Bombardier (T.BBD.B) est le bouc émissaire idéal. On critique l'avionneur pour toutes sortes de raisons: l'entreprise est trop subventionnée, Laurent Beaudoin a un salaire élevé, la gouvernance pose problème, le titre patauge...

Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] est le bouc émissaire idéal. On critique l'avionneur pour toutes sortes de raisons: l'entreprise est trop subventionnée, Laurent Beaudoin a un salaire élevé, la gouvernance pose problème, le titre patauge...

La question se pose: y a-t-il un Bombardier «bashing»?

Selon plusieurs experts, l'impression n'est pas fausse. Bombardier fait souvent les frais de frustrations, d'inquiétudes, de déceptions.

«Bombardier au Québec, c'est comme un icône, ça fait partie de notre patrimoine, on accorde beaucoup d'importance à l'entreprise», lance Jacques Roy, professeur de gestion des opérations à HEC Montréal.

L'aérospatiale est une industrie médiatisée, presque glamour. Elle capte donc beaucoup d'attention des médias, croit le professeur.

Et il en sait quelque chose, lui qui reçoit nombre d'appels de journalistes qui l'interrogent sur Bombardier. En bien, mais surtout en mal.

«Ce n'est pas systématiquement négatif, mais on veut en parler».

Benoît Poirier, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, est en accord. L'avionneur montréalais capte l'attention et fait jaser.

«Les gens sont émotifs avec Bombardier», affirme-t-il.

Selon lui, les investisseurs et analystes ont gardé une déception face à un titre qui pavoisait à plus de 25 $ et qui a connu la saignée de l'après 11-septembre. Aujourd'hui, l'action se situe modestement vers 5,50 $ et poursuit une lente progression depuis 2005.

Un autre irritant, selon l'analyste, est le salaire de Laurent Beaudoin. Pour l'exercice financier de 2007, la rémunération annuelle du PDG de Bombardier était de 1,4 M$, plus une prime de 2,3 M$.

«Ça peut sembler élevé, mais si on compare ce salaire avec les autres entreprises de cette catégorie, c'est très raisonnable», assure Benoît Poirier.

Du côté des spécialistes des marchés boursiers, le titre est souvent décrié. Au début de l'année, seulement deux des 18 analystes qui suivent le titre québécois en recommandait l'achat, soutient M. Poirier. Une bien mauvaise moyenne et surtout une perception négative qui colle à l'aileron du fleuron québécois.

«Je trouve que les analystes financiers sont durs avec le titre. Depuis quelques années, Bombardier va bien, il y a eu beaucoup de gains et une bonne diversification», assure Jacques Roy.

Pour bien d'autres, la question de la gouvernance pose problème.

«Bombardier se situe entre l'entreprise familiale et l'entreprise cotée en bourse. Aussi, la famille est un investisseur privilégié et le marché boursier n'aime pas particulièrement cette structure», avance Isabelle Dostaler, professeure à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia.

Selon elle, les investisseurs conservent toujours une suspicion face à ce type de titre.

«Ils croient à tort que le conseil d'administration ne travaillera pas pour eux», dit-elle.

Une autre impression négative demeure : selon plusieurs, l'entreprise québécoise profite de subventions généreuses de l'État. Encore pis, pour les détracteurs, Bombardier ne serait pas un joueur majeur sur le marché si elle n'avait pas profité de cet argent public.

Pour les experts, cette perception ne pourrait être plus fausse.

«C'est complètement ridicule. S'il y a bien une industrie qui a besoin de subventions, c'est bien l'aérospatiale», lance Mme Dostaler.

D'ailleurs, selon les spécialistes, ce domaine est subventionné partout sur la planète. Airbus ou Embraer notamment touchent de généreuses entrées d'argent de la part de leur gouvernement.

«Pour Boeing, plus de la moitié de ses contrats viennent de la défense. Ici, nous n'avons pas ce type de contrats», dit-elle.

Pour soutenir la compétition, Bombardier doit toucher des deniers publics, croient les spécialistes.

Ces critiques proviennent également de Bay Street et des milieux d'affaires de Toronto.

«C'est classique, l'Ontario c'est l'industrie automobile, le Québec, l'aérospatiale. Les deux secteurs sont continuellement en compétition», affirme Mme Dostaler.

D'autres vont encore plus loin.

Selon un analyste québécois travaillant dans la Ville Reine et qui a voulu conserver l'anonymat, Bombardier est la cible perpétuelle des spécialistes canadiens anglais.

«Il y a effectivement un Bombardier «bashing», une grande négativité entourant l'entreprise», dit-il.

Selon cet analyste, il y a un sentiment généralisée que les compagnies québécoises touchent trop de subventions des gouvernements. Il parle même d'un Québec «bashing».

«Je le vis, je le vois à tous les jours. Mais c'est complètement faux, le fédéral éparpille l'argent dans toutes les provinces», confie-t-il.

Pour l'avionneur, les coups viennent aussi bien souvent du Québec.

«On saute rapidement sur Bombardier. Je me demande si ce n'est pas un fond de catholicisme, la façon dont les Québécois voient les entreprises qui réussissent. Quand ça réussi, il y a toujours quelque chose qui cloche», avance Mme Dostaler.

Une question de sociologie, finalement. Une vilaine tendance nationale de voir l'argent avec circonspection, ce «moi» québécois profond qui s'exprime, celui qui est né pour un petit pain. Bombardier n'a donc pas fini de répondre aux critiques.

«Ils ne sont pas du genre à se plaindre, je crois qu'ils savent qu'il s'agit d'une tendance québécoise», croit Isabelle Dostaler.