La téléphonie locale sera déréglementée d'ici deux semaines dans la plupart des secteurs de Montréal, mais les consommateurs ne doivent pas s'attendre à une guerre de prix.

La téléphonie locale sera déréglementée d'ici deux semaines dans la plupart des secteurs de Montréal, mais les consommateurs ne doivent pas s'attendre à une guerre de prix.

«À court terme, je serais surpris que les consommateurs obtiennent de meilleurs prix que ceux qui leur sont offerts par Vidéotron, Vonage et les autres, a souligné Iain Grant, analyste au SeaBoard Group. Il sera très difficile pour Bell d'égaler leurs prix et leurs plans de service sans perdre sa chemise.»

Greg MacDonald, de la Financière Banque Nationale, a lui aussi émis des doutes.

«L'expression «guerre de prix» implique qu'il y aura des rabais agressifs, et il y a peu de chances que ça se produise», a souligné l'analyste, joint à Toronto.

Hier, pour la première fois de son histoire, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a déréglementé la téléphonie résidentielle dans plusieurs villes des Maritimes et à Fort McMurray, en Alberta.

Les plus gros marchés du pays, dont Montréal, Québec, Toronto et Ottawa-Gatineau, connaîtront le même sort au cours des prochaines semaines.

Il s'agit d'une grande victoire pour les anciens monopoles, qui se battent depuis 2005 pour offrir la téléphonie résidentielle au prix qu'ils le désirent.

Ils pourront maintenant fixer eux-mêmes leurs tarifs, sans demander l'approbation du CRTC, et concurrencer les câblodistributeurs qui leur ont grugé quelque 1,8 million de clients en moins de trois ans.

Les dirigeants de Bell Canada et de Telus jubilent et qualifient d'«historique» la journée de mercredi. Ils ont remporté victoire après victoire dans le dossier épineux de la déréglementation depuis l'accession des conservateurs au pouvoir en janvier 2006.

Le ministre fédéral de l'Industrie, Maxime Bernier, s'est toujours montré favorable aux «forces du marché». En avril dernier, il a imposé au CRTC la dernière d'une série de rebuffades en renversant une décision qui encadrait de manière très serrée la déréglementation.

Selon les règles promulguées par le ministre Bernier, un marché peut être déréglementé dès qu'il y a au moins trois fournisseurs de téléphonie (incluant un câblodistributeur et une entreprise de sans-fil) et que certains critères de qualité du service sont respectés.

Auparavant, les entreprises de télécoms devaient avoir perdu 25% de parts de marché dans un secteur précis avant d'espérer être soustraites à la réglementation. Elles devaient aussi attendre trois mois avant de faire des offres de reconquêtes à leurs ex-clients, une autre restriction abolie en avril par Maxime Bernier.

Quoi qu'en pensent les analystes, le ministre est convaincu que les consommateurs paieront moins cher, et que l'industrie des télécoms innovera davantage grâce à la déréglementation.

«Les consommateurs bénéficieront de plus de choix, de meilleurs produits et services, et de prix plus bas», a déclaré le ministre dans un communiqué.

Depuis avril, les anciens monopoles ont déposé des demandes de déréglementation dans 432 circonscriptions pour le service résidentiel, et dans 386 pour le service d'affaires. Cela représente quelque 60% de toutes les lignes résidentielles au Canada, a fait valoir le CRTC.

Une bonne partie la région montréalaise sera déréglementée d'ici le 9 août, mais quelques secteurs pourraient devoir patienter un peu plus longtemps. Le CRTC étudie les demandes par circonscription, et Montréal en compte au moins une quarantaine, a-t-on expliqué hier.

Mirko Bibic, chef des affaires réglementaires chez Bell, assure que les consommateurs verront une bonne différence.

«Ça va nous donner de la flexibilité, en nous permettant de modifier nos prix et nos offres sans avoir à obtenir l'approbation du CRTC. Les délais ne seront plus là. On va pouvoir réagir immédiatement sur les marchés.»

Selon l'analyste Greg MacDonald, Bell, Telus et les autres auront plus de latitude pour faire des offres groupées (bundles) avantageuses, qui pourront inclure la téléphonie internet. Le prix de certaines options, comme la boîte vocale et l'appel en attente, pourrait cependant augmenter, croit-il.

Chez Vidéotron, qui a ravi plus de 500 000 clients en téléphonie résidentielle à Bell depuis janvier 2005, on se montre peu inquiets de la nouvelle donne.

«Notre croissance dans ce marché ne ralentit pas, malgré la flexibilité obtenue par les titulaires en termes d'offres de reconquête», a lancé Isabelle Dessureault, porte-parole du câblodistributeur.

Au début de la semaine, Ottawa a nommé un commissaire qui sera chargé d'étudier les plaintes liées au secteur des télécommunications.