En entendant sa sentence, vendredi, Conrad Black a pu regretter bien des choses. L'une d'elles: avoir été jugé aux États-Unis plutôt qu'au Canada.

En entendant sa sentence, vendredi, Conrad Black a pu regretter bien des choses. L'une d'elles: avoir été jugé aux États-Unis plutôt qu'au Canada.

«Ce ne sera pas un camp de luxe pour cols blancs. Ils font face à des peines substantielles, sans doute plus d'une décennie», a commenté Jacob S. Frenkel, un avocat de la firme du Maryland Shulman Rogers. Ancien procureur fédéral, M. Frenkel a suivi le procès avec intérêt.

Si le magnat de la presse avait été jugé au Canada, tout se serait passé bien différemment, croit Errol Mendes, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste de l'éthique en gouvernance corporative.

«Vous serez surpris de m'entendre, mais jusqu'à ce qu'on se dote d'un régime plus sévère au Canada, je ne crois même pas que M. Black aurait été poursuivi», a lancé le professeur.

«Pensez-y. Est-ce que quelqu'un l'a déjà été pour quelque chose de sérieux ici? Ils auraient sans doute été poursuivis au civil.»

Le magnat de la presse et trois de ses collègues administrateurs de Hollinger International faisaient face à 42 chefs d'accusation. Treize pesaient sur Black. Quatre ont été retenus par le jury composé de neuf femmes et trois hommes.

Le plus grave, celui d'entrave à la justice, peut entraîner une peine maximale de 20 ans. Les trois autres, de fraude, lui vaudraient au plus 15 ans.

«Le gouvernement a tiré 13 balles vers Lord Black. Neuf ont raté leur cible. Quatre l'ont frappé directement entre les deux yeux. Avec quatre coups semblables, vous pouvez parler de victoire», affirme John Coffee, professeur de droit à l'Université Columbia et directeur du Centre Columbia sur la gouvernance corporative.

L'avocat canadien de M. Black, Edward Greenspan, a indiqué qu'il en appellerait du verdict du jury, rendu vers 11h30 à Chicago, vendredi matin. Or, selon le professeur Coffee, les chances de succès d'une telle opération sont minces.

«C'était un procès compliqué, avec beaucoup de procédures et de décisions basées sur la preuve. Mais rarement vous obtiendrez un renversement sur ce genre de procédure», dit-il.

Le spécialiste des crimes de cols blancs a salué le travail des jurés, qui ont su discerner les vrais enjeux des questions de train de vie et de compte de banque, selon lui.

«Ces chefs d'accusation, ceux de dépenses excessives, les vols à Bora Bora, les soupers dispendieux Ceux-ci ont tous entraîné des verdicts d'acquittement, souligne M. Coffee. Le jury a plutôt rendu son verdict sur la pièce maîtresse de la théorie des procureurs: les détournements de fonds par l'entremise de paiements de non-concurrence.»

Le prononcé de la sentence aura lieu le 30 novembre prochain. Conrad Black sera de retour devant la cour jeudi pour l'enquête sur cautionnement.

«Il sera peut-être assez chanceux pour rester en liberté pour quatre mois. Mais il est très probable que le juge l'envoie purger sa peine avant les premières neiges de l'hiver», estime Jacob Frenkel.