L'homme d'affaires Germain Lamonde, président d'EXFO, a accepté l'invitation du Soleil de répondre directement aux lecteurs qui lui ont soumis leurs questions sur cette entreprise de Québec.

L'homme d'affaires Germain Lamonde, président d'EXFO, a accepté l'invitation du Soleil de répondre directement aux lecteurs qui lui ont soumis leurs questions sur cette entreprise de Québec.

Toutes les questions reçues ont été soumises à M. Lamonde. Comme plusieurs se recoupaient et allaient dans le même sens, 10 questions ont été retenues et voici les réponses de M. Lamonde, que nous remercions ici d'avoir pris du temps pour cet exercice.

Question: En 2001, j'ai acheté 50 actions d'EXFO au prix de 41,50 $. À ce moment, je pensais faire une bonne affaire puisque le titre avait déjà baissé de façon très importante et qu'on nous présentait la compagnie comme étant très solide. Aujourd'hui, l'action se situe dans les 8 $. Parviendra-t-elle un jour, pas trop lointain quand même, à atteindre son niveau d'antan ? Au prix actuel, devrais-je en accumuler?

Réponse: Deux grands événements, positifs séparément, se sont combinés ayant pour effet de stimuler des investissements faramineux à la fin des années 90 et au début 2000 dans les réseaux optiques de longue distance: la libéralisation du secteur télécom - une initiative du vice-président américain Al Gore pour créer l'autoroute de l'information - et l'invention de l'amplificateur optique par le professeur Payne de l'Université de Southampton, en Angleterre.

Les marchés financiers ont alors explosé pour toutes les entreprises reliées à ces investissements, dont les Nortel, EXFO et des milliers d'autres, propulsant le cours des actions à des sommes qui défiaient toutes les références habituelles. Ce que les financiers appellent une «bulle».

Comme toutes les entreprises publiques, nous avons pour politique de ne pas faire de projection long terme du côté de nos résultats financiers et de ne jamais commenter le cours de l'action.

Question: Dans votre rapport annuel 2006, vous nous informez que vous avez dépassé largement votre indicateur de 25 % de croissance des ventes par rapport à l'exercice précédent. Votre résultat est en fait de 31,9 % et je vous félicite de cette excellente performance.

Par contre, pour l'année 2007, vous établissez ce même indicateur à 20 % seulement tout en nous indiquant à plusieurs reprises que «la demande mondiale du marché des instruments de test et mesure de télécoms devrait rester forte dans les prochaines années, puisque la plupart des fournisseurs de services réseau augmentent leurs dépenses en capital pour adapter leurs réseaux aux services à convergence IP (protocole Internet) et aux services triples (voix, données et vidéo)».

Pourquoi alors diminuer cet indicateur de 25 % en 2006 à 20 % en 2007 lorsque votre performance de 2006 a été de 31,9 % et que vous prévoyez que la demande restera forte?

Réponse: En effet, EXFO a livré une croissance des ventes largement plus forte que celle de nos concurrents et de notre secteur avec 31,9 % pour l'année financière 2006 ou de 24,0 % en excluant l'acquisition de Consultronics en janvier 2006.

Globalement, on s'attend à ce que la demande pour les instruments de test et mesure de télécoms demeure importante au cours des prochaines années compte tenu du déploiement de réseaux à haute vitesse pour les applications de voix, vidéo et données ainsi que le mouvement mondial de transition vers les réseaux à technologie IP, secteurs dans lesquels EXFO est bien positionné.

Nous continuons à élargir et à diversifier notre offre produit grâce à d'importants investissements en R&D (environ 300 personnes, 12 % du chiffre d'affaires) afin d'augmenter notre avantage concurrentiel et bien se positionner dans les secteurs en émergence. Plus de 37 % de nos revenus de l'an dernier ont été générés par des produits au marché depuis moins de deux ans.

Comme indicateur de performance, nous avons annoncé qu'au minimum nous atteindrons 20 % de croissance des ventes en 2007. Notez que ce même indicateur de performance a été significativement dépassé dans chacune des trois dernières années.

Déjà, nous étions en avance sur cet objectif avec 31,9 % après le premier trimestre. Ma plus grande fierté après plus de 21 années comme président du conseil et pdg d'EXFO est que nous avons gagné des parts de marché chaque année.

Question: Dans quelles compagnies émergentes ou établies placeriez-vous votre argent?

Réponse: Je ne peux malheureusement répondre à votre question directement, laissant les professionnels du placement étaler leurs prévisions. Une décision d'investissement doit toujours être prise en considérant vos objectifs personnels, votre niveau de tolérance au risque, la taille de votre portefeuille et votre horizon de placement.

En général, un certain niveau de diversification est requis et il est important d'avoir des attentes réalistes. Je suggère de consulter un conseiller en placement fiable.

Question: Nortel a donné une action pour 10 actions pour que le prix dépasse 15 $ - qui semble être un prix plancher pour beaucoup d'investisseurs professionnels - et, depuis ce changement, le prix des actions monte.

N'y aurait-il pas lieu qu'EXFO donne au moins une action pour deux ou une action pour trois pour obtenir ainsi une hausse du prix à la Bourse parce que le volume augmenterait?

Nortel a encore un énorme déficit accumulé à son bilan, tandis qu'EXFO a fait le nécessaire pour cesser d'étaler le sien des années passées et qu'il est fort probable qu'EXFO n'affichera plus de perte trimestrielle dans l'avenir. Étant donné que l'encaisse est plus que suffisante, ne serait-il pas temps qu'EXFO commence à payer un dividende ? Ceci intéresserait probablement une autre classe d'investisseurs, qui ferait aussi augmenter le volume.

Réponse: Dans le cas de Nortel, celle-ci n'a pas «donné» mais bien «échangé» 10 actions anciennes contre une nouvelle (fractionnement inverse). Pour sa part, EXFO n'a aucune raison de procéder à un fractionnement inverse puisque nos actions satisfont largement les conditions requises par les différentes Bourses et le fractionnement aurait pour effet de réduire le nombre d'actions en circulation. Avec seulement 31,7 millions d'actions en circulation (public float), les investisseurs professionnels aimeraient au contraire voir ce nombre augmenter.

Concernant les dividendes, la stratégie d'EXFO - comme presque toutes les entreprises technologiques - est plutôt de réinvestir les profits dans l'entreprise. Comme vous pouvez le deviner, il faut investir des sommes importantes en R&D, ventes et marketing pour être le numéro un mondial dans notre domaine. De plus, notre position d'encaisse nous permet d'envisager d'être actif sur le marché des acquisitions afin d'accélérer la croissance et de diversifier notre offre produit.

Question: Je surveille votre titre depuis plusieurs années et je crois qu'il est à un niveau relativement équilibré. Pour les investisseurs qui exigent des rendements en croissance, comment pouvez-vous les convaincre que votre entreprise saura améliorer sa position dans un horizon d'un à trois ans ? Quelles sont vos perspectives de croissance?

Réponse: Bien que les performances antérieures d'une entreprise ne soient pas garantes de l'avenir, EXFO a livré un taux de croissance annuel composé des ventes de 27,5 % pour les trois dernières années et une augmentation encore plus rapide de ses profits.

Notre stratégie est basée sur cette même ligne directrice pour les années à venir en misant sur des vecteurs spécifiques de croissance, l'ajout de nouveaux produits, le développement plus particulier de certains marchés et de certaines clientèles. Je vous encourage à lire ma lettre aux actionnaires dans notre rapport annuel 2006 pour plus d'information, disponible dans la section «Relation aux investisseurs» de notre site Web (www.exfo.com).

Question: Pourquoi vous êtes-vous départi de 303 000 titres entre le 4 et le 9 mai 2006, alors que l'avenir de la société semble finalement déboucher concrètement?

Réponse: Pour corriger le tir, après 21 ans à la direction de l'entreprise, j'ai vendu 350 000 actions au mois de mai dernier pour des fins d'impôts et de planification successorale. Cela représente environ 1 % de la totalité de mes actions dans l'entreprise.

Vous comprendrez que mes intérêts et ma motivation demeurent intacts et que je suis plus que jamais engagé à maximiser la croissance ainsi que la rentabilité tout en développant EXFO comme leader mondial dans le domaine des instruments de test et de mesure de télécommunications.

Question: J'ai acheté, il y a plusieurs années, 300 actions ordinaires d'EXFO. La valeur d'acquisition fut de 18 673,22 $US. La valeur actuelle au marché américain est d'environ 1970,22 $. Je n'ai pas d'avis d'exécution. J'aimerais vendre ces actions pour récupérer les pertes en capital. Que dois-je faire ? J'en achèterai peut-être à plus bas prix.

Réponse: Je vous suggère de contacter la société CIBC Mellon Trust, notre agent comptable des registres et agent des transferts, au 514 285-3600.

Question: Je suis un petit actionnaire de la compagnie depuis déjà cinq ans. La plupart des compagnies cotées en Bourse ont une politique de communication dynamique avec les investisseurs.

Dans le cas d'EXFO, nous entendons que la compagnie se porte très bien à la présentation des résultats trimestriels, mais nous entendons très peu de nouvelles à propos de contrats obtenus au fil des jours. Les seules informations que nous obtenons sont les annonces des nouveaux produits offerts par la compagnie.

Cette situation donne l'impression qu'EXFO ne fait pas équipe avec ses investisseurs, qu'elle n'a pas de comptes à leur rendre. Cette pauvreté d'information au sujet des contrats est-elle causée par le type de marché dans lequel évolue EXFO ou simplement par un manque d'efforts du côté de la communication avec le public?

Réponse: Nous faisons peu d'annonces concernant l'obtention de contrats principalement pour éviter de diffuser trop d'information stratégique que nos concurrents pourraient utiliser à leur avantage.

De plus, les règles de communication pour les entreprises publiques - les actions d'EXFO sont échangées sur les marchés TSX et NASDAQ - sont relativement strictes en ce qui a trait à l'implantation et au respect de règles sur la communication aux actionnaires. Nous croyons que nos actionnaires privilégient l'amélioration de nos résultats à la diffusion massive d'information non essentielle.

Question: En pourcentage par rapport à 2006, quelle est la croissance anticipée de vos ventes pour les années 2007, 2008 et 2009 ? Du moins, ce que vous aimeriez atteindre ? Par ailleurs, est-ce qu'EXFO est une cible potentielle de «takeover» venant d'autres compagnies canadiennes ou américaines et a-t-elle déjà été approchée dans cette optique?

Réponse: EXFO n'offre pas de prévision de ventes sur une base annuelle, mais elle fournit plutôt des indicateurs de performance en début d'année financière afin de permettre aux investisseurs d'évaluer la gestion de l'entreprise.

Cette pratique, que nous suivons depuis maintenant quatre ans, est hautement recommandée par l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA). Notamment, nous avons établi une croissance des ventes de 20 % comme objectif pour l'année financière 2007.

Les deux autres indicateurs de performance pour 2007 sont un bénéfice d'exploitation - selon les PCGR - de 7 % et l'obtention d'au moins 35 % des ventes de nouveaux produits sur le marché depuis deux ans ou moins. Nous ne fournissons pas d'objectifs corporatifs deux ou trois ans d'avance.

Pour répondre à votre deuxième question, EXFO a eu de nombreuses offres d'achat, surtout alors qu'elle était privée, et chaque fois, le conseil d'administration a dû évaluer l'offre et décider si elle était dans le meilleur intérêt des actionnaires. À ce jour, le conseil a toujours décidé que les actionnaires d'EXFO étaient mieux servis par l'équipe en place. Cependant, EXFO ne pourrait pas être victime d'une acquisition hostile puisque je suis toujours actionnaire majoritaire.

Question: Quelle serait votre recette pour multiplier le nombre d'EXFO dans la région de Québec?

Réponse: Plusieurs cherchent faire en sorte que plus d'entreprises technologiques comme EXFO se créent dans la région de Québec. La réponse est à la fois simple et compliquée - ce qui explique qu'il y en a peu. À mon sens, il ne manque pas de capitaux, mais de bons entrepreneurs avec de solides projets. La mondialisation est une réalité incontournable menant à une concurrence toujours accrue.

La Chine peut être une opportunité fantastique ou une menace terrifiante, selon les choix et les stratégies retenus. Comme dans les sports d'équipe de haut niveau, les entreprises doivent à la fois compter sur une équipe hautement compétente, sur tous les plans et dans tous les domaines (R et D, ventes, mise en marché, etc.) afin d'atteindre le niveau d'excellence requis.

La diversité culturelle et linguistique est essentielle pour toute entreprise désirant oeuvrer sur le plan international. Un plan d'affaires sérieux et une stratégie éclairée sont de mise pour assurer même la survie des entreprises. La passion du client, de bons processus d'affaires, un plan de commercialisation dynamique et une grande capacité à innover sont des éléments essentiels.

Je pourrais écrire un livre sur le sujet tellement il me passionne. Mon implication comme membre du comité exécutif et du conseil d'administration de Pôle Québec Chaudière-Appalaches en est une démonstration. Pour ma part, la meilleure contribution que je puisse apporter au développement de Québec est de faire en sorte d'en accélérer le développement afin d'augmenter les retombées économiques régionales tout en amenant un rayonnement mondial.

PS: Je vais possiblement décevoir un lecteur qui me demandait si mes contacts me permettaient de rencontrer le chanteur du groupe U2. Non, mes contacts ne me permettent malheureusement pas d'obtenir une rencontre n'importe où dans le monde avec le chanteur Bono, du groupe irlandais. Désolé ! On peut peut-être m'aider à en obtenir une, car j'aime bien le groupe.

PS: EXFO fut fondée humblement à Québec dans mon appartement en 1985, alors que je terminais mes études de maîtrise en optique, avec 100 $ pour tout capital de démarrage.