Les Soeurs du Bon Pasteur, victimes d'une fraude massive dans la saga du Marché central de Montréal au début des années 90, n'ont pas droit aux 95 millions de dollars en dommages et intérêts qu'elles réclamaient à la Banque Royale et à la filiale canadienne de la banque italienne Intesa.

Les Soeurs du Bon Pasteur, victimes d'une fraude massive dans la saga du Marché central de Montréal au début des années 90, n'ont pas droit aux 95 millions de dollars en dommages et intérêts qu'elles réclamaient à la Banque Royale et à la filiale canadienne de la banque italienne Intesa.

Un juge de la Cour supérieure a statué hier que les deux banques n'ont commis aucune des négligences dont les accusaient les religieuses de Québec, dans un procès au civil qui a été entendu à l'automne 2005 devant le juge Richard Wagner. Les soeurs réclamaient 61 millions en capital et 34 millions en intérêts.

" Comme dans toute poursuite en dommages, la poursuite devait prouver que ma cliente (la Banque Royale) avait commis une faute, qu'il y avait des dommages et qu'il existait un lien de causalité entre la faute et les dommages. Or, selon le juge aucune des trois preuve n'a été faite ", a déclaré hier l'avocat de la Royale dans cette cause, Ronald Audette, de Fraser Milner Casgrain.

On se souvient que les Soeurs du Bon Pasteur, qui avaient investi de l'argent dans la construction du Marché central, avaient été escroquées par un groupe d'arnaqueurs.

L'avocat Jean-Pierre Cantin et le comptable Denis Schmouth ont été condamnés au criminel. Le promoteur immobilier Alain-Pierre Bisaillon s'est suicidé avantson procès.

La Royale et Intesa avaient eu un rôle dans l'affaire en accordant des prêts commerciaux au Marché central. Les soeurs, qui avaient un intérêt considérable dans le projet de construction, s'étaient fait convaincre par les fraudeurs de garantir deux prêts au Marché central totalisant 61 millions de dollars.

Quand le détournement de fonds a été mis au jour, les banques ont rappelé les prêts, que les religieuses ont dû rembourser, non sans déposer un protêt.

Pour éviter la catastrophe financière, les soeurs ont négocié toutes les créances et racheté l'entreprise en faillite- une tâche colossale- et terminé elles-mêmes la construction du Marché central. Après maintes péripéties, elles ont revendu le Marché à profit pour la somme de 302 millions.

Cette absence de dommages a été noté par le juge Wagner: au final, l'aventure a laissé un solde de 174 millions, ce qui donne aux Soeurs un rendement annuel composé de 11 % entre 1999 et 2005.

Mais surtout, le juge Wagner a indiqué que les deux banques n'avaient pas commis la négligence que leur reprochaient les Soeurs. Ces dernières affirmaient qu'elles n'auraient jamais garanti les emprunts faits par les fraudeurs si les banques avaient fait les vérifications nécessaires avant d'accorder les prêts.

Les banques, ayant devant elles une caution, donc des prêts sans risque, ont consenti au Marché central des prêts commerciaux exigeant une vérification diligente et un suivi moins poussé qu'un prêt hypothécaire, selon les soeurs, qui alléguaient aussi avoir été mal conseillées par les banques.

Le juge n'a pas retenu cette thèse, notant que d'autres investisseurs chevronnés ont souscrit au projet après avoir examiné les livres. De plus, les banques avaient une obligation de conseil envers l'emprunteur, pas envers les Soeurs, qui cautionnaient les emprunts en connaissance des risques.

Mais le juge n'a pas eu de compliments pour les banques, notant notamment que la Royale " n'a pas respecté tous et chacun de ses critères avant de prêter " et ajoutant que les banques avaient choisi " le chemin de la facilité ". Ce chemin, cependant, " n'est pas générateur de faute et de responsabilité ".

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