Sauf exception, les ouvriers agricoles n'ont pas le droit de se syndiquer au Québec, qu'ils soient étrangers ou non.

Sauf exception, les ouvriers agricoles n'ont pas le droit de se syndiquer au Québec, qu'ils soient étrangers ou non.

Telle est la conséquence concrète d'une décision rendue hier par la Commission des relations du travail, qui a abasourdi le Syndicat des travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC).

Le commissaire Michel Denis a rejeté la demande d'accréditation des ouvriers agricoles mexicains de deux fermes du Québec. Maigre consolation, toutefois, pour les TUAC, M. Denis a accordé l'accréditation à un groupe travaillant dans des serres. Pour le syndicat, cette petite victoire ne compense néanmoins pas l'énormité de la défaite.

Ainsi, les ouvriers agricoles étrangers de HydroSerre Mirabel, dans les Basses-Laurentides, sont désormais syndiqués. En pratique, toutefois, ils sont de moins en moins nombreux.

Mais les travailleurs de La Légumière Y.C., à Saint-Rémi, et des Fermes Hotte & Van Winden, à Napierville, ne peuvent pas se syndiquer, parce que ces deux fermes de la Montérégie n'emploient pas au moins trois salariés en permanence.

Le commissaire cite une disposition du Code du travail qui stipule que «les personnes employées à l'exploitation d'une ferme ne sont pas réputées être des salariés, à moins qu'elles n'y soient ordinairement et continuellement employées au nombre minimal de trois». Or, seulement les salariés au sens du Code ont le droit de se syndiquer.

Les fermes qui emploient trois ouvriers et plus pendant l'hiver sont rares, puisque le gel interrompt les travaux aux champs. Les serres peuvent quant à elles fonctionner toute l'année. Bref, le Code du travail, ou du moins l'interprétation qu'en fait le commissaire, rend presque impossible la syndicalisation des travailleurs agricoles saisonniers, qu'ils soient étrangers ou non.

Parmi les 350 entreprises qui emploient les quelque 5000 ouvriers agricoles étrangers au Québec cette année, seulement une dizaine sont des serres. L'immense majorité des ouvriers agricoles travaillent donc dans les champs.

Une défaite

«La décision de la Commission des relations du travail est carrément une défaite», a déclaré hier Mario Délisle, responsable de la campagne de syndicalisation des ouvriers agricoles aux TUAC. «Plus que ça, tu meurs. Elle signifie que les serres sont syndicables, mais pas les fermes.»

«Le commissaire vient d'écrire que les mots employés ordinairement et continuellement, ça signifie 12 mois par année. Il y a des milliers de travailleurs saisonniers au Québec.»

«Pensons juste aux employés des centres de ski ou de La Ronde (le parc d'attractions de Montréal). Ceux-là, on peut les syndiquer. Mais ceux qui sont saisonniers dans des fermes, on ne peut pas. Tant qu'à faire, le Code du travail devrait stipuler clairement que les travailleurs agricoles n'ont pas le droit de se syndiquer.»

M. Délisle note que ce ne sera pas demain qu'on fera pousser des légumes dans les champs en plein mois de janvier. Il y a donc peu de chances ou de risques, selon le point de vue, que des fermes se mettent à embaucher trois ouvriers ou plus pendant l'hiver et que leur personnel puisse par conséquent se syndiquer.

À moins que la décision de la Commission des relations du travail soit cassée par un tribunal supérieur, il sera inutile pour les TUAC de poursuivre leur campagne de syndicalisation auprès des ouvriers agricoles étrangers.

L'autre possibilité serait de réclamer une modification du Code du travail, mais si on se fie à l'expérience des dernières années, le mouvement syndical ne peut pas entretenir beaucoup d'espoir à cet égard.

«Est-ce qu'on va pouvoir changer les choses au Québec avec une grève générale (des ouvriers agricoles), où on va garder les oignons et les patates dans les champs?» se demande M. Délisle. «Je ne sais pas.»