Hélène de Billy l'avoue sans détour: elle aime faire la sieste.

Hélène de Billy l'avoue sans détour: elle aime faire la sieste.

La journaliste et auteure pratique le somme d'après-midi au besoin, selon un rituel particulier. «Je débranche le téléphone, puis je fais jouer un livre sonore lu par la voix magnifique de l'acteur André Dussolier.»

Elle s'assoupit ainsi et dort pendant une heure. Au réveil, elle est revigorée. «Je fais la sieste depuis trois ans, précise-t-elle. Qui l'eût cru? Auparavant, je pensais que le sommeil était une perte de temps!»

Bien qu'elle soit une habitude consacrée dans certains pays, la sieste demeure en effet synonyme de paresse en Amérique du Nord. Il y a quelques années, la firme de consultants Deloitte & Touche, basée à Pittsburgh, a fermé sa pièce réservée à la sieste. L'expérience, quoique positive, donnait mauvaise presse à la compagnie.

«Ce n'est pas demain la veille qu'on instaurera la sieste au Québec», croit Alain Gosselin. Le professeur titulaire en gestion des ressources humaines à HEC Montréal remarque qu'on valorise peu le sommeil. «On estime beaucoup plus les gens très productifs qui dorment peu», dit-il.

Pourtant, rien ne justifie la privation de sommeil, pas même le plus chargé des horaires.

À preuve, de grands hommes très occupés comme Napoléon, Léonard de Vinci, Thomas Edison, Einstein, Jacques Chirac, André Gide et Bernard Landry ont tous vanté les bienfaits physiologiques et intellectuels du roupillon qu'ils pratiquaient assidûment.

La sieste au service de la performance

Le repos diurne est un besoin systématique pour 10 à 15 % de la population adulte. Le coup de barre d'après dîner est cependant naturel chez tous les êtres humains puisqu'il fait partie intégrante de notre horloge biologique.

Les travailleurs auraient intérêt à écouter ce signal, car faire la méridienne a de multiples vertus. «Des tests en laboratoire ont démontré que la sieste rendait les gens plus alertes et rapides. Ces mêmes personnes faisaient aussi moins d'erreurs», indique Roger Godbout, directeur du Laboratoire de recherche sur le sommeil de l'Hôpital Rivière-des-Prairies.

Le scientifique souligne à quel point le sommeil n'a rien de passif. «Il consolide notamment notre système immunitaire et la mise en mémoire de nos apprentissages», précise celui qui est aussi professeur de psychiatrie à l'Université de Montréal.

Selon la National Sleep Foundation, la sieste stimule la créativité, réduit le risque de maladies cardiovasculaires et facilite la digestion. Au final, elle améliore la productivité.

L'organisme estime en outre que «l'institutionnalisation» de la sieste au boulot influencerait le rendement de telle manière que l'économie américaine y gagnerait 18 G$ de plus par année.

«Dormir l'après-midi permet de recharger mes batteries», témoigne la journaliste Hélène de Billy qui bénéficie cependant des conditions idéales: elle travaille à la maison.

L'employé qui bosse dans un bureau à aire ouverte sera sans doute moins tenté de s'assoupir au vu et su de ses collègues. Cela fait dire à Alain Gosselin qu'il est peu probable que la sieste devienne un outil de gestion de la performance sur une base organisationnelle.

«C'est une question plus individuelle que collective», dit-il. «Mais les entreprises devraient laisser une certaine marge de manoeuvre aux employés qui roupillent», ajoute-t-il.

«On se dirige vers une société de plus en plus intellectuelle qui exige le meilleur de nos capacités cognitives, dit encore M. Gosselin. Le sommeil peut y contribuer.»

Roger Godbout partage cet avis, mais constate que cela ne se fera pas sans un profond changement culturel.

«Les heures de repos se réduisent sans cesse avec les années, dit-il. Une meilleure compréhension de la sieste passe forcément par un plus grand respect du sommeil. Nous devons nous rappeler qu'il en va de notre santé.»