Pauline Grenier-Carrier est courtière depuis 15 ans à Miami. La «crise» actuelle de l'immobilier aux États-Unis, qui fait les manchettes depuis des semaines, elle la vit en direct.

Pauline Grenier-Carrier est courtière depuis 15 ans à Miami. La «crise» actuelle de l'immobilier aux États-Unis, qui fait les manchettes depuis des semaines, elle la vit en direct.

«C'est sûr qu'il y a une baisse, on a beaucoup moins d'acheteurs qu'avant, beaucoup moins d'appels», dit la Québécoise, qui travaille pour la firme Coldwell Banker All Nations Realty.

«J'ai eu une offre d'achat il y a une semaine et demie, le condo était 599 000$, on l'a vendu 430 000$! poursuit-elle. Il donnait directement sur la mer, il était bien placé et très beau. Ceux qui veulent vendre baissent leurs prix.»

Le même scénario se répète partout aux États-Unis. Les mauvaises nouvelles continuent de s'accumuler dans le secteur immobilier.

Mardi, l'Association nationale des courtiers (ANC) a révélé que le nombre de ventes de propriétés existantes avaient chuté de 12,8% le mois dernier par rapport à août 2006, un repli majeur.

Les prix suivent la même pente descendante. En juillet, ils ont glissé de 3,9% en moyenne sur un an dans 20 régions métropolitaines étudiées par Standard & Poors. C'est leur pire déclin depuis que la firme a commencé à compiler des données sur le sujet en 2001.

«La décélération dans les prix est encore apparente dans la majorité des régions», explique Robert J. Shiller, économiste en chef chez MacroMarkets LLC, dans le rapport publié hier par S&P.

Les prix ont chuté dans 16 des 20 villes étudiées par S&P, à l'exception de Charlotte, Atlanta, Portland et Seattle. Les reculs sont particulièrement sérieux à Detroit (-9,7%), Tampa (-8,8%), San Diego (-7,8%), Phoenix (-7,3%), Washington (-7,2%) et Miami (-6,4%).

Selon l'ANC, qui se base sur les transactions réalisées à la grandeur des États-Unis, le prix médian (celui où la moitié des maisons sont vendues plus cher, et l'autre, moins cher) est demeuré stable par rapport à août 2006, à 224 500$.

Les choses se gâteront bientôt, et pour l'ensemble du pays, avertit toutefois Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

«Le prix médian se maintient encore pour le moment, mais le pire est à venir puisque l'inventaire de maisons invendues a grimpé à des niveaux alarmants, qu'on n'avait pas vus depuis la fin des années 80 et le début des années 90», écrit l'économiste Carlos Leitao dans un rapport publié mardi.

On trouve présentement 4,58 millions de propriétés à vendre aux États-Unis. Certains constructeurs tiennent des «ventes de feu» tant les stocks sont élevés. Hovanian Enterprises, du New Jersey, a par exemple commencé à offrir des rabais pouvant atteindre 150 000$ sur certaines maisons!

Pendant que l'inventaire de maisons invendues augmente, des milliers d'Américains continuent de perdre leurs résidences tous les mois, incapables d'acquitter leurs paiements hypothécaires.

La partie la plus visible - et la plus bouleversante - de la crise actuelle. Quelque 243 947 avis de «saisie d'une hypothèque» (foreclosure) ont été remplis le mois dernier, un bond de 115% par rapport à août 2006, rapporte la firme RealtyTrac.

La joie au Canada

Du côté nord de la frontière, la situation est à l'opposé. Les prix connaissent encore une bonne progression et les mises en chantier caracolent à des niveaux records.

«Le marché de l'immobilier canadien est en pleine forme, il est toujours soutenu par des fondamentaux économiques forts», explique Bertrand Recher, économiste principale à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

Le taux d'emploi historiquement élevé, la forte croissance du revenu des ménages et les taux d'intérêt encore bas continuent de favoriser le marché immobilier canadien, souligne l'économiste.

Le marché de la revente devrait connaître une autre année record en 2007 avec plus de 514 000 transactions, selon la SCHL. Et le nombre de mises en chantier devrait dépasser les 200 000 cette année et l'année prochaine, ce qui fera de 2008 la septième année consécutive où ce seuil a été franchi. Du jamais vu depuis les années 70.

Au Québec, le nombre de mises en chantier a grimpé de 8% pendant les huit premiers mois de l'année (7% dans la région métropolitaine), rapportait la SCHL à la mi-septembre.

Les prêts à risque impopulaires

Outre la bonne tenue de l'économie, un autre facteur de taille permet au Canada de se tenir éloigné de la crise américaine: la faible importance du marché des hypothèques à risque élevé (subprimes).

Quelque 5% des propriétaires ont une hypothèque du genre au Canada, comparativement à environ 20% aux États-Unis.

Les risques de non-paiements sont d'autant plus faibles: seul un ménage sur 400 était en retard de trois mois ou plus dans ses paiements hypothécaires en 2006, le plus faible taux depuis 1990. Une tendance encore stable cette année.

Les conditions du marché immobilier demeurent solides, explique la Banque Scotia dans un rapport récent, même si quelques «craques» apparaissent. Par exemple, les prix commencent à être surévalués dans certaines régions du pays, surtout dans l'Ouest.

Saskatoon, Calgary, Edmonton et Vancouver présentent les prix les plus surévalués, selon la Scotia, tandis que Montréal tombe en plein dans le mille.

Les ventes de maisons existantes ont atteint le quatrième record consécutif en juillet au Canada. Le prix moyen a franchi pour la première fois la barre des 310 000$, en hausse de 12,6% par rapport à juillet 2006.