La menace californienne

La menace californienne

Les producteurs maraîchers de la côte ouest nord-américaine, de Californie en particulier qui sont depuis longtemps les seigneurs des fruits et légumes sur le continent, pourraient un jour venir cultiver leurs produits de ce côté-ci du continent, selon des observateurs.

Gerry Van Winden, président de VegPro, en Montérégie, est l'un de ceux qui envisagent cette possibilité.

Selon l'homme d'affaires québécois, des géants comme Dole dont les produits sont déjà omniprésents au Québec n'hésiteraient pas à faire le saut. " Dole a un chiffre d'affaires d'un milliard (de dollars américains) par année. S'ils sentent que le marché est en train de leur glisser des mains, je ne serais pas surpris de les voir s'établir ici ou conclure des ententes de partenariat ", explique M. Van Winden.

Mais l'invasion de l'Ouest n'inquiète pas outre mesure l'homme d'affaires. " Avec le coût de plus en plus élevé du pétrole, les chaînes d'alimentation et les consommateurs sont conscients qu'il est peut-être plus avantageux d'acheter ce qui est produit ici sur la côte Est. " Et les petits producteurs peuvent aussi résister à cette pression, selon lui.

" La spécialité des grandes entreprises ce n'est pas de produire, mais plutôt le marketing, la logistique et les ententes avec les grandes chaînes, ajoute le président de VegPro. Ce qu'elles veulent, c'est d'être approvisionnées. Si elles viennent s'établir ici, ça va peut-être ouvrir des marchés. Les plus petits producteurs qui n'ont pas accès au même marché que les gros ne seront pas nécessairement touchés. "

VegPro exporte 90 % de sa production aux États-Unis, notamment dans les supermarchés et chez les grossistes. Son chiffre d'affaires est d'environ 65 millions de dollars. La force du huard et les contraintes administratives liées à l'exportation en sol américain ont eu tôt fait de convaincre la PME d'augmenter sa présence en sol canadien.

Produire toute l'année?

Les quelque 1000 producteurs de fruits et légumes du Québec, dont certains ont de la difficulté dans l'actuel contexte de mondialisation, devront-ils s'organiser, en dépit de notre climat rigoureux, pour produire toute l'année?

C'est en tous cas l'avenue qu'emprunte depuis 2000 VegPro. Le secret de la PME: exploiter des terres et des serres en Floride et au Mexique.

" Produire à longueur d'année, ça nous permet de toujours être présent dans le marché. On ne recommence pas à zéro tous les six mois. Sur une année, il n'y a qu'un mois au printemps et un mois à l'automne où on ne produit pas ", soutient Gerry Van Winden.

Aux États-Unis, VegPro cultive 2000 acres en Floride, dans la région marécageuse du lac Okeechobee, au nord des Everglades. Ces terres sont louées, mais la PME québécoise souhaite en faire l'acquisition à brève échéance. Fait peu banal, dès que la saison tire à sa fin au Québec, tout l'équipement utilisé pour l'exploitation de l'entreprise (tracteurs, équipements d'emballage, etc.) est envoyé en Floride. Et vice-versa. Un déménagement qui nécessite le concours de 65 semi-remorques.

M. Van Winden croit avoir fait le bon choix, car l'entreprise qu'il dirige est, dit-il, bien positionnée. " Au début des années 90, lors d'un voyage en Californie, j'ai proposé à des producteurs de là-bas de créer des alliances. Ils ne me prenaient pas au sérieux. Ce printemps, il y a quelqu'un de là-bas qui est venu ici pour explorer ce genre de possibilités. Faut croire que j'étais 20 ans en avance ", explique l'homme d'affaires québécois.

Au Mexique, VegPro exploite une entreprise serricole dans l'état de Veracruz, de même que des parcelles de terre dans la région aride de Sorona, près de la Basse-Californie.

Concurrents américains

Gerry Van Winden n'en fait pas une affaire personnelle mais, pour lui, le Canada aurait avantage à être " plus culotté " en matière de commerce avec les États-Unis.

" Malgré l'accord de libre-échange qui existe entre nos deux pays, il y a un paquet de règlements pour tout ", déplore M. Van Winden.

" Je trouve que les Américains sont vite sur le piton. Ils ne se gênent pas pour fermer la frontière dès qu'un petit quelque chose ne fait pas leur affaire. C'est le Canada qui subit. Les entreprises d'ici sont fragilisées et c'est inquiétant. Il faut être plus stratégique dans notre commerce avec les États-Unis, il faut que le gouvernement canadien soit plus culotté ", fait valoir le président de VegPro.

Par ailleurs, Gerry Van Winden croit que le Canada gagnerait en misant davantage sur la commercialisation de ses produits.

" On nous montre comment produire. Il y a plein d'organismes et de programmes d'aide pour cela. Mais pour ce qui est de la commercialisation de ce que nous produisons, il y a un manque. On ne fait pas assez d'efforts de ce côté-là ", explique M. Van Winden.

VEGPRO EN BREFVegPro se targue d'être le plus important producteur maraîcher au Québec.

La PME exploite 4500 acres de terre noire dans la région de Sherrington au sud de Montréal. L'endroit est reconnu pour ces terres riches en matières organiques.

L'entreprise appartient à Gerry Van Winden sa conjointe Claudine Henderson Anthony Fantin et d'autres membres de la famille Van Winden.

VegPro produit notamment des carottes des céleris des oignons et des épinards.

Sa grande spécialité demeure toutefois la laitue: iceberg romaine frisée etc.

Et son créneau ce sont les jeunes plants de laitues qui entrent dans la composition du mesclun ce mélange de laitues lavées et emballées.

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