Les fonds d'investissements, riches de centaines de milliards de dollars, n'ont jamais dépensé autant que cette année pour racheter des entreprises, qu'ils retirent ensuite de la cotation en Bourse et de ses contraintes grandissantes.

Les fonds d'investissements, riches de centaines de milliards de dollars, n'ont jamais dépensé autant que cette année pour racheter des entreprises, qu'ils retirent ensuite de la cotation en Bourse et de ses contraintes grandissantes.

"Les rachats d'entreprises par des fonds sur les neuf premiers mois de 2006 ont atteint 165 milliards de dollars, et dépasseront cette année le record de 2005, qui était de 198 milliards de dollars, après 137,8 milliards en 2004", a estimé Danielle Fugazy, rédactrice en chef de la revue spécialisée Buyouts.com

"Cinq des plus grands rachats de tous les temps ont eu lieu cette année", a souligné Paul Kedrosky, expert du secteur, citant plusieurs gigantesques opérations, dont en tête le groupe hospitalier américain Hospital Corporation of America (HCA), pour lequel le fonds KKR propose 33 milliards de dollars.

Autres transactions en cours, les rachats par des fonds des groupes Freescale (semiconducteurs) et Harrah (casinos), pour respectivement 17 et 15 milliards environ. Mercredi, la presse évoquait un possible rachat du groupe de grande consommation Sara Lee, pour un prix pouvant approcher 24 milliards.

Tous les experts s'accordent pour pronostiquer la poursuite de l'ascension des fonds, riches d'une somme record de 250 milliards de dollars, surtout levés auprès des fonds de pension, a estimé Erik Hirsch, investisseur en chef de Hamilton Lane.

"2007 affichera un nouveau record", a commenté Mme Fugazy, d'autant plus que les fonds peuvent emprunter à des conditions attrayantes, car en moyenne ces opérations sont financées à 80% par l'emprunt", a commenté le professeur Joseph Bartlett, conseiller chez Fish & Richardson et professeur à l'Université de Cornell.

La montée de la Bourse ne peut que favoriser cette tendance: racheter une entreprise, la retirer de la Bourse, la développer puis la réintroduire en Bourse peut rapporter 300 ou 400 fois la mise", a souligné M. Bartlett.

"L'autre motivation est de retirer les entreprises de la Bourse, car la cotation est de plus en plus coûteuse et contraignante", a relevé M. Hirsch.

"Les PDG doivent ménager les analystes financiers, cela leur coûte du temps et de l'argent. Il y a une tendance à quitter la Bourse, et bien des entreprises le feraient si elles le pouvaient, mais c'est très cher et les régulateurs boursiers sont tatillons, de peur que les petits actionnaires ne soient lésés", a commenté M. Bartlett.

"Etre hors de la Bourse permet une gestion plus souple, sans dépendre des résultats trimestre par trimestre scrutés par Wall Street", a ajouté M. Hirsch. Les fonds gèrent les entreprises "différemment, avec une vision à plus long terme que les délais imposés par Wall Street", a-t-il poursuivi.

Il gardent en moyenne les entreprises plus de 5 ans et "loin de les démanteler, ils investissent davantage et les font grandir", a-t-il expliqué.

"La place des fonds dans l'économie peut encore augmenter car comparativement aux milliers de milliards de dollars des marchés financiers, leur poids de 250 milliards est encore relativement faible".

Autre élément qui fait exploser les transactions, "la compétition entre les fonds, ce qui entraîne des prix payés plus élevés, a noté John Bartlett. Ceux-ci se regroupent souvent en consortium pour financer leurs acquisitions.

A ces niveaux de prix, les retours sur investissement ont diminué à environ 15% au lieu de 25% il y a quelques années, a souligné Mme Fugazy.

Les fonds accroissent donc leurs incursions dans tous les pays -- Etats-Unis, Europe, Chine...-- et dans tous les secteurs. L'Europe a connu quelques rachats spectaculaires récemment, comme celui des PagesJaunes de France Télécom ou de Taittinger. Le groupe PPR envisage aussi de vendre la FNAC à un fonds, selon la presse.

Des fonds, dont les plus puissants comme KKR, Carlyle ou Blackstone disposent de plus de 10 milliards de dollars et inspirent même des romans, comme "The Protégé" de Stephen Frey.

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