le lien de mon portfolio à l'employeur qui peut le consulter quand et comme il le veut.»

Des chercheurs de l'Université de l'Iowa ont interrogé 200 employeurs sur leur perception du portfolio. Les résultats démontrent que 79 % d'entre eux s'accordent pour dire que c'est un outil important dans la recherche d'un emploi.

Pour 60 % des répondants, la qualité du portfolio peut même influer sur les chances d'un candidat d'être choisi, comme le confirme André Doyon.

«Dans le cas du portfolio, le médium est le message, dit le professeur à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Moncton. Sa composition nous donne une bonne idée de la personne et de son intelligibilité.»

Pour plus d'informations: Edu-portfolio: www.edu-portfolio.org Le portfolio de développement professionnel continu, Richard Desjardins, Chenelière/McGraw-Hill, 112 pages.